- "Nouvelle réunion et nouvelle directive du bureau du 'bloc'. Pas spécialement content qu'il était le boss. Normal, il est revenu avec un coup de soleil faisant passer le plus délirant des mutants pour une poupée Barbie. C'est que le boss croyait que plus longtemps il faisait le steak, plus longtemps il garderait son bronzage... Finalement, il a gagné des brûlures, et perdu une bonne part de son capital soleil... Copieusement courroucé le boss... D'autant que les chiffres ont baissé - normal, pendant les vacances estivales - Mais non, pour le boss c'est parce que ça manque cruellement de nouveautés ! De la musique du XIXème siècle, des romans farfelus des années 50, des bouquins des 80, des live de plus de quarante ans, et même un film de 1934. Il n'a pas apprécié le boss. Les efforts de Luc dans le domaine des sorties cinéma et de concerts "évènement" ont à peine tempéré son humeur fracassante"
- "Mais, boss, aujourd'hui, y'a 4599 sites qui se précipitent sur toute sorte de nouveautés, publiant des articles avant même qu'elles ne sortent. Et là, on ne parle que des sites francophones"
- "J'en ai rien à battre !!! 😡💥💀"
Non, mais parfois, il peut être charmant le boss. Si, si, ça lui arrive"
En conséquence, petite concession : retour sur les bafouilles estivales relatives aux skeuds de Hard/rock FM et autres AOR. Là, en l'occurrence, "Wired Up", un disque de 1986 de Jeff Paris. Oui, ça ne date pas d'hier non plus 😁
On pourrait taxer Jeff Paris d'opportuniste ayant pris le train du Rock-FM en marche, le genre étant alors très vendeur, en Europe comme outre-Atlantique. Cependant Geoffrey Brillhart Leib, rebaptisé Jeff Paris pour faire plus "rock'n'roll", roule déjà sa bosse depuis les années 70 en qualité de musicien de studio. Et après une petite erreur de parcours à la fin de la décennie, où il chute dans un bourbier disco, il épouse définitivement la cause d'un heavy-rock essayant de trouver l'équilibre entre lyrisme et puissance. Comme un funambule manquant au moindre faux pas de tomber dans une pop ampoulée et un hard maniéré. Exercice plus ardu qu'il n'y paraît, - nombreux sont ceux qui s'y sont cassé les dents - même parmi les musiciens expérimentés.
Alors qu'on ne cesse de vanter les mérites des groupes ricains (lobbying ?), le Canada aura prouvé bien assez tôt qu'il était apte à enfanter des groupes et des musiciens parmi les meilleurs du genre. (La liste est fournie et certains des groupes concernés ont déjà été ici le sujet d'une modeste chronique, dont Balance avec "In for the Count" en 1982 ). Toutefois, ce n'est pas de son pays natal que Jeff Paris va pouvoir prendre son envol, mais bien des USA où il reprend son costume de musicien de studio, en tant que choriste et claviériste (question guitare, les studios américains n'ont que l'embarras du choix). C'est là aussi où ses talents de compositeur se font remarquer. A commencer par le "Gotta Let Go", premier petit succès de l'ex-Runaways, où l'on voit dans le clip dédié (kitsch et tourné avec les pieds - comme la plupart de ceux de la décennie concernée), une Lita en parfaite ménagère se transformer en Lita "leather" Ford et faire une démonstration des diverses utilisations possibles avec une BC Rich Bich (en l'occurrence des mandales magistrales et coups de butoir - vous avez dit "kitsch" ?). Et la même année, il participe ardemment au "In Rock We Trust", plus fort succès commercial pour Y & T.
Indéniablement, c'est ce qui a permis à Jeff de remonter un groupe avec contrat d'enregistrement à la clef. Tant qu'à faire, plutôt que de rester dans l'ombre, autant récolter soi-même la renommée et les biftons. Ainsi, sans lâcher pour autant son job de session-man (aux rentrées assurées de billets verts) - on le retrouve sur le premier essai de Cinderella -, Jeff Paris se lance dans une carrière solo avec un premier album très prometteur dès 1986 avec "Race to Paradise" (avec Pat Torpey aux fûts). Un album dans la lignée des Richard Marx, Toto et autres Loverboy - un brin plus viril -, même si Jeff semble souvent frôler le ton plaintif, voire meurtri. Un bel album chiadé mais semblant ne pas trop oser lâcher les watts.
Ce que corrige le suivant, "Wired Up", sorti l'année suivante. Un disque qui s'épanouit dans le gros son, n'hésitant pas pour cela à en mettre des couches. Cependant, au contraire d'autres productions du même genre à l'époque, il a le bon goût de ne pas céder à la mode des batteries amplifiées et synthétiques, résonnant comme si elles avaient été captées dans la salle de bain de quelque invraisemblable géant avec du matos d'entrée de gamme. Un kit de batterie tenu par un jeune blondinet plus frisé qu'une brebis avant la tonte, qui n'est autre que Matt Sorum, qui fait là sa première apparition discographique.
