mercredi 27 juillet 2022

NAZARETH " Razamanaz " (1973), by Bruno

 


   Généralement, les groupes de Hard-rock, s'ils ne portent pas déjà le nom d'un leader égocentrique, rivalisent d'imagination pour trouver des patronymes synonymes de puissance ou d'agressivité - enfin, parfois, sans crainte du ridicule, cela ne va pas chercher bien loin  😁 - . D'autres préfèrent se tourner vers des épithètes plus mystérieux, évoquant peu ou prou le surnaturel ou le fantastique. Prédilections partagées avec les formations de Rock progressif. Une palette qui s'étend du sympathique et accrocheur au ridicule (et dans ce dernier domaine, on atteint des sommets dans les années 80). Okay, la chose est entendue, mais qu'est-ce qui a bien pu passer par la tête de ces Ecossais lorsqu'ils ont choisi de baptiser leur groupe : Nazareth ? 


   Ouais, Nazareth ! En Ecosse. Pourquoi pas Bethléem, Constantinople, Lutèce, Teotihuacan, Alexandrie, etc. Cela ne reflète pas la puissance que l'on attend d'un combo de Hard-rock ou de Hard-blues. Aucune commune mesure avec Led Zeppelin, Black Sabbath, Warhorse, Blue Öyster Cult, Grand Funk Railroad, Lucifer's Friend, Mountain, Cactus, Shotgun, . Bon, il y en a bien qui ont opté pour Budgie, Kiss, Incredible Hog ou Humble Pie ... Et il y a aussi un Jerusalem (produit par Ian Gillan). Alors quoi ? Un groupe chrétien ? Non, même pas.

     En fait, à ses débuts, ce quatuor originaire de Dunfermline, petite ville du Fife (où est également né le troubadour Ian Anderson), n'est pas à proprement parler un pur groupe de Harderoque. Fondé en 1968, il aborde plutôt les rivages de la Pop avec quelques incursions dans le Folk, et est alors plus familiarisé avec les reprises que les compositions personnelles. Le patronyme "Nazareth" a été soufflé par les paroles "The Weight", probablement la plus célèbre chanson de The Band.

     En 1972, après quatre années d'existence, malgré tout ses efforts et une réputation scénique qui commence à bien s'établir, Nazareth ne parvient pas à décoller. Si le premier album est intéressant, le second, le bien nommé "Exercises", paraît ne plus savoir sur quel pied danser. C'est plutôt mou du genou, ça pioche à droite et à gauche, et en tâtonnant dans divers genres, il en émane une amère sensation de recherche d'un petit hit. L'aspect Pop y est prédominant. C'est d'autant plus troublant que cela ne correspondrait pas vraiment à ce que le groupe développe sur scène. Le groupe aurait pu finir dans les limbes, ou dans les landes, s'il n'avait pas croisé la route de Deep-Purple. En effet, embauché pour effectuer la première partie du Mark II en 1972, leurs prestations captivent Roger Glover, le bassiste et auteur de Deep-Purple Mark II. Glover, s'était déjà fait la main à la production - cette fois-ci avec l'aide de son collègue Ian Paice - dans le but d'aider une formation américaine où officiait un certain Ronnie James Dio, Elf. Cette fois-ci, c'est au quatuor écossais qu'il propose ses services. 


   Roger Glover
rentre donc en studio avec les Ecossais, bien déterminé à retranscrire la puissance scénique dont il a été ltémoin pendant toute une tournée. Soit une véritable émanation de Heavy-rock'n'roll et de Hard-blues brut de décoffrage, penchant à quelques occasions vers un proto-Heavy-metal (qui s'accentuera avec les albums suivants). Ce qui est plus en conformité avec la première image fournie par l'album éponyme de 1971. Pour ainsi dire, Glover s'inscrit en sauveur car le fruit de ces séances va se traduire non seulement comme le disque de la résurrection, mais aussi longtemps comme l'un des plus célèbres du groupe. Mais aussi carrément un classique de Hard-rock de la décennie (même si c'est loin d'être l'album du siècle). C'est leur premier à s'infiltrer dans les charts européens, et même outre Atlantique. 

     En toute logique, on retrouve donc la fibre heavy-boogie-rock pleine d'aspérité de leur premier essai ; néanmoins la patte de Roger Glover est patente, avec pour conséquence la marque, certes ténue, du Deep Purple Mark II surgissant sur quelques mouvements. A commencer par la chanson éponyme ouvrant l'album avec un premier mouvement assez dans l'esprit de "Machine Head", avec son riff primaire appuyé par Darrell Sweet qui cogne sur ses fûts comme un bûcheron sur un pauvre chêne. Un batteur qui porte mal son nom tant il s'évertue généralement à frapper comme un sourd sur ses peaux. Un batteur qui a une prédilection pour les toms bass (plus tard, il rajoutera une seconde grosse caisse - d'ailleurs sur le morceau "Razamanaz", c'est croire qu'elle a déjà intégré son kit). Ou avec "Too Bad, Too Sad" avec sa basse fonçant tête baissée comme sur "Highway Star". Cependant, là où le Pourpre Profond pourrait paraître relativement policé, Nazareth se distingue par un son brut, près de l'os, d'une crudité qui pourrait être pour certains rédhibitoire. Même pour les amateurs de Hard-rock 70's. 

