mercredi 5 novembre 2025

" TRICK OR TREAT " de Charlie Martin Smith (1986) + " TRICK Or TREAT " de FASTWAY



   Période d'Halloween, article d'Halloween ? (initialement, c'était prévu pour le 1er novembre, mais y'a eu un problème de bouclage) Et à ce sujet, quoi de mieux que "Trick or Treat", le grand film d'auteur de Charlie Martin Smith. Oui, le gars qui joue la grenouille dans "American Graffity", Davie "D.J." Johns dans la "Coccinelle", Oscar Wallace dans "Les Incorruptibles", dans "Hot Spot", et j'en passe, et des tas où il fait une apparition. Charlie qui est aussi réalisateur, même si ses films sont loin d'être passés à la postérité ("Air Bud" ? ?). 

     Mais c'est quoi "Trick or Treat" ? Qui s'en souvient ? Pas grand monde, car le film, bien qu'il existe une version française, n'a pas fait recette en France. Probablement que seuls les amateurs de rock fort ont été appâtés par la distribution où l'on retrouve, outre Charlie qui n'a pu résister au plaisir d'apparaître à l'écran, Gene Simmons et Ozzy Osbourne. Appâté aussi par la musique entièrement dédiée au Hard-rock. 


   De quoi ça parle ? Rien de bien compliqué : le sympathique Charlie n'a pas grillé le moindre fusible, encouru la moindre migraine en développant son histoire. Il s'est simplement contenté de surfer sur la vague de puritanisme encouragée par les dames du P.M.R.C., qui déferlait depuis quelque temps sur les USA. Une véritable inquisition contre la musique populaire menée tambour battant par des épouses de sénateurs - dont la chevelure n'avait rien à envier à celle des chanteurs et musiciens qu'elles honnissaient ; des scalps impeccables dont le volume avait dû nécessiter suffisamment de laque pour avoir participé à la destruction de la couche d'ozone - offusquées par les paroles de chansons populaires. De Queen à Prince, avec au milieu, évidemment, une bonne proportion issue de la sphère "Metal". À leur décharge, certains paroliers, dans une stupide surenchère, pouvaient effectivement pousser le bouchon un peu trop loin. Dans ce courant de nouvelle chasse aux sorcières - faut dire aussi que certains accusés sont attifés comme tels, voire pire, faisant passer Elphaba pour une revue de mode en comparaison -, il y a aussi des illuminés, persuadés que des messages subliminaux sont insérés dans les disques de rock. Pour preuve, certains passent devant un public décérébré – ou lors d'émissions télévisées - des disques à l'envers où ils y décèleraient des messages satanistes. Parce que, évidemment, on achète des disques pour qu'ils soient passés à l'envers ! Mais pourquoi ne pas y avoir pensé plus tôt ?? Avec de tels énergumènes, on est pas sorti de l'auberge. Ainsi, avec ce genre de raisonnement, toutes les chansons avec le mot "Live" seraient susceptibles d'être une ode aux esprits du mal, puisqu'à l'envers ça donne "evil"... (les platines de ces fatigués du bulbe, qui devaient passer leurs journées à essayer de dénicher un semblant de propos cohérent, ne devaient guère faire long feu). 

     Accuser la musique de pervertir les esprits, voire les âmes, ne date pas d'hier – ni même du XXième siècle -. Cependant, cette fois-ci, il faut bien le dire, on l'a un peu cherché. Entre des propos parfois ouvertement, copieusement et stupidement misogynes, et d'autres traitant naïvement d'occultisme, voire de satanisme, en piochant au hasard, deci-delà, sans rien y comprendre, quelques références dans des œuvres sulfureuses, le sang des garants de la bienséance n'a fait qu'un tour. Quant à celui des grenouilles de bénitier, il s'est carrément figé. Ce qui est amusant, c'est que dans les œuvres dites « sulfureuses » ou « démoniaques » qui ont nourri l'imaginaire de ces fins poètes de la chanson, dont les écrits d'Aleister Crowley et d'Anton LaVey, certaines n'étaient que de la pure fiction. En l'occurrence, on y retrouvait de nombreuses références à l'heroic fantasy des R.E. Howard, A. Merritt, Asthon Smith, mais aussi F. Lieber et Moorcock, ce qui n'est pas bien méchant, bien que « totalement hérétique ». Ce qui est moins le cas en ce qui concerne les nombreuses références aux nouvelles de Lovecraft. Il s'en est fallu de peu qu'à l'évocation des Grands Anciens, de Cthulhu, de Nyarlathotep, Dagon, Herbert West, les plus intégristes ne saisissent leur fourche et leur faux pour faire taire définitivement ces abominations.


