mardi 5 décembre 2023

JAPANISTAN - Concert et musique de Kengo SAITO (2023) & CD - par Nema M.


Sonia et Nema vont au concert au Mandapa. Endroit qui se décrit comme « une petite scène sur la Bièvre dans le 13ème arrondissement de Paris ». Bon. Elles n’ont pas vu la Bièvre qui coule sous terre et zigzague dans le quartier. Nema a garé son scooter quasiment devant l’entrée du théâtre. Sonia enlève son casque et dit :

Tu vas voir Nema, c’est une musique très originale que nous allons entendre,

Je n’ai pas bien compris quand tu m’as proposé cette sortie, répond Nema, c’est de la musique japonaise ou afghane ? Pourquoi ce titre de Japanistan ?

Ah… un harmonieux mélange des deux » dit Sonia en poussant la porte d’entrée.


Kengo Saito et son Rubab

Entrons dans le théâtre. Un tout petit hall, un peu de décoration orientale, les habitués discutent entre eux à voix basse, tout est un tantinet vieillot mais agréablement coloré. On descend quelques marches pour accéder à l’auditorium. Un bien grand mot pour une salle de dimension modeste, avec des bancs qui rappellent des souvenirs d’école, avec heureusement des coussins pour en adoucir l’assise. Je m’installe avec Sonia, le plus confortablement possible.

Jean-François Suizan Lagrost

Trois hommes munis de leurs instruments entrent. Des instruments qui me sont totalement inconnus. Comme intimidé, au centre de ce trio, le compositeur et interprète Kengo Saito souhaite la bienvenue à l’auditoire. Il présente rapidement son rubab, instrument traditionnel afghan ainsi que ses deux comparses, Jean-François Suizan Lagrost qui tient une flûte Shakuachi et Ershad Tehrani avec son daf et son tombak. Quelques mots sur le concept Japanistan, cette invention de Kengo Saito qui compose pour ces instruments orientaux, parfois à partir d’airs traditionnels japonais ou iraniens, des mélodies originales tantôt méditatives tantôt plus enjouées. Une musique modale sur 7 temps ? Je n’y comprends pas grand-chose. Peu importe, ce qui compte c’est le plaisir de se laisser entraîner pendant une heure et demi sur les chemins tracés par ce trio complice dont les membres n’hésitent pas à se passer la main pour des solos brillants de virtuosité.


Il est très difficile de parler de musique pour moi. Il est vrai que dans mon environnement quotidien ce sont plutôt le grincement des grues, le déversement du béton dans les coffrages, les manœuvres des camions, les marteaux piqueurs, les ouvriers en plein action… qui chatouillent mes oreilles, cela fait du bruit pas vraiment de la musique 😊. Donc, indulgence à mon égard, chers lecteurs.

Certains morceaux évoquent donc des fêtes traditionnelles comme celle du printemps au Japon, ou des mélodies populaires en Iran ou ailleurs. Je suis essentiellement emportée par ces sonorités nouvelles, qui se font douces ou plus tonitruantes, mélodiques ou rythmiques. 


tombak

Le rubab m’épate. Un instrument à cordes qui me fait un peu penser au luth par moment mais avec des sonorités quand même bien différentes, très orientales. Cet instrument est beau, très beau (photo avec Kengo Saito), avec toutes ces cordes, des cordes principales et d’autres qui sont réglées plusieurs fois par Kengo Saito en cours de concert. Il a une forme longue et une épaisseur particulière, du bois et de la peau, des inclusions de nacre me semble-t-il. Cordes pincées avec agilité, inspiration et sensibilité, sonorités qui vont être accompagnées par la flûte et le daf ou le tombak, ou qui vont se faire plus discrète pour envelopper le thème développé par la flûte…

Cette flûte Shakuhachi en bambou, cet instrument d’origine lointaine, venue de Chine, passé par la Corée et finalement devenue instrument essentiel de la musique classique japonaise offre des possibilités incroyables. Parfois, elle m’a fait penser à une flûte à bec de chez nous, à d’autres moment, le souffle instille comme de petits sons d’oiseaux, elle peut offrir des sons méditatifs ou la colère d’un vent. C’est une flûte à embouchure libre, ce qui permet je pense cette grande diversité. 


Daf

Oh, le tombak, quel drôle de truc ! D’abord je l’ai vu posé par terre : cela m’a fait penser à un énorme gobelet ou plutôt au Graal en bois d’Indiana Jones, mais 4 ou 5 fois plus gros et fermé par une peau tendue. Une fois bien installé sur ses cuisses, et calé par l’avant-bras gauche, le joueur le frappe avec les doigts, ou avec la paume, au centre, au bord, doucement ou fortement, main droite et main gauche, avec une dextérité qui m’épate (je suis du genre « deux mains gauches », si vous voyez ce que je veux dire…). Plus sérieusement, il s’agit d’un instrument de percussion d’origine iranienne, fabriqué à partir d’un morceau de tronc d’arbre fruitier avec pour le fermer une peau tendue de chameau (ou de mouton ?).    

Et le daf ? Non, il ne s’agit pas d’un Directeur Administratif et Financier (DAF). Ouf. Là, je vois dans un premier temps un grand tambour à broder, un peu comme utilisait ma grand-mère. Sauf que la chose est beaucoup plus large et qu’il n’y a pas une toile de tendue mais une peau d’animal. Et puis je découvre qu’au verseau, il y a accroché au tour en bois, comme des pastilles métalliques voire des grelots ? Le joueur le tient de la main gauche par le bas, mais les deux mains pourront s’en donner à cœur joie sur le bord ou plus au milieu du rond qui s’inclinera pour rendre d’autres sonorités, d’autres timbres. Encore un instrument de percussion.

Je suis éblouie par l’implication des musiciens, leur connivence qui semble à la fois sereine et enjouée, et je suis charmée par cette musique chaude et pétillante. Une excellente soirée !


Tabla indien

Pour les amateurs sensibilisés par le récit de la soirée, les découvertes des instruments autres que ceux des orchestres de Claude Toon ou des batteries et guitares élec' des rockers comme Bruno, Pat et Cie, Kengo Saito au Rubab a publié un album titré Japanistan (jaquette ci-dessus) de onze titres variés et aux mélodies, rythmes et timbres plus étoffés car faisant appel à cinq artistes complices :

Gholam NejrawiZerbaghali (similaire au Tombak)

Prabhu EdouardTabla (double percussion indienne ci-contre)

Guillaume Barraud – flûte indienne Bansuri (similaire flûte Shakuhachi)

Antoinr MorineauZarb

Ershad TehraniDaff

Belle écoute de trois morceaux extraits du CD !



2 commentaires:

  1. Voila qui nous change de notre ethnocentrisme musical U.S... Merci.

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  2. C'était l'idée, merci de cette réaction...
    Autre voyage en 2017 : http://ledeblocnot.blogspot.fr/2017/02/amel-brahim-djelloul-chante-la.html

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