En 1939, les spectateurs qui se rendirent au cinéma voir le dernier Renoir, ne s'attendaient certainement pas à une telle charge. Alors que le pays est inquiet de ce qui se passe outre-Rhin, le bon peuple n'a le choix que de s'en remettre à ses élites. Et voilà le spectacle qu'en donne Renoir ! Une bande de joyeux drilles, insouciants, snobinards, qui se réunissent dans une propriété de Sologne, pour une partie de chasse (et pas seulement de chasse…). Après un départ en vaudeville, la comédie bourgeoise vire au drame. Sous son microscope, c'est les français que Renoir dissèque. Insouciance, tromperies, lâcheté, jalousies... la palette des sentiments et des caractères décrite par Renoir n'est pas du goût du public. Après des films plus sombres et naturalistes (LES BAS FONDS, LA BETE HUMAINE) Renoir souhaitait pourtant réaliser un aimable divertissement, inspiré de Musset et Marivaux. Et un carton annonce dès le générique :
Le film fut évidemment un échec, le metteur en scène fut traîné dans la boue, et son film mis au rebut pendant 20 ans. Renoir gagne Hollywood, où il réalisera des films pendant 10 ans. Les rares bobines de LA REGLE DU JEU qui circulèrent, étaient coupées de plusieurs scènes. Les jeunes loups de la Nouvelle vague, cinéastes en rupture eux aussi, firent du film de Renoir leur étendard, et l'imposèrent aux yeux de tous comme le chef d'œuvre qu'il est, lors d’une projection, dans sa forme intégrale, à la Mostra de Venise, en 1959. Renoir y déploie son immense savoir-faire, en dirigeant sa troupe d'acteurs dans des plans séquences d'une maîtrise absolue pour l'époque. Les déplacements des acteurs s'harmonisent aux mouvements de caméra, dans une valse nonchalante. Toutes les scènes de l’hôtel particulier, au début, sont placées sous le double signe de la fluidité et de la futilité. On ne pense qu’à soi, on plaisante, on joue, on se pelote. Robert est marié à Christine mais la trompe avec Geneviève, quand Christine est aimée par André… Et tout cela semble être naturel. Mais déjà Renoir met en place les éléments de la tragédie à venir. Le cynisme pointe le bout de son nez lorsque les protagonistes rejoignent La Colinière, belle propriété de Sologne.
Revu l'autre soir sur Arte. Ma femme n'a pas décollé du fauteuil pour une fois, c'est rare, subjuguée par tant de grâce... " The chef-d'oeuvre "
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