   Évidemment, en l'absence absolue d'une quelconque connaissance de ces romans, certains ont pris ça pour argent comptant. Il y en a bien qui étaient persuadés que le Necronomicon et l'Arabe fou Abdul Al-Hazred qui l'a rédigé, étaient réels.

     Bref, la « caste des élus », irritée par ces débordements, voulut les endiguer, les réguler. Pour ce faire, les tigresses de la P.R.M.C mirent la pression aux maris et sénateurs (l'un pouvant cumuler les deux fonctions), et, appuyées par des évangélistes, ont dépêché une armada d'avocats.

     Profitant de ce contexte houleux, le malin Charlie Martin Smith eut la bonne idée – étonnamment non exploitée plus tôt – de réaliser un nanar en jouant avec des stéréotypes de l'adolescence et les mythes véhiculés par les évangélistes et la PRMC. Le nombre de productions américaines où l'on voit un adolescent un peu différent, souffrant de persécutions d'élèves au physique irréprochable (suivant les codes occidentaux et américains), mais respirant rarement l'intelligence, est incommensurable. Ce film n'échappe pas à la règle. Dans le cas du film, la "victime" est un fan de Rock, et particulièrement de Heavy-metal - la musique lui servant de refuge. Ce qui le démarque encore plus de ces « camarades », plutôt BCBG. Copieusement cons, mais BCBG. Un peu étonnant à une époque où le Heavy-rock sous toutes ses formes avait pris possession des ondes américaines. Eddie, le gamin, (hommage à Eddie Van Halen, alors star des stars de la guitare heavy ?), est un fan hard-core de Sammi Curr. Un guitariste-chanteur de harderoque. Un rôle qui devait être tenu à l'origine par Blackie Lawless de WASP. Curr périt mystérieusement dans les flammes. Un pacte avec le diable ? Eddie ne parvient pas à s'en remettre. Il déprime. Il rencontre le célèbre DJ Nuke (Gene Simmons), avec qui il sympathise, et qui, pour dieu (ou diable) seul sait quel hasard, possède les derniers enregistrements de Sammi Curr, jamais édités. Enregistrements que même son manageur ignorait l'existence ! Ouah, trop fooort. En fait, Nuke est pote avec Curr depuis le lycée. Le même établissement où étudie Eddie, lorsqu'il ne joue pas les souffre douleurs. (1)

     Nuke, généreux et sans aucun sens des affaires (une hérésie pour le vrai Mister Simmons qui n'aurait pas manqué de faire fructufier la manne), remet à Eddie un vinyle, un prototype de ce que devait être le dernier album de S. Curr, baptisé : « Songs in the Key of Death » (2)

     Cependant, au lieu d'écouter normalement et scrupuleusement le disque de son idole, dans l'espoir d'y trouvé un message caché, il le passe à l'envers... ouaaahhh.... Et là, là (!), il entend Sammi lui parler depuis sa tombe (à l'époque, y'avait pas encore le portable), lui offrant le moyen de se venger de ses tortionnaires. Des rustres qui ont l'outrecuidance de dénigrer le heavy-metal.

     Évidemment, ça dérape rapidement. Dans des jets d'étincelles et de lumière qui foutent les j'tons, Sammi Curr se matérialise dans une tenue de scène cloutée – probablement piquée aux Mötley Crüe ; à moins que ce ne soit l'inverse -... avec la moitié du visage brûlé. Mais pas la tignasse! Nan, nan, nan.... faut pas toucher à la tignasse dans les 80's (époque du Hair-Metôôl). En fait, c'est un démon revenu des enfers qui a pris l'apparence de Sammi. Nooonnn.... Siiii !!! Et par la musique, il va prendre possession des âmes !

     On nous avait pourtant prévenu, les dames de la PRMC n'ont pas cessé d'essayer de nous mettre en garde. De nous enfoncer dans le crâne que tous ces trucs de dégénérés n'étaient que la perversion de l'âme.
Il y a aussi Ozzy Osbourne, qui tient le rôle d'un prédicateur qui donne de sa personne pour informer les masses du danger qu'il y a à écouter la musique du diable : le metôôôôlll... Ozzy inverse les rôles, lui qui depuis quelques années déjà est la cible de cléricaux.

