- Salut Claude… Dis donc, ce n'est pas un mot fourre-tout en musique "ouverture" ? entre Bach et ses suites et l'ouverture de 1812 de Tchaïkovski d'une légèreté à fissurer le plafond… hihi
- En effet Sonia, tu plantes bien le décor : une suite baroque, l'intro instrumentale d'un opéra ou une pièce courte en début de concert avec un sujet poétique ou mythologique, essayons d'y voir clair…
- Je ne savais pas que notre grand Hector en avait écrit autant… J'avoue Claude… sont-elles géniales… ?
- Bah, des curiosités diront certains… Ce n'est pas toujours de la dentelle, mais toutes montrent les talents d'orchestrateur XXXL du compositeur.
- Colin Davis aimait beaucoup Berlioz… Donc pas de surprise… Heu, c'est récent, il n'avait pas déjà proposé une anthologie avec l'orchestre symphonique de Londres dans les années 60-70 où il entreprit d'enregistrer le catalogue complet ?
- Waouh Sonia, tu es en train d'écrire mon billet !!! Oui un LP mais avec seulement 5 ouvertures et non 7…
Berlioz en 1832 |
Sacrée Sonia, après une douzaine d'années, elle maîtrise à merveille les questions et les réponses ! Donc, résumons-nous : les ouvertures, quoi ça ça c'est ? Berlioz et l'éternel débat, talent ou génie, et enfin la passion du so british Colin Davis pour le compositeur français…
Consultons le Larousse à Ouverture sens N°19 : "Pièce instrumentale se situant au début d'une œuvre de grande dimension." Mouais, allons voir Le Robert, sens II : "Morceau de musique par lequel débute un opéra, un ouvrage lyrique". Chiche !
Re mouais, tout cela me paraît plus ou moins restrictif… Tout compte fait je copie in extenso un paragraphe de Wikipédia qui très habilement couvre toutes les situations :
"Simple prélude de quelques mesures, mouvement à part entière d'une suite ou d'un ballet, prologue représentatif d'une œuvre lyrique, l'ouverture est aussi une pièce de concert imposante et indépendante, proche du poème symphonique."
Voilà, je pourrais chipoter sur le mot simple en citant certaines ouvertures de Wagner ou de Berlioz que nous allons entendre. Et puis il y a un double emploi du titre chez Bach à propos des quatre suites pour orchestre parfois titrées ouvertures… Vaste sujet, dans chaque style et pour un même compositeur on rencontre diverses situation. Voici des exemples célèbres :
Opéra : Grande ouverture de La flûte enchantée de Mozart ; juste des courts préludes et intermèdes de quelques mesures dans Pelleas et Mélisande de Debussy, l'ouvrage lyrique suit avec parfois une petite introduction au début de chaque acte pour que les chanteurs entrent en scène…
Ouverture symphonique pour chauffer la salle, sur un sujet littéraire ou mythologique, souvent comparable à un poème symphonique comme le précise l'auteur de l'article Wiki avec pertinence. On ne les compte plus : Egmont ou Coriolan de Beethoven, Ouverture Carnaval de Dvorak, etc. l'assourdissante et ampoulée Ouverture de 1812 de Tchaïkovski avec ses coup de canons pour conclure 😊. Il y a du choix dans l'index.
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Ophicléide de M'sieur le curé |
Depuis la venue au monde de Berlioz, une polémique un peu inutile agite le monde parfois snob des musicologues qui devraient écouter avec leur cœur et avec passion, plutôt que de passer au crible les partitions de Berlioz pour compter les notes, les # et les ♭, le respect scrupuleux des règles de l'harmonie et du contrepoint. La question qui découle de cette correction des copies étant : Berlioz était-il : un génie, un amateur talentueux, les deux ou un besogneux au succès surfait. Promis à la carrière d'apothicaire par son père médecin, le jeune Hector monte à Paris vers 1822-1823 s'inscrire à l'école de médecine… Bof. Papa aimait bien la musique mais ne considérait pas l'art comme un métier sérieux (pas le seul).
Ainsi, il suivra les cours du conservatoire de Jean-François Lesueur, puis d'Antoine Reicha, deux pédagogues. De cette formation tardive, il évitera d'être ignare en solfège et simple improvisateur, mais ne saura pas jouer du piano, l'instrument des compositeurs en dehors même de briller comme virtuose, juste un peu de guitare. Les dates prennent de l'importance si l'on considère que Les Francs Juges, dont seule la brillante ouverture subsiste, date de 1825. Beethoven et Schubert sont en fin de vie et le premier est le modèle absolu et intimidant des auteurs de toute l'Europe. (Voire les articles précédents dédiés à Brahms et Dvorak qui soulignent cette peur avant 1860 d'oser écrire une symphonie ou un quatuor qui ne fasse pas pâle figure face aux chefs-d'œuvre ultimes des deux pères fondateurs du romantisme allemand.)
