Sonia et Nema vont au concert au Mandapa. Endroit qui se décrit comme
« une petite scène sur la Bièvre dans le 13ème
arrondissement de Paris ». Bon. Elles n’ont pas vu la
Bièvre qui coule sous terre et zigzague dans le quartier. Nema a
garé son scooter quasiment devant l’entrée du théâtre. Sonia enlève son
casque et dit :
- Tu vas voir Nema, c’est une musique très originale que nous allons entendre,
- Je n’ai pas bien compris quand tu m’as proposé cette sortie, répond Nema, c’est de la musique japonaise ou afghane ? Pourquoi ce titre de Japanistan ?
- Ah… un harmonieux mélange des deux » dit Sonia en poussant la porte d’entrée.
Kengo Saito et son Rubab |
Entrons dans le théâtre. Un tout petit hall, un peu de décoration
orientale, les habitués discutent entre eux à voix basse, tout est un
tantinet vieillot mais agréablement coloré. On descend quelques marches pour
accéder à l’auditorium. Un bien grand mot pour une salle de dimension
modeste, avec des bancs qui rappellent des souvenirs d’école, avec
heureusement des coussins pour en adoucir l’assise. Je m’installe avec
Sonia, le plus confortablement possible.
Jean-François Suizan Lagrost |
Trois hommes munis de leurs instruments entrent. Des instruments qui me
sont totalement inconnus. Comme intimidé, au centre de ce trio, le
compositeur et interprète
Kengo Saito
souhaite la bienvenue à l’auditoire. Il présente rapidement son
rubab, instrument traditionnel afghan ainsi que ses deux comparses,
Jean-François Suizan Lagrost qui
tient une flûte
Shakuachi
et
Ershad Tehrani
avec son
daf
et son
tombak. Quelques mots sur le concept Japanistan, cette invention de
Kengo Saito
qui compose pour ces instruments orientaux, parfois à partir d’airs
traditionnels japonais ou iraniens, des mélodies originales tantôt
méditatives tantôt plus enjouées. Une musique modale sur 7 temps ? Je
n’y comprends pas grand-chose. Peu importe, ce qui compte c’est le plaisir
de se laisser entraîner pendant une heure et demi sur les chemins tracés par
ce trio complice dont les membres n’hésitent pas à se passer la main pour
des solos brillants de virtuosité.
Il est très difficile de parler de musique pour moi. Il est vrai que dans
mon environnement quotidien ce sont plutôt le grincement des grues, le
déversement du béton dans les coffrages, les manœuvres des camions, les
marteaux piqueurs, les ouvriers en plein action… qui chatouillent mes
oreilles, cela fait du bruit pas vraiment de la musique 😊. Donc,
indulgence à mon égard, chers lecteurs.
Certains morceaux évoquent donc des fêtes traditionnelles comme celle du
printemps au Japon, ou des mélodies populaires en Iran ou ailleurs. Je suis
essentiellement emportée par ces sonorités nouvelles, qui se font douces ou
plus tonitruantes, mélodiques ou rythmiques.
tombak |
Le
rubab
m’épate. Un instrument à cordes qui me fait un peu penser au luth par moment
mais avec des sonorités quand même bien différentes, très orientales. Cet
instrument est beau, très beau (photo avec Kengo Saito), avec toutes ces cordes, des cordes principales et d’autres qui sont
réglées plusieurs fois par
Kengo Saito
en cours de concert. Il a une forme longue et une épaisseur particulière, du
bois et de la peau, des inclusions de nacre me semble-t-il. Cordes pincées
avec agilité, inspiration et sensibilité, sonorités qui vont être
accompagnées par la flûte et le
daf
ou le
tombak, ou qui vont se faire plus discrète pour envelopper le thème développé par
la flûte…
Cette flûte Shakuhachi en bambou, cet instrument d’origine lointaine, venue de Chine, passé par la Corée et finalement devenue instrument essentiel de la musique classique japonaise offre des possibilités incroyables. Parfois, elle m’a fait penser à une flûte à bec de chez nous, à d’autres moment, le souffle instille comme de petits sons d’oiseaux, elle peut offrir des sons méditatifs ou la colère d’un vent. C’est une flûte à embouchure libre, ce qui permet je pense cette grande diversité.
Daf |
Oh, le
tombak, quel drôle de truc ! D’abord je l’ai vu posé par terre : cela
m’a fait penser à un énorme gobelet ou plutôt au Graal en bois d’Indiana
Jones, mais 4 ou 5 fois plus gros et fermé par une peau tendue. Une fois
bien installé sur ses cuisses, et calé par l’avant-bras gauche, le joueur le
frappe avec les doigts, ou avec la paume, au centre, au bord, doucement ou
fortement, main droite et main gauche, avec une dextérité qui m’épate (je
suis du genre « deux mains gauches », si vous voyez ce que je veux
dire…). Plus sérieusement, il s’agit d’un instrument de percussion d’origine
iranienne, fabriqué à partir d’un morceau de tronc d’arbre fruitier avec
pour le fermer une peau tendue de chameau (ou de mouton ?).
Et le
daf ? Non, il ne s’agit pas d’un Directeur Administratif et Financier
(DAF). Ouf. Là, je vois dans un premier temps un grand tambour à broder, un
peu comme utilisait ma grand-mère. Sauf que la chose est beaucoup plus large
et qu’il n’y a pas une toile de tendue mais une peau d’animal. Et puis je
découvre qu’au verseau, il y a accroché au tour en bois, comme des pastilles
métalliques voire des grelots ? Le joueur le tient de la main gauche
par le bas, mais les deux mains pourront s’en donner à cœur joie sur le bord
ou plus au milieu du rond qui s’inclinera pour rendre d’autres sonorités,
d’autres timbres. Encore un instrument de percussion.
Je suis éblouie par l’implication des musiciens, leur connivence qui semble
à la fois sereine et enjouée, et je suis charmée par cette musique chaude et
pétillante. Une excellente soirée !
Tabla indien |
Pour les amateurs sensibilisés par le récit de la soirée, les découvertes
des instruments autres que ceux des orchestres de Claude Toon ou des
batteries et guitares élec' des rockers comme Bruno, Pat et Cie,
Kengo Saito au Rubab a publié un album
titré Japanistan (jaquette ci-dessus) de onze titres variés et aux
mélodies, rythmes et timbres plus étoffés car faisant appel à cinq
artistes complices :
Gholam Nejrawi
– Zerbaghali (similaire au Tombak)
Prabhu Edouard
– Tabla (double percussion
indienne ci-contre)
Guillaume Barraud
– flûte indienne Bansuri
(similaire flûte Shakuhachi)
Antoinr Morineau
– Zarb
Ershad Tehrani
– Daff
Belle écoute de trois morceaux extraits du CD !
Voila qui nous change de notre ethnocentrisme musical U.S... Merci.
RépondreSupprimerC'était l'idée, merci de cette réaction...
RépondreSupprimerAutre voyage en 2017 : http://ledeblocnot.blogspot.fr/2017/02/amel-brahim-djelloul-chante-la.html