Sonia regarde des publicités pour des maisons ossature bois. Elle
interpelle Nema qui travaille sur un plan de viaduc :
- Des ponts, des ponts, toujours des ponts, tu n’en as pas marre ?
pourquoi tu ne fais pas des maisons en bois ?
- Mais… Je suis ingénieure structure béton Sonia, spécialisée dans les
ouvrages de génie civil, je ne suis pas du tout dans le domaine de la
construction de maison individuelle.
- C’est nul, reprend Sonia. Une maison, c’est toute une histoire,
l’histoire de ses habitants, c’est comme un être vivant…
- Ah, oui, je comprends, comme la maison de Maria Salviati qui ne
pourra changer de propriétaire que si l’agent immobilier comprend ce
qu’elle a vécu…
Vendre une maison. Vendre une vieille maison, une maison de famille, là où
on a vécu son enfance avec ses parents, là où on a vécu avec son conjoint et
son fils, abandonner « celle qui a tout vu et entendu » dirait Sonia, entre
les murs de laquelle on s’est réfugié, senti en sécurité ou effrayé. Voilà
ce que Maria Salviati et son
agent immobilier
Gabriele doivent faire : vendre
la maison Salviati. Voilà. C’est l’histoire de la vente d’une maison. Ou bien une histoire de
famille. C’est une histoire qui démarre avec un petit goût de bonbon
suranné, genre bonbon à la violette, doux et délicat. Mais comme avec
certains bonbons d’aujourd’hui, on aura droit à de drôles de piquants et
même au goût amer, celui de l’incompréhension et de la violence…
Le titre de ce roman semble un peu bizarre : pourquoi ce drôle de nom de
Vapore ? Vapeur en français.
Marco Lodoli a choisi de donner
ce surnom au personnage d’Augusto, le mari de Maria Salviati. Mais patience. Il faut d’abord entrer dans l’histoire avant de rencontrer
cet homme, quasi éthéré, décalé et joyeux, mais pas seulement…
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| Musée bateaux Lac Nemi |
Maria Salvati est une ancienne
professeure de sciences et de biologie. Elle a 72 ans, vit à Rome et se sent
vieillir, en proie à des doutes sur sa mémoire qu’elle tente d’entretenir à
tout prix avec force mots croisés. Un beau matin d’avril, un jeune homme
sonne à son domicile. Elle ne veut pas avoir peur comme toutes les personnes
âgées, elle ouvre donc la porte et
Gabriele se présente : il est
agent immobilier et travaille pour «
Le Temps des demeures ». Il
vient au titre du mandat de vente donné à cette agence.
Maria s’en souvient vaguement.
Cela fait si longtemps que la maison est mise en vente ! Le garçon est
jeune, vêtu d’un costume sombre impeccable avec une chemise bleu ciel et une
cravate. Il lui demande gentiment de venir avec lui à la maison. Sa voiture
est en bas. Maria accepte, prend
son sac et ses clés, et ils partent en voiture pour la maison qui est située
près du lac Nemi à 40 kilomètres de Rome.
Gabriele fait attention à
conduire doucement dans les virages, car
Maria a toujours mal supporté
ces courbes et lacets qui permettent à la route de gagner le plateau. Une
fois la maison ouverte,
Gabriele et
Maria s’assoient et attendent
les éventuels visiteurs. Ils sont au soleil. Une couverture sur les genoux.
Gabriele demande à
Maria de raconter son histoire
dans cette maison pour la comprendre.
Alors Maria replonge dans ses
souvenirs. Elle se souvient de sa rencontre avec
Augusto, « l’homme qui était une catastrophe qu’elle serrerait contre elle jusqu’à
ce que la mort les sépare ». Elle est alors jeune et sérieuse. Fille de
professeur d’université, elle étudie sagement quand par hasard lors d’une
fête pour enfants elle voit cet homme clown qui jongle, qui fait apparaître
un oiseau, qui sème le bazar dans la réunion d’enfants. C’est le coup de
foudre. Il lui dit qu’elle est celle qu’il attendait, elle fond
littéralement dans ses bras et part à l’aventure avec lui sur une moto
déglinguée, jusqu’en Espagne.
Et elle revient enceinte de
Pietro. Colère et scandale chez les
Salviati. Tant pis. Maria retrouve
quand même suffisamment de bon sens pour terminer ses études et devenir
professeure. Ses parents lui laissent la jouissance de la maison de
campagne. Augusto va et
vient, intermittent du spectacle, clown lunaire, père rêveur et conteur
d’histoires. De temps en temps
Augusto part car il a besoin
de partir. Mais à chaque fois il revient. Et quand il part, il jure de
revenir. Maria assume la
charge de Pietro seule,
assure le quotidien, s’accommode de ces frasques.
Gabriele
et Maria retournent
plusieurs fois à la maison. Il y a de potentiels acheteurs qui viennent,
mais ce n’est pas ceci ou ce n’est pas cela. Toujours quelque chose qui
ne convient pas. Maria se
demande si la maison est vendable.
Gabriele lui explique que
c’est normal. Il connait son métier. Il faut de la patience pour qu’il
trouve ceux qui auront le bon profil pour cette maison. En attendant, il
aime toujours entendre
Maria se raconter.
Pietro
grandit. Ce sont les années 70. Il a une passion pour les infortunés, les
pauvres. Il s’engage avec d’autres camarades dans des réflexions puis des
actions militantes de gauche et des actions musclées contre de jeunes
fascistes. Même si
Augusto partage le sujet de
l’injustice sociale, il n’est pas du tout dans l’action mais dans la
magie, la fantaisie, le rejet de la réalité.
Maria voit son fils s’éloigner
de son père. Il y aura quand même un bel été où ils vont au lac Nemi faire
de la barque et se baigner, jusqu’au musée des bateaux. Un moment rare de
complicité avec la nature. Mais la violence refera surface jusqu’à son
paroxysme…
Finalement une famille trouve la maison parfaite.
Gabriele est content.
Maria lui dévoile la fin de son
histoire avec Augusto.
Très beau roman qui jongle entre le rêve, la poésie et la dureté des
années de plomb en Italie, pendant lesquelles la violence et le terrorisme
se sont déchaînés. Le tout raconté dans le cadre calme et serein de cette
vieille villa entourée de champs et baignée dans la lumière et les odeurs
du printemps. Le style de
Marco Lodoli est très
agréable. Ce Romain né en 1956, a été journaliste et professeur
avant d’être écrivain. Parmi ses thèmes de prédilection : les voyages et
la mort.
Merci à la traductrice Louise Boudonnat très fidèle au texte italien.
Bonne lecture !
P.O.L #formatpoche
190 Pages







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