- Mais Claude, cet article… c'est du réchauffé… tant le Requiem de
Mozart que ce concerto de Mozart ont déjà été chroniqués…
- Ah Sonia, tu as une notion du "réchauffé" qui surprend. Déjà qu'une
bonne daube c'est meilleur le lendemain, écouter dix ans après une
première fois dans le blog deux œuvres de ce niveau dans des
interprétations culte, le terme prend un ton… disons péjoratif…
- Mouais, je suis maladroite, je ne connais pas cette pianiste et
monsieur Karajan a tellement enregistré que tu dois nous proposer des
musts de son catalogue…
- Je préfère cette formulation… Et puis surtout : tant la pianiste
roumaine que les chanteurs de cette première version stéréo du Requiem
par Karajan sont des artistes de légende… On parlera plus d'eux que des
œuvres en effet déjà commentées, quoique pour le concerto, j'avais été
un peu radin…
Herbert von Karajan vers 1964 |
C'est les vacances, on a le temps d'écouter de la musique. D'où ce concert
construit autour de deux enregistrements mozartiens qui ont marqué leur
époque : la fin des années 50 et le début des années 60, les premières
gravures à répétition de
Karajan chez DG, après un travail intense avec le Philharmonia chez EMI.
Sonia a raison. Le célébrissime
Requiem
de
Mozart
a déjà donné lieu à un article en 2012 tout comme le
concerto N°20
la même année. À l'époque, pour le
Requiem
j'avais retenu deux enregistrements pour lesquels un consensus existait
entre mélomanes à l'esprit ouvert quant au niveau d'inspiration superlatif
des interprétations :
Karl Böhm
avec la
Philharmonie de Vienne
et ses tempos étirés à l'extrême, atteignant ainsi une spiritualité
étonnante alors que bien des confrères n'auraient proposé à durée égale
qu'une lenteur sulpicienne proche d'un mauvais trip brucknérien ; et puis la
version sur instruments d'époque gravée par
John Eliot Gardiner
restituant le climat musicologique et sonore du XVIIIème siècle.
(Il faut croire que j'avais de bonnes raisons pour ce second choix
puisque des extraits de mon billet une fois recopiés sur Amazon – il y a
belle lurette que j'ai lâché la prose sur ce site mercantile – est la plus
"appréciée" des 70 évaluations ; ça ne fait pas de mal une petite crise
d'orgueil, hihi 😊)
Donc, pourquoi ne pas écouter de nouveau deux ouvrages phares de l'histoire
de la musique dans des interprétations de références ? Et je pense en
premier au
Concerto N°20
de
Mozart
écrit en mineur, dont le ton tragique renvoie à l'itinéraire de souffrance
personnelle et à la passion pour ce compositeur de
Clara Haskil, pianiste légendaire jamais présentée dans le blog, disparue en
1960, à l'aube des enregistrements stéréo. Sa discographie officielle
se limite aux compositeurs les plus classiques qui soient donc un peu perdue
au milieu des centaines de gravures modernes concurrentes. Au fait, pourquoi
encore Karajan
?
~~~~~~~~~~~~~
La bronca aussi récente qu'imbécile menée par des esprits bien-pensants
contre le maestro autrichien me casse les n**x. Je rejette ces courants
réécrivant l'histoire qu'ils n'ont pas vécue pour relancer des polémiques
faute d'avoir des idées intéressantes à développer. Le maestro avait pris sa
carte au NSPAD après avoir, il faut le dire, essuyé des refus, uniquement
pour accomplir son destin : diriger un orchestre jusqu'à la mort… Hitler le
détestait, il dû fuir les purges de 1945… Comme collabo, on a vu plus zélé…
non ? Vous savez quoi, ce type a vendu 200 millions de ses 600 albums
classique et a bossé jusqu'à l'épuisement à réengistrer un répertoire inouï
suivant les progrès du disque, pour que ceux qui n'ont pas le temps ou la
fortune pour accéder à longueur de vie au concert découvrent cette musique
classique. Sympathique ou pas,
Herbert, avec son avion (excellent pilote) et son yacht (navigateur hors pair
vainqueur de régates) ? On s'en tape, il était surdoué et alors ! J'y
vois beaucoup de jalousie en arrière-plan. Je connais des pousses-ballon qui
gagnent bien plus pour marquer deux buts par an au milieu d'une hystérie
collective due à quelques meutes de beaufs, isolées mais efficaces, les
canettes et injures racistes qui volent, la baston généralisée, etc.
