DIABOLO MENTHE (1977) de Diane KURYS - par Pat Slade

Un petit goût d’ancien temps que beaucoup d’entre nous ont connu : les bahuts d’autrefois avec les blouses, l’encre, l'odeur de la craie et le tableau noir. Pour les jeunes filles, l’âge où la puberté s’éveille comme les premiers émois qui feront d’elles les femmes de demain.

En 1963, que faisiez-vous ?

Pour ma part, en 1963 je salissais mes langes (Les couches n'existaient pas encore...!) et je me demandais où j’étais et comment j’en étais arrivé là… non ! Á l’âge d’un an tu ne te poses pas encore de questions existentielles.

Éléonore Klarwein - Diane Kurys

”Diabolo Menthe“ un film sur l'adolescence, sans stars ni gros budget, de la réalisatrice Diane Kurys qui n’imagine pas qu’il deviendra culte. Diane Kurys a fait ce film pour se venger de sa mère et de sa sœur qui étaient dures avec elle quand elle était petite et elle ne pourra pas s’empêcher de lui lancer une petite pique en inscrivant à l’écran : ”À ma sœur, qui ne m’a toujours pas rendu mon pull orange“ Un pull qui n’a jamais existé. Après avoir commencé à écrire ses mémoires, Alexandre Arcady, avec qui elle vit, lui conseille d’en décliner un scénario et, toutes les anecdotes, ou presque, que l’on trouve dans le film son vraiment arrivées : le lycée Jules-Ferry, sa mère qui la forçait à aller au lycée à pied, elle s’est vraiment fait choper en volant dans un magasin et sa mère l’a vraiment ramenée à la maison en criant dans la rue: ”Ma fille est une voleuse !“, la prof de math (Dominique Lavanant) qui avait peur de ses élèves, la prof de dessin (Denise Péron) qui était vraiment une sadique, mais à l’inverse, c’est elle qui jouera la pièce de fin d’année et non sa sœur. Diane Kurys va chercher un producteur avec son scénario sous le bras pour. Le premier jet du script intitulé :” T’occupe pas du chapeau de la gamine, laisse flotter les rubans“ (Audiard avait mis à la mode les titres à rallonge) sera rejeté, un autre quelques semaines plus tard : ”Histoire de petites filles“. Après avoir réussie à réunir l’argent pour pouvoir réaliser son film, elle doit chercher ses actrices. 

La directrice de casting sortira une photo en noir et blanc d’une gamine à un balcon et la réalisatrice flashera sur elle. Éléonore Klarwein n’a que 13 ans et la caméra lui fait moins peur que la vie. Pour Odile Michel ce sont aussi les premier pas devant la caméra. Une autre actrice qui aura son importance et qui commence aussi sa carrière c’est Corinne Dacla. Quand Diane Kurys demandera à Yves Simon d’écrire la musique du film, ce dernier avoue ne pas être inspiré, Un jour, il reçoit une lettre d'une lycéenne, qui était une déclaration d'amour. La  lettre, écrite sur une feuille de classeur, le toucha et lui donna l'inspiration et grâce à elle, il écrivit la chanson du générique en une demi-heure dans sa loge lors d'un concert. La lycéenne qui avait écrit cette lettre n'était autre que Corinne Dacla. 

Éléonore Klarwein-Odile Michel

Nous sommes en septembre 1963 et les deux sœurs Anne 13 ans (Éléonore Klarwein) et Frédérique 15 ans (Odile Michel) font leurs rentrées scolaires, le lycée pour jeunes filles où la discipline est stricte, des professeurs plus ou moins sévères. Tout le film tournera sur leurs vies, que ce soit estudiantine ou chez leur mère. Anne est dissipée, Frédérique est rebelle, une soixante-huitarde avant l’heure. L’éveil de la  puberté et les premiers émois auprès des garçons dans les boums, la politique, les relations parents enfants. ”Diabolo Menthe“ est un film intergénérationnel. L’humour y est présent comme l'ignorance de la surveillante générale (Tsilla Chelton) quand une enfant rapatriée reste seule en pleurs car inscrite dans aucune classe et lui demande d’où elle vient, cette dernière lui répond d’Oran et la surveillante de penser qu’Oran est une école privée, L'accent très approximatif de la professeure d'anglais (Marthe Villalonga), la naïveté de certaines élèves affirmant qu’un pénis en érection peut atteindre deux mètres, l'absence de souplesse de la professeure de gymnastique (Dora Doll), immobilisée par un bâton qui lui entrave les deux bras.

Corinne Dacla

Mais il y a aussi des moments graves comme celui où Corinne Dacla relate les évènements de Charonne. Certains passages du film peuvent donner des indications sur la datation grâce aux évènements comme l’assassinat de Kennedy, la sortie du film ”La Grande   Évasion“ de John Sturges et quand Muriel, la copine de Frédérique fait une fugue. On parle de la rumeur D’Orléans qui prétendait que des jeunes femmes étaient enlevées dans des cabines d'essayage pour être réduites en esclavage à l'étranger.

”DiaboloMenthe“ est un film qui survit parce qu’il parle d’une période très précise de notre histoire. Quelle que soit l’année où on le regarde, on s’amuse à découvrir ou à revivre 1963. Anne et Frédérique n’ont finalement jamais grandi. Elles vivent pour toujours en 1963. Le film fera trois millions d’entrées, aussi énorme qu’inattendu. Encore mieux son succès nourrit celui de sa chanson. Le prestigieux prix Louis-Delluc est décerné à ce tout petit film que personne n’a vu venir. Avec ses multiples rediffusions et sa ressortie en salle en 2017 Diane Kurys déclarera : ”C’est un film d'époque. Et ça, ça vieillit toujours mieux. Et puis c'est un film sur l'adolescence. Ça parle à tout le monde^“. 

Trois ans plus tard ce sera ”Cocktail Molotov“ (clic) qui représente Anne ayant pris de la maturité, mais le film n’aura pas le succès de son prédécesseur. ”Diabolo Menthe“ Un film tendre qui replongera dans leurs adolescences ceux qui ont le cœur grenadine.