DUPONT LAJOIE d’Yves Boisset (1975) - par Pat Slade
Yves Boisset est connu pour ses films chocs, inspirés des fait divers ou
de société. «DupontLajoie» : l’image d’une certaine
France… D'Hier ? Pas tant que ça dirait mon pote Claude.
BIENVENUE ÀBEAUFLAND PLAGE
Au début des années 70, la France est en crise (elle l'est toujours d‘ailleurs, un état chronique !). Giscard d’Estaing devient
président. Des grèves éclatent dans tous les domaines (Des PTT au paquebot France). L’affaire Ranucci est l’affaire
criminelle de l’année, la majorité chute à 18 ans, etc. Et depuis
1936, sous l'égide du Front Populaire et de Léon Blum,
les congés payés donnent le droit aux français de partir en vacance sous
le soleil de la Côte d’Azur (ou ailleurs !). On pense que les
congés payés datent de 1936 et pourtant les premiers congés payés ont été institués en France dès le 9
novembre 1853 par un décret de l'empereur
Napoléon III, mais seulement au bénéfice
des fonctionnaires. Donc, tous les ans des cohortes de caravanes
envahissent les routes de France et de Navarre, histoire de profiter du
soleil de la côte et de la méditerranée.
Nationale 7 et la
Mer qu'on voit danser susurre
Charles Trenet.
Georges Lajoie (Jean Carmet) est un bistrotier de Paris. Lajoie est le français moyen dans toute sa
splendeur, le petit commerçant poujadiste. il graisse la patte aux flics
pour protéger sa caravane, il est raciste, xénophobe, il n’aime pas les
jeunes parce qu’il est vieux et conspue tout ceux qui ne pensent pas comme
lui et, comme tous les ans, il part avec famille et bagages sur la côte
Provençale, toujours au même endroit au «Camping Caravaning Beau-soleil». Un camp de camping tenu par Loulou, un pied noir (Robert Castel), Lajoie y retrouve les habitués, les Schumacher dont
monsieur (maître) est huissier de justice de Strasbourg
(Michel Peyrelon), les Colins vendeurs de sous-vêtements option
soutien-gorge sur les marchés (Pierre Tornade). Et ce petit monde de français bien de chez nous, qui pense que ceux du
sud sont plus paresseux que ceux du nord, chercheront à sympathiser avec
les Vigorelli (Pino Caruso) un nouvel arrivant, un italien chef de chantier. Loulou fait
construire des immeubles pour les vacanciers avec une main d’œuvre
d’ouvriers algériens.
Loulou et Vigorelli parlant arabe, ils respectent ces
travailleurs bon-marchés pour leur acharnement au travail.
Lajoie est lui très attiré par Brigitte (Isabelle Huppert) la fille de Colin. Comme beaucoup d’endroits à cette
époque, il y a les jeux d'été Inter-camping animé par
Léon Tartafione (Jean-Pierre Marielle) une caricature de Léon Zitrone. Lajoie s’éloigne de la
fête et il rencontre Brigitte prenant à l'écart un bain de soleil
dans le plus simple appareil. Après une conversation, Lajoie se
fait plus pressant et agresse sexuellement la jeune fille. Pendant le
viol, il va repousser violemment son menton. Le coup du lapin provoque la
mort instantanée de l'adolescente. Il se débarrassera du corps près du
baraquement des ouvriers algériens.
Entrée en scène de la police et de l’inspecteur Boulard (Jean Bouise) qui convoque les campeurs. Certains s’énervent que la police n'arrête
pas aussitôt les «bicots»(Je déteste ces mots racistes bien entendu !). Le petit groupe est
mené par une grande gueule avec une casquette, Bigeard (Victor Lanoux), tout finira dans une ratonnade en règle avec le meurtre d’un des
algériens. Entre le flic intègre qui veut que justice se fasse et un
haut-fonctionnaire (Henri Garcin) qui veut étouffer l’affaire avec le mirage de la promotion au grade de
commissaire pour Boulard, le torchon brûle.
Jean Bouise
Boulard demandera à Loulou et Vigorelli de témoigner
mais à contrecœur, ils refusent à recourir à la délation.
Sous la pression hiérarchique, le policier cédera. Le meurtre de
Brigitte sera imputé à l’algérien mort et la mort de ce dernier à
ses compatriotes. Boulard quitte néanmoins les lieux en signifiant
aux campeurs son dégoût
«…Tous ces arabes se seraient tués entre eux, vous savez ces gens ont
de curieuses distractions, ils s’ouvrent le ventre comme on joue à la
belote. Vous, par contre vous êtes d’honnêtes français, d’honnêtes
citoyens qui n’avez rien à vous reprocher…». Certains sont contents de ce non-lieu et d’autres comme
Colin se sentent mal et quitte le camping sans saluer ses anciens
amis, Lajoie cynique dira «tout cet argent foutu en l'air… !». Il dira au revoir à Loulou qui lui demandera de ne plus jamais
revenir.
Mohamed Zinet - Yves Boisset
Quelques temps plus tard, de retour dans son troquet,
Lajoie raconte et fanfaronne auprès de ses clients comment ils ont
fait courir les arabes. A ce moment, entre le frère de celui qui a été tué
(Mohamed Zinet). Il regarde Lajoie et lui dit : «Tu te rappelles mon frère ?» de dessous son imperméable, il sort un fusil à canon scié et tire deux
fois.
Une histoire sordide superbement jouée, Jean Bouise
en flic désabusé et dégoûté face à ces assassins bien sous tout rapport
est génial, pour Jean Carmet
qui sort de ses personnages humoristiques, tu as juste envie de
l’étrangler.
Isabelle Huppert
IsabelleHuppert, jeune actrice de 17 ans, qui
avait déjà tourné avec Preminger,
Sautet et
Blier, et toute une pléiade d’acteurs
populaires (dans le bon sens du terme) donne de la couleur à ce film noir.
Yves Boisset à le chic pour nous faire
bouger dans nos fauteuils et nous renvoyer l’image des facettes noires de
notre société, que ce soit dans «L’attentat» en 1972 sur l’affaire Ben Barka, «R.A.S» (1973) avec la torture en Algérie, «Le Juge Fayard dit le Shériff» (1977), l’affaire du juge Renaud, et même sur le petit écran
avec les très bon «L’Affaire Seznec», «L’Affaire Dreyfus», «Le Pantalon». Aucun de ses films ne laissent indifférents, un de mes préférés reste
«La Femme flic» avec Miou-Miou.
«Dupont Lajoie» Si le P avait été un C son nom aurait été plus juste.
Mais la face du monde n’en n’aurait pas été changée.
Le film en version intégrale est disponible sur YouTube gratuitement (Clic). Ou ci-dessous. Désolé pour les couleurslavasses de la Bande-annonce...
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