Oui Sonia, je me calme, mince j'ai 22 de tension…
Et pourtant une partie de Foot avec suspens, ça peut être chouette…
Herbert von Karajan a déjà participé comme interprète principal ou alternatif à 17 chroniques. De Bach à Webern le gars est bon en tout, c'est comme ça… Pas toujours génial, mais dans sa discographie pléthorique avec les Philharmonies de Berlin ou Vienne, forcément, il assure ! Je suis surpris par ce nombre et je pensais n'avoir jamais présenté une gravure Mozart. Erreur mon adjudant ! 4 divertimentos en 2017 dans une interprétation aussi guillerette que raffinée sur le plan sonore. Non le maître, bien que de la génération des chefs à l'ancienne n'était pas toujours bourrin comme on a pu le lire parfois. Et même dans Mozart qu'il dirigeait, certes avec des effectifs généreux d'instruments modernes, mais avec un rare souci du détail et de l'élégance, même dans les symphonies ultimes. (Petite biographie) Son enregistrement de la flûte enchantée avec Anton Dermota et Wilma Lipp (que l'on retrouve ici) en 1950 reste cultissime.
Dans les années 45 à 59 Herbert von Karajan avait collaboré (dans le bon sens du terme ; de nos jours il faut tout préciser) avec Walter Legge, patron de EMI et fondateur d'un orchestre de studio, le Philharmonia. En 1946, malin, Legge se rend à Vienne auprès des artistes interdits de travailler pour cause de dénazification ; il revient avec Wilhelm Furtwängler et Herbert von Karajan qui prend la direction de ce nouvel ensemble. Dans cette période, le chef fougueux fait évoluer son style vers la direction souple et voluptueuse qui assurera son succès futur. Naissent ainsi des intégrales symphoniques : Beethoven, Brahms, et surtout des opéras de Mozart et de Richard Strauss dont l'insurpassable ou presque Chevalier à la rose avec Elisabeth Schwarzkopf…
Ainsi débutent les séries d'enregistrements d'intégrales souvent aux
nombres de quatre, une par décennie : 50, 60, 70, 80 en numérique. "Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage…" Pas toujours avec bonheur d'ailleurs. Le
Requiem
de
Mozart
échappe à cette règle.
Herbert von Karajan
ne l'enregistrera officiellement que trois fois et pour DG :
1961 que nous écoutons ce jour, puis en 1976 et enfin en
1987. Et j'ai un faible pour cette première expérience. Raisons
subjectives ? Possible… Le tempo est retenu mais sans suggérer le parfum des
encensoirs, comparable à celui de
Böhm
à
Vienne
; autre atout : la sonorité tranchante typique des captations réalisées à la
Jesus-Christus-Kirche avant la reconstruction de la salle de la
Philharmonie. Le maître débute chez le label de Hambourg et a conservé cette
battue au scalpel héritée des années Philharmonia qui évoluera vers un
hédonisme qu'on lui reprochera parfois dans ses productions des années 70.
Et puis surtout, un quatuor vocal fabuleux ! Celui d'une époque où les
meilleur(e)s chanteurs et diva d'opéras démontraient leur talent autant sur
les scènes lyriques que dans leurs participations aux grands ouvrages
religieux classiques et romantiques. Un quatuor de légende qui donna lieu à
cette série de photos (un peu Carte d'identité quand même 😊) disponible sur
le web. Je ne commente pas leurs carrières. Quatre chroniques individuelles
se justifieraient…. Wilma Lipp
: Soprano (1925-2019),
Hilde Rössel-Majdan : contralto (1921-2010),
Anton Dermota
: Ténor (1910-1989),
Walter Berry
: baryton (1929-2000 ; un chanteur très apprécié de
Karajan)
Quant au Requiem, je ne reviens pas sur le contexte teinté de légende qui l'entoure : Mozart mourant, un mystérieux commanditaire nocturne, des parties hélas inachevées et complétées par son élève Süssmayer. (Clic) style="color: #7030a0;"
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ENTRACTE ~~~~~~~~~~~~~
Clara Haskil vers 1925 |
Évoquer la personnalité et la carrière de
Clara Haskil
revient à rédiger le récit d'une passion au sens christique, chemin de croix
compris.
Clara Haskil
voit le jour en 1895 à Bucarest dans une famille juive. Sa mère,
pianiste amateur, discerne très vite le surdon de sa fille qui à trois ans
pianote des mélodies qu'elle a entendue.
