lundi 19 décembre 2022

Frédéric BAZILLE – Peintre (1841-1870) – Musée Marmottan (2003) – par Claude Toon

1 La vue de Village (1868)

- Suite logique de la chronique Sisley Claude ? Frédéric Bazille est bien ce jeune peintre du groupe créé par Sisley, Monet et Renoir, groupe des fondateurs de l'impressionnisme ? Et surtout ce jeune homme mort à seulement 28 ans lors de la guerre de 1870 ? Quelle horreur !

- Tu vois Sonia… Ça fait dix ans que je te répète que tu es très girly, mais de plus en plus à l'aise dans la collaboration avec les rédacteurs du Blog. Tu rédiges déjà à bon escient l'intro du billet sur Bazille qui est très représentatif de la révolution picturale du XIXème siècle…

- Hihi merci, virage artistique grâce aux tubes de peintures avec un bouchon à vis de Lefranc… J'y repense à chaque fois que je me brosse les dents…

- Heu oui, admettons Sonia… Bon, comme d'hab', présentation du peintre et d'un bouquin sympa, puis visite en musique avec l'ami Berlioz en fond sonore, un compositeur que Bazille admirait…


Frédéric Bazille vers 1865

Montpellier, le 6 décembre 1841. Jean Frédéric Bazille voit le jour dans un milieu bourgeois, de confession protestante rigoriste certes, mais cultivé et amateur d'arts. Son père, Gaston Bazille, agronome et sénateur souhaite ardemment que son fils embrasse la carrière de médecin dans cette ville qui a vu se développer la première université de médecine créée en 1220. (Règne de Philippe II Auguste, 7ème capétien direct, ce qui ne nous rajeunit pas). L'université est la plus ancienne de France et même du monde ! (Lire le tome II de la saga Fortune de France de Robert Merle.) Sa mère est une riche propriétaire terrienne.

D'une nature obéissante et accommodante, Frédéric accepte de satisfaire les aspirations familiales tout en pensant "étudier la médecine, oui ; être médecin, jamais !". En 1859, entre les leçons d'anatomie et de pathologie, il fréquente surtout assidument les cours de dessin du Musée Fabre de Montpellier… Son père n'est guère enchanté par le manque de motivation de son fils en tant que carabin… Mais, bon an mal an, il ne le reniera jamais et continuera de subventionner Frédéric sans réellement douter que ses subsides destinés à des études médicales soient détournés vers une formation… d'artiste peintre ! Frederic ratera finalement ses examens de médecine en 1864.

Dès 1862, Frédéric part pour Paris, haut lieu du renouveau pictural et intellectuel pendant le Second Empire. Contrairement à bien des jeunes artistes désargentés, Frédéric Bazille n'a aucun soucis financier (merci papa 😊) et participe dès son arrivée aux rendez-vous culturels dans les tavernes et salons où se pressent : Edgar Degas, Alfred Sisley, Édouard Manet, Berthe Morisot, Paul Cézanne, Camille Pissarro, Émile Zola, Paul Verlaine… Excusez du peu !

Ah, Paris et son effervescence où le Second Empire de Napoléon III et Viollet-le-Duc accorde un intérêt majeur à l'art, les deux personnages ayant créé les salons des refusés pour accueillir les œuvres des peintres en délicatesse avec l'académie officielle ; l'une des rares réussites du régime… "On monte à Paris" pour s'instruire et tenter de se faire un nom, Cézanne d'Aix en Provence, Monet et Boudin du Havre, Pissarro du Venezuela et Bazille de l'Hérault. Comme Sisley, il s'inscrit dès son arrivée à Paris à l'atelier de Charles Gleyre, vieux bonhomme à l'enseignement conventionnel mais plus tolérant que Ingres, maître des lieux aux Beaux-Arts, peintre génial dans la recherche du "beau absolu", mais plus intégriste, très impliqué notamment dans la précision de la représentation anatomique. 

Bazille respectera néanmoins les conseils de son vieux maitre ; j'écrivais il y a une quinzaine : Frédéric Bazille héritera des leçons de Charles Gleyre un sens aigu de la finesse de ses compositions. 


2 Renoir : Bazille peignant "le héron"

Dans l'atelier Gleyre, autour de Sysley se forme le quatuor Monet, Renoir, Bazille. Bazille qui, comme ses amis, s'ennuie un tantinet à recopier à l'infini les chefs-d'œuvre classiques des siècles passés. Ils font dissidence en s'échappant de l'atelier pour aller peindre en pleine lumière… Le très battant Monet et le plus pondéré Bazille se rendent vers Barbizon et Chailly (8) expérimenter la peinture sur chevalet en travaillant sur les lumières, l'espace, la vision globale d'un paysage… 

L'art de Bazille peut se revendiquer sans hésitation de la transition de la peinture classique vers la peinture moderne et particulièrement de l'impressionnisme. Plus attristant, sa carrière ne durera que sept ans, ce qui explique la faible production des tableaux référencés.