S'ensuit une lutte d'apparence insurmontable pour vaincre le démon usurpateur d'identité.

     Un nanar devenu depuis culte, et qui déjà à l'époque réussit l'exploit d'être bénéficiaire (presque le double du budget rien qu'aux USA). Probablement que les noms à l'affiche des Simmons et Osbourne y ont contribué. Ce qui lui a permis de faire un peu plus que les séries "B" pseudo-horrifiques comme il en pullulait. Il n' aurait peut-être manqué à ce long-métrage psychologique que de réussir à s'exporter - en avait-il celui les moyens ?. Mais, il y a aussi la musique. 


   La musique qui a été composée par FASTWAY, le groupe de l'ex-lieutenant de Motörhead : Fast Eddie Clarke. On aurait pu craindre à la faute de goût par rapport à leur précédent album, « Waiting for the Roar », surproduit et déséquilibré. La tentative d’hybridation entre leur heavy-rock bluesy des débuts et un Hard-FM convenu et ampoulé avait accouché d'un monstre sans âme. Un beau gâchis car simplement avec une production plus sobre, cette galette aurait été plus viable.

     Pour « Trick or Treat », Fastway se détourne des claviers et des effets studio qui avaient torpillé (et coulé) « Waiting for the Roar », et revient à un hard-rock plus cru, aux réminiscences bluesy. Néanmoins, sans retrouver l'énergie, ni la verve, ni le relief des deux premiers. Manifestement, les morceaux ont été écrit pour le besoin du film. En ce sens, dans l'ensemble c'est assez conventionnel, canalisé et basique. Rien ne déborde ; les musiciens eux-mêmes ne paraissent plus comme auparavant, exaltés, emportés l'énergie de leur rock. Toutefois, grâce au talent et la présence d'Eddie Clarke et de Dave King, ce quatrième album est plus qu'honorable. Certes, pas de miracle, mais il n'a pas à rougir face à la vague de Hair-metal, de heavy-glam qui déferlait aux Etats-Unis. C'est peut-être là le nœud du problème : la vague Heavy-hair-glam-rock-US-froufrou particulièrement en vogue au pays de l'Oncle Sam, et parvenant à très bien s'exporter. Il semblerait que Fastway, en manque de reconnaissance, est voulu chausser les santiags du Sunset trip. Des grolles trop étroites pour lui. D'ailleurs, le meilleur de l'album - après les deux pièces finales - est incontestablement "Tear Downs The Walls", un pur moment de rock'n'roll qui dure... environ une minute trente... 

     Evidemment, "Heft" et "If You Could See" repêchés des deux premières galettes pour terminer cet album, frappent par la différence de niveau. Ca tranche même au niveau de la production, celle de Will Reid Dick étant un peu étouffée, alors que celle d'Eddie Kramer est puissante, précise et boisée.

"Heft", avec ses relents de souffre, est on ne peut plus adéquate avec le film. Comme une brise, un vent mauvais venant de la terre gaste. Ou est-ce le souffle de Nodens pêchant les âmes des morts ? Ou encore un quelconque démon en goguette qui vient vous souffler à l'oreille quelques chaudes nouvelles de son pays ? Et "If You Could See", débutant comme une ballade folk, avant de prestement durcir le ton, et prendre des airs à la fois plus hargneux et implorants. 

     Mais pourquoi avoir choisi Fastway, un groupe au niveau des paroles plutôt traditionnel, qui n'est aucunement porté sur les histoires de bêtes à cornes, de spectres ou de farfadets. Qui ne traite même pas de mythologie. Avec Ozzy dans les parages, il aurait légitime qu'on puise dans son répertoire. D'autant que ce dernier en profite pour poser aux côtés de Sammi Curr (Tony Field) avec son dernier essai en main, "Ultimate Sin". Certainement parce que Fastway, après les déconvenues du troisième opus, était plus accessible financièrement parlant. 

(1) Après Lawless, le casting a fait son choix sur Gene Simmons. Mais ce dernier refuse le rôle, préférant quelques simples apparitions dans la peau du DJ Nuke, qu'il interprète en hommage à Wolfman Jack. Un célèbre animateur radio américain qui a beaucoup fait pour promouvoir la musique Rock.

(2) En opposition avec le « Songs of the Key of Life » de Stevie Wonder




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