Clara Haskil
bénéficiera d'une mémoire eidétique qui lui permettra plus tard de
travailler le
2ème concerto
de
Brahms
en une semaine ! À cela s'ajoute une oreille infaillible. Pour ses cinq ans,
elle rejoue sans hésitation ni faute une sonatine de
Mozart
qu'elle vient d'entendre. Anecdote qui rappelle un certain…
Mozart
enfant.
La famille Haskil vit chichement après la mort du père en 1899. Sa
mère additionne les petits boulots et permet à sa fille d'enter au
conservatoire. En 1902, la fillette de sept ans arrive à Vienne pour
suivre les cours de piano de
Anton Door, ami de
Tchaïkovski. Pour le brillant pédagogue confronté à la mémoire musicale de Clara , il y voit un mystère : "On se trouve là devant une énigme : cette maturité d'un cerveau
d'enfant est véritablement angoissante."
À dix ans, départ pour Paris et Clara entre dans la classe d'Alfred Cortot. Le célèbre pianiste déteste Clara et lui balancera "Nous vous entendrons la prochaine fois !" et ajoutera "Vous jouez comme une femme de ménage !". Antisémite ? Misogyne ? Sans doute les deux comme son rôle de collabo actif et de fayot de Pétain le montrera pendant l'occupation. Fauré choqué, bien qu'âgé et directeur du conservatoire, prendra la jeune fille sous son aile, étonné d'entendre sa propre musique jouée avec tant de poésie… Dans les années qui précèdent la grande guerre, elle donne ses premiers concerts.
En 1914, comme pour la planète, le monde de Clara
bascule. Elle souffre d'une importante scoliose évolutive. Même de nos jours
le traitement est décevant surtout en cas de diagnostic tardif. Pendant tout
le conflit, elle séjourne à Berck enfermée dans un corset en plâtre. Elle
doit abandonner le violon du fait des douleurs qui font de la vie de la
jeune virtuose un calvaire.
Clara, le martyre mais… Mozart… |
Après l'Armistice, sa carrière ne prend son essor qu'avec lenteur du fait
de son handicap et d'une timidité maladive, et ne sachant pas profiter des
rencontres avec les grands de l'époque comme
Rubinstein
ou
Horowitz, une exception : Dinu Lipatti
roumain lui aussi. Elle annule des concerts par manque de confiance en elle
et malgré des critiques toujours élogieuses de son jeu délicat et
inspiré.
Evidemment, les lois antisémites du régime de Vichy l'oblige à fuir en zone
libre. À Marseille, elle subit l'excision d'une tumeur de l'hypophyse. (Neuf
heures sans anesthésie générale, elle pianote le
concerto
"jeunehomme" de
Mozart
sur la table d'opération pour tester si son cerveau subit des lésions
pendant l'intervention). Elle survit et se remet rapidement.
Après avoir échappé de peu à une rafle vichyste en 1942, elle hésite
malgré l'incitation du groupe d'amis qui avaient financé son opération de
tous les risques à se refugier en Suisse ; ce qu'elle finira par accepter,
partant seule sur un quai de gare… Elle vivotera jusqu'à la Libération.
1945.
Clara
fuyant le nazisme et ses douleurs physiques et morales a-t-elle encore une
patrie ? Elle en doute… Elle obtiendra la nationalité helvétique en
1949. À cinquante ans, son génie du clavier va enfin être reconnu
d'autant qu'elle peut voyager sur la planète qui a retrouvé la paix. Elle
jouera beaucoup en Suisse puis dès 1950, ayant enfin un passeport,
dans toute l'Europe : notamment en Angleterre et en Allemagne.
Charles Munch
et
Paul Paray
l'invitent à
Boston
et
New-York. En 1956,
Herbert von Karajan
qui préside à la destinée du
Philharmonia
l'invite à une tournée
Mozart sur le vieux continent. Le concert donné à Salzbourg et écouté ce jour est
anthologique.
Parler d'une santé fragile est un euphémisme.
Clara
trottine voutée à petit pas vers le clavier. La magie musicale opère malgré
les douleurs qui lui déchire le dos lors des forte. En fin de vie
Chopin
avait le même problème. Dans les années 1950, Philips l'invite
à graver des grands classiques : les sonates de
Mozart
et celles de
Beethoven, et puis il y aura cette rencontre avec
Arthur Grumiaux
et la gravure quasiment jamais égalée des
sonates pour violon et piano de
Beethoven… Un travail harassant qui mettrait à genoux des jeunots en pleine forme.
