vendredi 10 février 2023

YOUSSEF SALEM A DU SUCCES de Baya Kasmi (2023) par Luc B.

Après deux chroniques de méga-productions hollywoodiennes d’une longueur démesurée, ça fait du bien de revenir chez nous avec ce petit film, dont on doit le scénario à la paire (et au couple à la ville) Baya Kasmi et Michel Leclerc, qui nous avait enchantés avec LE NOM DES GENS (Michel Leclerc, 2010). Ils écrivent ensemble mais réalisent chacun de leur côté.

Ici réalisatrice, Baya Kasmi évoque encore ses racines algériennes (« Le nom des gens » s’inspirait de sa propre histoire) avec ce personnage de grand dadais, Youssef Salem. Il est écrivain, sans grand succès, jusqu’à la parution de « Le choc toxique » qui va faire grand bruit dans le petit monde littéraire, mais plus encore au sein de sa propre famille. Car il s'en inspire ouvertement, notamment pour fustiger les à priori sexuels d’une famille musulmane.

Le film commence par un récit la voix-off de Youssef, qui raconte son adolescence, ses premiers émois, et cette légende qui l’a traumatisé : un jeune couple retrouvé statufié sur une plage pour s’être adonné à la copulation avant le mariage… Horreur ! Mais cette séquence inaugurale illustre en réalité le contenu de son roman. Car Youssef Salem n’aura de cesse de répéter que « Le choc toxique » est un roman, une fiction, absolument pas inspirée de sa vie. Mouais... Excellente scène où ses sœurs et son frère lui reprochent de les avoir transformés, réinventés, une honte, une dégueulasserie. L’important sera d’épargner les parents.

Le secret va être très difficile à garder, d’autant que le bouquin est un succès, que son auteur invité dans les médias, que la sélection pour le prochain Goncourt approche. Il y a cette idée très belle du père, fin lettré, qui relit les manuscrits de son fils, que celui-ci parsème volontairement de fautes pour que son père puissent les corriger. Le père qui est persuadé que Salem écrit des biographies d’émirs ! Il faudra à tout prix l’empêcher de dénicher le roman en librairie.

Parmi les thèmes abordés, il y a évidement la famille, les petits secrets (la sœur lesbienne, mariée, mais officiellement en colocation avec une dame qui a un fils !) mais aussi les conséquences de la célébrité dans la vie. Lise, l’éditrice de Youssef (excellente Noémie Lvovsky) fait son maximum pour son poulain, alors que de son côté, il lui sape le travail pour ne justement pas être célèbre. Comme ce Rachid, héros de la télé-réalité, croisé par hasard dans un TGV. Le film se focalise sur cette famille d’origine algérienne et les à priori sociaux sur les arabes, comme dans l’émission où Youssef est attaqué par une journaliste qui lui reproche d’avoir trahi ses origines : « un arabe qui fume, il perd 10 points ? S’il boit c’est 20 points ? Et s’il ne croit pas en dieu, c’est  90 points ?!! ».

Youssef est athée, jolie scène avec sa sœur Bouchra en voiture, qui porte le voile, le personnage étant jouée par Melha Bedia, sœur de l’acteur Ramzy. Youssef carbure sec au whisky, lors d’une soirée son éditrice le supplie de ne pas picoler, et finira, elle, pochetronnée, à deux doigts du striptease en public, d’où les conséquences vaudevillesques qui suivront… Belle idée que ce docteur Cohen, pas le vieux médecin de famille évoqué dans le roman, mais sa fille Léna, premier fantasme de Youssef à l’adolescence, qui a repris le cabinet paternel. Léna est joué par la divine Vilama Pons, comment ne pas tomber amoureux d’une telle femme !

YOUSSEF SALEM est une chronique douce-amère, joliment écrite, on aurait préféré que ce soit Michel Leclerc qui passe derrière la caméra et imprime son style narratif. La réalisation de Baya Kasmi manque sans doute de punch, d’idées de mise en scène, elle n’ose que trop peu le burlesque qui aurait pourtant sied à l’intrigue. On n’est pas loin parfois de l’univers d’un Woody Allen (religion, sexe, littérature…). La première qualité du film vient des personnages merveilleusement écrits, l’absence de pathos et de clichés convenus, et de l’interprétation des comédiens, tous très justes, Ramzy Bedia en tête puisque de toutes les scènes.

 

 couleur  -  1h40  -  scope 1:2.35


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