Cette fois-ci, aussi bien pour grossir le son que pour accéder à des phrasés de guitare plus pointus, Jeff s'allie les services du talentueux Michael Thompson. Un musicien qui commence alors à sortir la tête du trou - suffisamment pour abandonner son poste de chauffeur de taxi -, depuis qu'il est parti accompagner Joe Cocker, puis Cher et enfin Andy Fraser (ex-Free) qui l'a embauché pour son deuxième effort solo. Par la suite, Thompson va devenir un incontournable des studios, cumulant des sessions et des albums pour Cher, Michael Bolton, Céline Dion, Joe Cocker, Bette Midler, Richard Marx, Bob Seger, Rod Stewart, Neil Diamond, et même Bambi. Entre autres.
Ainsi, en s'affirmant dans une tonalité nettement plus ouverte sur le harderoque, bien des fois, ce second opus peut anticiper Mr Big, la technique fabuleuse des Paul Gilbert et Billy Sheehan en moins.
Si l'album débute sur le poncif et redondant "Saturday Nite", sympathique mais qui s'évertue à en faire des tonnes avec notamment des chœurs hurlés comme si on tirait fermement leur abondante chevelure, l'album se démarque par des chansons aussi puissantes qu'émotionnelles. Certaines ayant même les qualités requises pour rivaliser avec les ténors du genre qu'étaient Journey et Foreigner. A commencer par "One Night Alone", à mi-chemin entre la power-ballad et du gros Rock, entre Journey et Bryan Adams. Le mordant "Trial by Fire" flirte tant avec le meilleur d'Honeymoon Suite qu'on peut se demander s'il n'a pas été une source d'inspiration. Un peu comme le lyrique et relativement raffiné "I Can't Let Go".
La case slow-ballad est cochée par un "Cryin' " plutôt superflu, grevé par des chœurs casse-esgourdes, dans le genre pâle copie de Foreigner et de Lou Gramm. Heureusement, le délicat et assez sobre "A Matter of Time" fait bien mieux. Jeff tempère ses (h)ardeurs et se pare alors de douces intonations blue-eyed soul. (Bien que totalement inconnue, cette chanson a toujours éveillé la sensibilité des damoiselles)
Jeff et ses sbires retroussent aussi habilement les manches avec l'appuyé et un poil massif "Heart to the Flame" (interprétée précédemment par le groupe Van Zant sur son second opus dans une version franchement plus gentillet), et avec la chanson éponyme, pourtant peu représentative de la majorité, est mixée dans un V8 Police Interceptor 7 L., filant à toute berzingue sur la highway 1, inspirant à pleins poumons les embruns du Pacifique. Risquant de faire le plongeon fatal à quelques tournants. Ils s'octroient même une incursion dans le Rock lourd avec "Illusions", clôturant l'album sur une batterie pachydermique et une guitare qui l'est presque autant. Un titre qui se démarque complétement avec son atmosphère sombre et pesante. Juste transcription du sentiment de déception de Jeff face à un monde égoïste courant à son irrévocable perte.
En dépit d'une diffusion correcte - du moins pour le second essai -, Jeff Paris et son groupe ne parvient pas à percer. Toutefois, Jeff semble s'être découragé assez vite. Malgré son passif (connu seulement des professionnels), deux albums et deux ou trois années d'existence, il est présomptueux d'espérer arriver en haut de l'affiche en si peu de temps. Certes ce "Wired Up" aurait pu l'aider à y parvenir, mais peut-être était-il trop robuste pour les afficionados du rock-FM
Jeff Paris fait partie de cette catégorie d'auteurs-compositeurs interprètes dont les chansons obtiennent un succès commercial notable que lorsqu'elles sont interprétées par d'autres. Pourtant, ce multi-instrumentiste est un habile musicien et un chanteur plutôt convaincant. Bien plus en tout cas qu'une pléthore d'apprentis braillards de ces temps là, authentiques crâneurs et poseurs, faisant leur beurre avec un heavy glam-rock certes sympathique, mais pas toujours imaginatif. Avant ses deux premières galettes, Lita Ford et Y&T profitent de ses talents pour s'installer tranquillou dans les charts (sans y mettre le feu pour autant). Après, c'est le quatuor du Minnesota de Hard-FMiné Vixen, qui en 1988 ne reprend pas moins de trois (!) pièces de "Wired Up" (plus un titre de "Race to Paradise" pour l'édition Japonaise) pour son premier album éponyme. Une de ces chansons, "Cryin' ", s'installe dans les charts. Plus tard, ce sont les Canadiens d'Alias qui font un petit carton avec une de ses compositions. Résigné, il continuera sa carrière tranquillement en se faisant sporadiquement plaisir en réalisant un nouveau disque et en se produisant sur scène, tout en continuant à composer et jouer pour autrui.
🎶💘
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