Par ailleurs l'héritage du style classique, d'une remarquable qualité chez un peintre aussi jeune, cohabitera dans son travail avec les recherches modernistes poursuivies avec ses amis. J'ai placé côte à côte "Les poissons" (12) de 1866, son premier tableau exposé et "Les harengs" de 1864 (13), œuvre singulière et avant-gardiste par la rudesse du trait et l'économie de couleurs mises en jeu, sans compter sa facture qui accentue l'aspect desséché des deux poissons, alors que la magnifique nature morte peinte deux ans plus tard témoigne de la maîtrise d'un hyper-réalisme qui n'a rien à envier au style de Jean Siméon Chardin, spécialiste du genre au XVIIIème siècle en France. Le canard au col vert de ce dernier rappelle étrangement le "Héron" de Bazille. (Clic)

- Sonia… que penses-tu de la construction du tableau "Vue du village, Castelnau (Couverture)" ? (1)

- Houlà Claude ? Voyons… Humm… La robe de la jeune fille est très belle, les fines rayures sont précises et la tenue bouffante du tissu très naturelle… J'aime aussi le côté… presque photographique du visage de la petite, regard perçant et joues rouges… hihi. Par contre, on dirait que Frédéric Bazille néglige – si je puis me permettre – le paysage qui ne semble pas très défini, comme quand on a une faible profondeur de champ avec un objectif d'appareil photo…

- C'est cela Sonia ! (Avec l'accent de Thierry Lhermitte 😊 !)

Sonia nous a tout dit de la proximité sur une même toile du meilleur du classicisme et de la poésie de l'impressionnisme.

Moins poétique, lors de la guerre contre la Prusse marquant la chute du Second Empire, Jean Bazille s'engage par patriotisme. Le 28 novembre 1870 il est mortellement blessé. Son père recherchera dans d'éprouvantes conditions le corps de son fils pour qu'il soit inhumé à Montpellier.


Salon des refusés dans le...
Palais de l'industrie

Index

Nom du tableau

Date


1.      

Vue du village, Castelnau (Couverture)

1868

 

2.      

Renoir : Frédéric Bazille peignant le "Héron"

1867

 

3.      

Réunion de famille de la bourgeoisie

?

 

4.      

L’atelier de Bazille

1870

 

5.      

Négresse avec des pivoines*

1870

6.      

Jeune femme avec des pivoines

1870

 

7.      

Les remparts d'Aigues-Mortes

1867

8.      

Paysage à Chailly

1865

9.      

Portrait de Paul Verlaine à vingt-trois ans

1867

10.     

Portrait du peintre Pierre Auguste Renoir

1867

11.     

Autoportrait, Frédéric Bazille en chemise

1870

12.     

Poissons

1866

 

13.     

Deux harengs

1864

 

14.     

Nature morte au héron

1867

 

(*) Le mot "nègresse" est celui utilisé par le peintre en 1870. Ne réécrivons pas l'histoire, il s'agit d'un statut ethnique du XIXème siècle et donc purement rhétorique qui ne doit en rien choquer. La beauté de cette jeune africaine, celles du vase bleu et des pivoines se conjuguent dans la même composition. Il existe deux versions du tableau, cas unique dans le parcours de Jean Bazille. Pour le second, et pour éviter la confusion, le titre parle de "jeune femme". (Il s'agit d'une servante dans une famille très aisée.)


L'ouvrage du collectif du musée Marmottan se lit comme un roman. Un style léger, des nombreuses anecdotes dont celles évoquant l'amitié fusionnelle entre le fougueux Monet et le plus posé Bazille ; leur voyage en Normandie, la création de leur premier atelier grâce à Gaston Bazille, (personnage exemplaire de droiture et d'humanité), les brefs retours à Montpellier. Ma sélection de peintures reste limitée. Il existe des marines, un extraordinaire nu couché à taille réelle qui sera encore une épreuve initiatique, d'autres encore malgré une vie cruellement écourtée… Assez parlé !

Pour visiter la petite exposition, deux choses :

1 - écouter si on le souhaite la mélodie "le spectre de la rose" de Berlioz, un compositeur que le peintre admirait pour son audace, notamment la symphonie fantastique. Il fréquentait assidument les concerts Pasdeloup. Janet Baker est accompagnée par Sir John Barbirolli à la tête du Philharmonia.

2 – dans le tableau des peintures affichées, la petite loupe indique celles qui peuvent être vues agrandies par un simple Clic SUR l'image ! utiliser X pour revenir dans la chronique et non la flèche du navigateur. (Je me suis fait avoir, donc… 😉)




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Bibliothèque de Arts - 96 pages - 2003 - 16€

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