L'extraordinaire symphonie fantastique date de 1830 !!! Fantastique aussi dans sa composition par l'audace sans limite de sa puissance expressive et dramatique et par son orchestration flamboyante qui préfigure celles de… la fin du XIXème siècle (Wagner du Ring, Richard Strauss ou Gustav Mahler débutants.) Berlioz est le maître de la folie musicale pouvant opposer poésie sensuelle hallucinée (le Spectre de la rose - Clic) à la risible et braillarde cantate le chant des chemins de fer…(Clic) Son catalogue certes peu fourni est joué abondamment sur toute la planète, enregistré plus encore, alors qu'il connaîtra de son vivant un mépris des ringards. Ne sera-t-il pas l'auteur d'un traité d'orchestration qui fait toujours autorité.
Conclusion : Berlioz se dévoile alors comme un autodidacte de talent qui frise le génie par son intrépide modernité. CQFD. D'ailleurs voici une 10ème chronique qui lui est consacrée, ce qui est une moyenne haute dans le blog.
Carnaval de Rome à la Renaissance |
Les œuvres lyriques et symphoniques dominent le catalogue de Berlioz. Rien de surprenant pour un compositeur ne jouant aucun des instruments "nobles" : piano ou violon. Hector compose dès 13 ans des chansonnettes accompagnées à la guitare. Beaucoup sont perdues. La plus ancienne répertoriée est une mélodie de 1819 titrée "le dépit de la bergère", un texte anonyme avec un accompagnement de piano de nos jours pour permettre une interprétation en récital. (Pour les super pros, il existe un site établissant le catalogue des ouvrages publiés et posthumes notés Hn, le catalogue opus est encore en usage. Il rassemble 124 œuvres regroupées en 29 N° d'opus.)
Les ouvertures marquent en tant que pièces de concert le début de sa carrière symphonique, d'autres sont les introductions des opéras composés pendant la seconde partie de sa vie. Comme souvent la chronologie et la numérotation échappent à une logique rigoureuse. Dans cet album, cinq appartiennent à la première catégorie, deux à la deuxième. Comme chez maints romantiques l'inspiration trouve ses racines dans la littérature classique et romantique, Shakespeare et Walter Scott par exemple.
Une analyse approfondie n'ayant guère d'intérêt (Wikipédia propose des articles érudits), contentons-nous d'évoquer l'imagination fertile de Berlioz en tant qu'orchestrateur.
Enclume simple (Berlioz)
(Berlioz) |
Enclumes multiples (Wagner) |
Berlioz adorait les fanfares de village. La Côte Saint-André, son village natale accueille des festivals d'harmonies chaque été. Ne soyons pas étonnés que ses orchestrations soient fortement enrichies de cuivres et de percussions, parfois jusqu'à l'excès comme dans le Requiem (Clic).
Il faut rappeler que dans cette période des années 1830-1840, une formation symphonique obéit quasi systématiquement à l'effectif déterminé depuis la fin de l'époque classique dans les symphonies de Haydn (les londoniennes) et de Beethoven, soit :
Deux groupes de violons I et II (une dizaine pour chacun suivant les disponibilités accordées par les organiseurs de concert), une dizaine d'altos, 6 à 8 violoncelles et 4 à 6 contrebasses (si possible). 2 flûtes, 2 hautbois, 2 clarinettes, 2 bassons 2 à 4 cors, 2 trompettes. Beethoven et Schubert dans leur 9ème symphonie ajouteront trois trombones (ténor, alto, basse), un jeu de deux timbales. Rarement : triangle et cymbales… On rencontre ainsi dans les chroniques cette notation :
2/2/2/2 – 2/2 – (3) – timbales et cordes.
Berlioz ose ajouter tous les instruments existants ou en cours d'amélioration, ainsi les trompettes naturelles qui se voient munies de pistons… Son dada : les instruments populaires à la justesse contestable comme l’ophicléide de M'sieur l'abbé (un contrebasson à anche double en cuivre ; son amie, la clarinette basse, avec sa anche simple s'appelle un… sarrussophone, lui aussi en cuivre) 😊.