Les ingénieurs du son sont subjugués : une seule prise par mouvement, la
perfection immédiate…
Une chute à la gare de Bruxelles pour retrouver
Arthur Grumiaux
lui sera fatale en 1960. À 65 ans, elle en paraissait vingt de
plus…
Charlie Chaplin, réfugié depuis le maccarthysme à Vevey, également
résidence de
Clara, l'invitait souvent et notamment à chaque Noël où elle se mettait au piano
après le dîner. Il déclara à son sujet : "J'ai connu trois génies dans ma vie : Einstein, Churchill et Clara
Haskil."
DECCA a regroupé une grande partie de ses enregistrements dans un
coffret de 17 CD. Certes la qualité sonore est parfois d'un autre âge mais
en termes d'émotion, nous avons là un patrimoine de l'humanité.
~~~~~~~~~~~~~
Geza Anda, Clara Haskil et Herbert von Karajan en 1956 |
En 1785,
Mozart
vit depuis quatre ans à Vienne, a épousé Constance, attirant ainsi
les foudres de son père non consulté. Il redécouvre
Bach
et
Haendel
comme lui grand compositeur d'opéras. Comment le temps a-t-il déjà pu
oublier ces deux génies ? Dans son opéra
l'enlèvement au sérail, il triomphe. Certes, c'est encore un opéra-comique mais chanté en
allemand et non en Italien.
Mozart
entre en Franc-Maçonnerie. Il se sent enfin libre et apprécié, mais pour
combien de temps.
Janvier 1785,
Mozart
écrit en parallèle deux concertos pour piano, les
N°20
et
N°21
K466
et
K467. Le second écrit dans le jovial Ut majeur est l'un des plus connus
et appréciés avec son introduction martiale et son andante à la fois rythmé
et bucolique
(Clic) style="color: #7030a0;". Étrangement le
N°20, s'avère d'entrée plus mélancolique, car noté en ré mineur.
Mozart
écrit très rarement en mode mineur et des
27
concertos, le
N° 20
est bien L'exception.
On s'interroge sur la dualité entre les tonalités des deux concertos
jumeaux créés en février et mars 1785 par le compositeur. La tonalité
de ré mineur est, par essence même, associée aux climats tourmentés
et spirituels. Une tonalité qu'affectionnait le taciturne et monastique Bruckner.
Mozart
exprime-t-il ses affres les plus intimes ? Il ne traverse pourtant pas
encore l'ultime et douloureuse période de sa fin de vie. Ou alors, autre
hypothèse, dépeint-il sa morosité face à une une Vienne frivole, peu
sensible à son art, ce qui se traduit par une absence de commande de
partitions lyriques plus dramatiques, autres que des opéras-bouffes.
Mozart
reste lié à l'éternel goût du public pour les opéras-comiques ? en
1787,
Don Giovanni
mêlant drame et comédie ne rencontrera le succès qu'à Prague ! En plein
siècle des lumières, il lui semble que le style classique stagne dans
l'académisme. Le
concerto K 466
n'est-il pas alors, plutôt qu'une confidence intime, le premier concerto
posant les fondements d'une évolution des œuvres musicales vers un langage
passionné et idéaliste, moins divertissant et insouciant, en un mot la
préfiguration du romantisme de
Beethoven
?
L'orchestration des deux concertos est plus riche qu'à l'accoutumée :
violons I & II, altos, violoncelles, contrebasses, flûte, 2 hautbois,
2 bassons, 2 cors en ré (passant en si dans la Romance) 2 trompettes en
ré, timbales en ré et la (uniquement dans K 466).
1 – Allegro :
(Partition)
voici l'introduction la plus inattendue qui soit. Pas une mise en bouche
mais une courte ouverture d'opéra telle qu'en rêve d'écrire
Mozart : le drame et la mélancolie. On ne peut s'empêcher le rapprochement
avec l'ouverture de
Don Giovanni
et ses premiers accords sauvages.