     Les trois-quarts de Nazareth ont fait leurs classes au sein de The Shadettes, un groupe de reprises. Cela jusqu'à l'arrivée déterminante du guitariste Manny Charlton, qui incite le groupe à composer. Ce qui entraîne le groupe à se tourner progressivement vers une nouvelle orientation plus dure, plus rock. Cependant, jusqu'en 1977, ce goût des reprises ne sera jamais totalement réfréné. Peut-être dans un souci de se rassurer, en ayant un ou deux morceaux par album qui a déjà fait ses preuves. Cependant, leurs versions ne sont jamais des copié/collé. Et puis avec cette voix abrasive et la guitare de Charlton qui ne l'est pas moins, difficile de modifier le caractère plutôt singulier du groupe. De plus, le choix ne se porte pas exclusivement sur des succès avérés (en particulier au Royaume-Uni). Des versions parfois saluées par leurs compositeurs.


   Ainsi, les Ecossais s'accaparent ici le "Vigilante Man" de Woody Guthrie pour en faire un poignant slow-blues, débutant paresseusement, juste sur une slide rouillée et aérée et la voix cassée de Dan McCafferty. En aparté, ce dernier d'ailleurs, assoit une tradition de chanteur écossais à la voix particulièrement éraillée, initiée par Rod "The Mod" Stewart. Les instruments se mettent doucement en place, presque indolents, c'est alors que la slide et le chant jaillissent comme le feu d'un ancien volcan qu'on croyait trop vieux. Et juste précédemment, l' "Alcatraz" de Leon Russell, dans une version épurée, qui va à l'essentiel. Pour mémoire, la chanson est en hommage à l'occupation symbolique de l'îlot par les Amérindiens, ainsi que leur dur combat pour leurs droits et le respect des nombreux traités, maintes fois bafoués - d'où l'intro et les ponts résonnant comme les rythmes d'appel au combat (à déterrer la hache de guerre)

     Pas de ballade ni de slow sur cet opus, sauf si l'on considère que le pataud "Sold my Soul" en est un ; un slow froid et granitique, digne d'un groupe de heavy-metal bas du front des années 80. Pratiquement une caricature avant l'heure. Probablement un titre de remplissage. Seul faux-pas de cet album. Un choix étonnant alors qu'à côté, la face B du premier 45 tours (single) de l'année offre deux très bons morceaux de proto-heavy-metal. "Hard Living", sorte de chaînon manquant entre Black Sabbath et Mountain, et le ténébreux mais vivace "Spinning Top", une charge de sorcière avide de vengeance, déchirant le brouillard pour fondre sur la populace. Deux titres relégués en seconde division alors qu'ils sont du niveau du meilleur du 33 tours. L'édition CD de 1996 les a judicieusement incorporés.

     Possible qu'ils n'aient pas été sélectionnés parce que quasiment tous les oripeaux Blues et boogie qui habillent encore les chansons du groupe, ny sont plus. Attributs plus marqués sur "Bad, Bad Boy" qui s'est inspiré du "Killing Floor" de Howlin' Wolf, ainsi que sur "Woke Up this Morning" aux parfums de Foghat. 

     Cette troisième galette marque le début d'une popularité gagnant l'Europe et le continent Nord Américain. Sans jamais faire de l'ombre aux ténors anglo-saxons, généralement considéré comme un sympathique second couteau, Nazareth n'en devient pas moins un des groupes Ecossais les plus connus de la décennie. Bien qu'en nette perte de vitesse dans les années 80, Nazareth était considéré comme l'un des groupes à avoir influencé la NWOBHM. Ce qui est bien probable tant certaines de leurs chansons résonnent comme un Heavy-metal briton typique de cette "nouvelle vague". Outre-Atlantique, Metallica a revendiqué son influence, tout comme Axel Rose. A savoir qu'à la demande de ce dernier, Manny Charlton avait produit des démos pour Guns 'n'Roses, ainsi que les premières sessions de l'album iconique "Appetite for Destruction". Sessions rééditées en 2018.

Chansons écrites et composées par M. Charlton, P. Agnew, D. Sweet et D. McCafferty - sauf mentions

Side one
No.Titre

1."Razamanaz" 3:52
2."Alcatraz"Leon Russell4:23
3."Vigilante"Woody Guthrie5:21
4."Woke Up This Morning" 3:53

Side two
No.Titre
5."Night Woman"3:29
6."Bad Bab Boy"3:55
7."Sold My Soul"4:49
8."Too Bad, Too Sad"2:55
9."Broken Down Angel"3:45


   En hommage à Manny Charlton, décédé le 5 juillet dernier, à Dallas. Vingt jours avant d'atteindre les 81 ans. Manny Charlton a été un pilier du groupe avec sa guitare râpeuse, enfantant gros riffs et d'équarrissant traits de slide. C'est sous son assistance que le groupe se met sérieusement à la composition. Il devient un temps le producteur exclusif du groupe à partir de "Hair of The Dog" - autre grand succès et classique du groupe, parfois considéré comme leur meilleur -, jusqu'à la fin de la décennie. Il quitte le groupe en 1990, après l'inégal et surproduit "Snakes 'N' Ladders". Il se remet à enregistrer des disques, sous de petits labels et sans faire de vagues. Sur un bien sympathique "Hellacious", enregistré en Californie en 2013 (à 71 ans), on retrouve Steve Adler, Vivian Campbell et Tim Bogert.



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