Voici un exemple savoureux, l'orchestration pour l'opéra Benvenuto Cellini de 1938 :
2 flûtes + piccolo, 2 hautbois + cor anglais, 2 clarinettes + clarinette basse, 4 bassons, 4 cors, 2 trompettes, 2 cornets à pistons, 3 trombones, 1 tuba, 4 timbales, cymbales, tambourin, tambour militaire, enclumes, grosse caisse, tam-tam, triangle, 4 harpes, 2 guitares, cordes à profusion.
Oui vous lisez bien, ça fait du monde 😃. On pourra trouver d'autres instruments en plus ou en moins dans les autres ouvertures. Rien à voir donc avec les symphonies de Schumann, Brahms, Bruckner à venir et héritières de la tradition (sauf 8 et 9 pour le dernier avec des bois par 3, 8 cors et des wagner's tuben, parfois un triangle ou des cymbales). Verdi et Wagner seront admiratifs et influencés tardivement par ces innovations. Dans l'or du Rhin, Wagner fait appel à 4 jeux de 4 enclumes pour simuler le fracas du travail des nains (Nibelungen) lors de la descente dans leur mine. Il faudra vraiment attendre le XXème siècle, Gustav Mahler et Edgar Varèse entre autres, pour retrouver cette débauche sonore !
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Quelques mots à propos de chacune des ouvertures interprétées par Colin Davis avec un orchestre allemand de premier plan, la Staatskapelle de Dresde, peu de temps avant sa disparition en 2013 (Voir RIP) La playlist comprend 7 vidéos dissociées…
Tribunal de la Sainte-Vehme
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1 - Les francs juges (1826 Opus 3 – création 1828) Initialement prévue en introduction d'un opéra inachevé, cette ouverture reste l'une des pièces les plus populaires de Berlioz. Le livret fut rédigé par son ami et poète Humbert Ferrand. L'intrigue se déroule au moyen-Âge, une cabale de passions et de conflits avec en toile de fond la société secrète de la Sainte-Vehme. Lisons Karl Marx, toujours optimiste : "Au Moyen Âge, il y avait en Allemagne un tribunal secret, la “Sainte-Vehme”, qui vengeait tous les méfaits commis par des puissants." Berlioz était un révolutionnaire dans l'âme… Les manuscrits seront détruits ou partiellement réutilisés… Oui Pat, des motifs se retrouvent dans la symphonie funèbre et triomphale…
2 - Waverley (1826 Opus 1 – création également en 1828) En ce début du romantisme, le poète et romancier Walter Scott passionne les lecteurs européens et ses confrères comme Balzac et Goethe. Waverley est un jeune Lord souvent plongé dans les livres mais qui devra de gré ou de force participer à diverses batailles, cherchant plutôt le réconfort de ses frères d'arme que la gloire éphémère personnelle. La moralité du récit met en avant la priorité donnée à l'humain et à la famille face aux conflits. Le sujet est en accord avec la pensée de Berlioz qui pourtant n'aimera que très peu son ouvrage ultérieurement…
3 - Le Roi Lear (1831 Opus 4 - création 1833) 10 mai 1831, Berlioz séjourne à Rome et apprend horrifié qu'à Paris, sa fiancée, la pianiste Marie-Félicité-Denise Moke le quitte !! Départ pour la capitale pour venir trucider l'impudente !!! Halte à Nice où le bouillant éconduit profite du soleil pour se calmer et composer cette ouverture. Tout cela reste dans le ton shakespearien 😬. Le tempo frénétique pour l'allegro 𝅘𝅥 = 168 est intenable pour l'orchestre 😛… Hector reste tout compte fait quelques semaines à Nice pour la bronzette, mer bleue et mimosas sont préférables à la guillotine.
4 - Le Carnaval romain (1843 Opus 9 - création 1844) Berlioz vient d'essuyer un échec avec son opéra Benvenuto Cellini, biopic lyrique du sculpteur et orfèvre florentin de la Renaissance. Sept représentations ont été données en tout et pour tout. Le compositeur compose cette ouverture non pas comme nouvelle introduction mais comme une pièce symphonique en trois parties. Plein de verve, l'ouvrage évoque cantilène et saltarelle extraites de l'opéra. Anecdote : À Vienne, lors du concert du nouvel-an de 1985, le maestro Lorin Maazel a bousculé les usages privilégiant les valses et polkas viennoises en jouant cette ouverture.