Un rythme incertain guide une pulsation fiévreuse et angoissée dans le
thème 1 joué par les cordes seules lors des 7 premières mesures. Le rythme
est marqué par des arpèges syncopés aux contrebasses, des arpèges tous
différents dans leur notation, la signature de l'incertitude quant au
destin. Des mesures 8 à 15 vont se succéder des accords ascendants à
l'octave joués un à un par les cors, les bassons et les hautbois, chacun sur
6 temps. [0:31] Surgit un accord en tutti. Et là, on ne peut s'empêcher un
second rapprochement avec l'air de la Reine de la Nuit clamant son
ire furibonde dans
la Flûte enchantée. En seize mesures,
Mozart
a planté le décor tragique de tout son concerto. Cet accord
forte débute le développement martial de ce premier thème avec
héroïsme. Romantisme ? disais-je ?
[1:02] Le second thème nettement moins épique est un charmant échange entre
un motif chanté par la flûte alternant avec un motif entonné conjointement
par le hautbois et le basson. Une section répétée trois fois et suivie par
une mélodie élégiaque et exaltée aux cordes formant une synthèse des climats
précédents. [2:07] Une ritournelle apaisée conclut cette extraordinaire
introduction avant d'inviter le piano à faire son entrée.
De nombreux points séduisent d'emblée dans la direction de la Karajan : l'équilibre entre chaque pupitre, la pertinence des interventions des instruments, le tempo rapide et résolu et pourtant ne laissant aucune place à la moindre confusion. Au-delà de cette virtuosité technique imposée au Philharmonia, le chef canalise la vaillance voulue sans aucun doute par Mozart tout en respectant la subtilité de l'écriture, enchaînant tout le récit au scalpel mais sans sécheresse. Il est rare de bénéficier d'un discours aventureux aussi viril dans nombre d'interprétations concurrentes privilégiant un morne pathétisme.
Mozart en 1785 |
[2:24] Le piano fait son entrée avec son propre thème, et non à partir
d'une cellule dérivée de l'introduction. Encore une innovation d'autant que
son style est presque incongru ! On sera déçu d'attendre une réponse
virulente à la furie orchestrale. La main droite entonne note par note le
thème soutenu par quelques accords discrets à la main gauche. "Pourquoi tant de haine et d'angoisse ?" semble répondre le clavier sous les doigts de
Clara Haskil
qui, telle une débutante, donne l'impression de découvrir la partition
calmement, avec tendresse, cherchant à apaiser les esprits, peut-être même
l'impétuosité du maestro, mais en totale complicité. Les deux artistes
mettent ainsi parfaitement en avant les contradictions existentielles de ce
concerto, l'un des plus géniaux. Le piano poursuit sa course en gagnant en
détermination et en se confrontant au Thème 1 introductif. La pianiste
insuffle une vitalité diabolique à son jeu, une alacrité surprenante de la
part d'une vielle dame voutée et chancelante. Rien à ajouter… Écoutez les
enchaînements et les trilles, de telles virtuosités et implications ne
s'entendent pas tous les jours… Quant à la cadence (de
Beethoven), elle témoigne que
Clara Haskil
n'avait pas peur des forte, quel que soit le prix à payer par son
dos.
Nous sommes page 6 d'une partition qui en compte 56. Une évidence, je ne
vais pas détailler chaque mesure dans un billet qui deviendrait une
démonstration bien trop analytique et tout à fait ennuyeuse, d'autant que
ceux qui voudraient se lancer dans un pareil exercice trouveront leur
bonheur dans ce site
Les épisodes se succèdent, nombreux et contradictoires dans cet
allegro diablement imaginatif à la virulence musicale sans
concession.
2 : Romance : [13:34]
Changement de ton, le si bémol majeur porte un motif mélodique poétique. Les
noirceurs de l'allegro n'étaient-elles qu'un mouvement d'humeur. Le motif
sera repris avant le début d'un autre groupe thématique tout aussi serein.
[18:09] De manière inattendue, un mouvement de colère interrompt la quiétude
qui semblait acquise… À la frénésie pianistique s'ajoute la plainte
déchirante du hautbois. Il faut attendre [20:46] pour retrouver le calme de
la réexposition du premier thème…
3 : Allegro vivace assai :
[23:20] le rondo final, de nouveau en ré mineur, introduit par le piano, se
révèle encore plus volcanique que l'allegro initial. Le style adopte au
départ une scansion ardente.
Mozart
n'avait pas indiqué de tempo sur son manuscrit, la nature de l'écriture
suggère une précipitation… vers quoi, des moments heureux comme le laisse
supposer quelques fantasques passages sarcastiques. Du bonheur ? Peut-être
mais après avoir surmonté bien des épreuves. Écoutons-nous dans le
concerto K466
un début d'autobiographie ?
Pour les deux interprétations :
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