5 - Béatrice et Benedict (1843 Opus 9 - création 1844) Berlioz débute vers 1833 l'adaptation de la comédie "Beaucoup de bruit pour rien" de Shakespeare sans concrétiser l'écriture de son opéra… Berlioz à la manière d'un Wagner écrit lui-même le livret en fin de carrière. Charmant vaudeville : Béatrice jeune noble aime le jeune Officier Benedict, mais ne déclare pas sa flamme par orgueil ! De son côté Benedict joue la carte du dédain 😊. Les marivaudages de leurs amis auront raison de cette fuite en avant… Les deux tourtereaux capricieux convoleront… Un bijou digne de l'art de Mozart dans Cosi fan tutte. L'ouverture composée de thèmes de l'opéra mêle la joie juvénile, l'esprit de fête et un humour brillant…
6 - Le Corsaire (1844 Opus 21 - création 1851) Walter Scott avait influencé Berlioz pour la composition de Waverley. Place à James Fenimore Cooper, auteur yankee du Dernier des mohicans, et à ses autres romans d'aventures dans le Nouveau Monde, ici maritimes, Le corsaire rouge.
7 - Benvenuto Cellini (1833/1860 Opus 27 - création 1862) : Nous achevons ce récital symphonique avec l'ouverture officielle de l'opéra. La pièce virevoltante et richement orchestrée évoque elle aussi les réjouissance du Carnaval romain de 1532.
Écoute au casque ou avec des enceintes additionnelles plus que conseillée. Le son des PC, sauf exception, est vraiment une injure à la musique…
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INFO : Pour les vidéos ci-dessous, sous réserve d'une écoute directement sur la page web de la chronique… la lecture a lieu en continu sans publicité 😃 Cool. |
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Les gravures isolées de certaines ouvertures sont légions, les intégrales sont plus rares. Ces œuvres n'ayant pas une profondeur métaphysique exigeante, les trois anthologies complètes, concurrentes de celle de Colin Davis II sont tout à fait acceptables :
Diapason a eu l'idée amusante de réunir sur un album de leur collection "Les indispensables", huit interprétations anciennes dirigées par des chefs historiques et passionnés, certaines œuvres sont absentes par rapport à l'album du jour, une autres, plus marginale, a été ajoutée. En prime la marche de la damnation de Faust immortalisée par Louis de Funès…
Ouverture "Le Carnaval Romain" Ouverture "Béatrice et Bénédict" Ouverture "Le Corsaire" Introduction de Rob Roy MacGregor Grande Ouverture du Roi Lear Ouverture "Benvenuto Cellini" Ouverture "Les Francs-Juges" Marche hongroise "La Damnation de Faust" |
Orchestre National de la RTF Boston Symphony Orchestra Detroit Symphony Orchestra London Philharmonic Orchestra Royal Philharmonic Orchestra San Francisco Symphony Orchestra NBC Symphony Orchestra Cleveland Orchestra |
André Cluytens, Charles Munch Paul Paray Adrian Boult Thomas Beecham Pierre Monteux Arturo Toscanini George Szell |
Autre grand cru, en 1997, le chef Suisse Charles Dutoit et son Orchestre de Montréal gravent avec brio le même programme que Davis II auquel s'ajoute le court prélude de l'opéra Les troyens à Carthage… (Decca)
Il y a peu nous avons rendu hommage au maestro anglais Andrew Davis disparu à 80 ans. Ah mon cher Berlioz, si les anglais n'étaient pas là… Le chef a signé pour Chandos en 2014 une intégrale de haute volée. Même programme que son compatriote homonyme Colin Davis mais en prime la Marche hongroise de "La Damnation de Faust". Très belle prise de son.
je sais que tu n'as jamais aimé l' "Ouverture 1812" de Tchaikovsky mais il y a eu pire et plus bruyant "La bataille Vitoria" de Beethoven et son assourdissante cannonade qui couvre l'orchestre. Berlioz et moi, une longue histoire d'amour depuis "la fantastique" mais cela se renforcera avec "Harold en Italie" et le "Te Deum". cette reprise des ouverture par Colin Davis est une copie conforme de la version de 1969. Mais après ecoute l'ouverture "Le Corsaire" est plus spontané, plus rapide comme celle de "Waverley". Colin Davis, Charles Munch, Pierre Monteux et même Seiji Ozawa resteront pour moi les meilleurs interprète de Berlioz
RépondreSupprimer"La bataille Vitoria" hehe j'avais oublié ce truc... Il faut bien que les génies composent au moins une daube pour payer la note EDF...
RépondreSupprimer- Heu Claude, il y avait le courant à l'époque de Beethoven...
- Ah oui, c'est vrai ça Sonia... je mélange tout
"la bataille Vitoria", il est normal que ce soit assourissant et inaudible, n'oublions que c'est un sourd qui l'a composé !!
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