mercredi 8 décembre 2021

TADDY PORTER "Taddy Porter" (First - Same) - 2010, by Bruno



     Bon, ben voilà ... il y a parfois des groupes qui, comme ça, démarrent en beauté. Au point où on est sûr qu'un avenir radieux se dessine devant eux. Et puis non. Pour certaines raisons, alors qu'ils ont toutes les clefs en main, ils se crashent lamentablement. Taddy Porter est l'un d'eux.

     Pensez donc. En 2010, ce quatuor déboule avec un premier album qui met tout le monde d'accord. Un premier essai quasi parfait qui accroche les esgourdes, s'y agrippe avec force pour ne les lâcher qu'une fois copieusement rougies d'extase. Malgré un enthousiasmant premier essai qui l'a promu comme l'un des meilleurs espoirs ricains de l'année, ce groupe est lentement mais sûrement retourné à un quasi anonymat ; à une simple gloire locale, voire régionale.


   TADDY PORTER
est une formation issue de Stillwater, dans l'Oklahoma. Lieu plus propice à la Country qu'aux groupes de Rock dur, qui se comptent sur les doigts d'une main. C'est à l'initiative de Doug Jones, batteur et d'Andy Brewer, guitariste et chanteur que le groupe prend forme. Doug recrute son petit frère, Kevin, pour tenir la basse. Et quelque temps plus tard, c'est Brewer qui rapplique avec un quatrième larron, Joe Selby, qui lui donnait des cours de guitare.

     Très imaginatifs, ils dégotent leur nom de ralliement sur une bouteille de bière anglaise : une stout de Samuel Smith Old Brewery - maison du Yorkshire fondée en 1758, et qui utiliserait encore aujourd'hui l'eau puisée dans le puits historique de la brasserie -. Pas vraiment étonnant pour un groupe qui a ses entrées et joue régulièrement dans une taverne de la ville, certes de faible densité, mais dynamisée par son université.

     En dépit d'un premier Ep,  "Monocle", enregistré en 2007, la troupe végète. Toutefois, c'est aussi un choix car le groupe préfère garder ses distances avec toute personne bien intentionnée qui chercheraient à les remodeler pour en faire un produit plus facile à vendre. Ils préfèrent se contenter de leur routine locale plutôt que de parcourir les routes du continent grâce à des compromissions - qui auraient édulcorées, peut-être à jamais, leur personnalité.
Il lui faut attendre 2009, et la rencontre avec le duo d'A&R, Scott Frazier et Rick Smith, pour enfin avoir l'espoir que leur carrière prenne enfin une tournure plus sérieuse.

   Franchement dithyrambiques, ou simplement commerciaux dans l'âme, Frazier et Smith citent sans retenue les noms de Free, et les duos tels que Lennon-McCartney, Tyler-Perry, Jagger-Richards à leur encontre. Enfin, si ces deux-là croient en eux, ce n'est pas sans raison non plus. Malins, ils font reprendre au groupe - ou l'incitent à reprendre - le faramineux et emblématique "All Right Now" de Free. Et, ma foi, la bande se montre bien convaincante, y-compris le chanteur, Andy Brewer, qui chante avec une justesse rare (alors qu'il y a tant de versions où le chanteur braille ou s'égosille sans raison). il est fort probable que le groupe maîtrisait cette chanson tant sa version est absolument sans accrocs. C'est que Free est une influence majeure pour le groupe ; tout comme Humble Pie et Led Zeppelin. Matériaux communs avec les Black Crowes avec qui ils sont hâtivement comparés. Pourtant, leur musique n'a rien de nostalgique, elle se refuse seulement à la compromission de formats radiophoniques américains. Restant à l'écart d'un polissage FM ou d'un bardage métallique pour rejoindre le mouvement Nü-metal ou Metal-indus. Et ce n'est pas l'intérêt qu'ils portent à The Jets et Wolfmother qui aurait pu faire dévier d'un pouce cette ferme direction.
   

    La musique de ce premier opus est à l'image de la pochette : sobre, simple, sans chichis, efficace. Plutôt classique dans le genre Heavy-rock rugueux mâtiné de Blues pégueux, mais bien accrocheur avec un chant qui martèle suffisamment ses phrases pour être scandé à tue-tête. D'entrée, avec "Whatever Haunts You", le groupe crée une bulle où le heavy-rock reprend des couleurs, procure des sensations envoûtantes et parvient presque à générer une hallucination collective olfactive d'où émergeraient de subtils parfums de vieux micros, de senteurs boisées de guitares où se mélangent sueur et cire d'entretien, d'odeurs métalliques de cordes érodées et de cymbales brutalisées, et de douceâtres effluves de lampes d'amplis. Une ambiance qui s'installe tranquillement avec "Big Enough", "Shake Me", "Gotta Getcha Back", invitant à se rafraîchir le gosier d'une bonne pinte de blonde fraîche, sublimant le plaisir, le contentement. Pas d'esbrouffe, pas de dérapage narcissique du lead-guitar. On va à l'essentiel. Et dans le genre, c'est absolument sans reproche. Sans aller jusqu'à sortir le riff qui tue, celui qui souffle les bâtisses ou fait pousser des ailes. [🐤 cui ?]

   On ne pourra pas en dire autant de la ballade (de rigueur ?), "Long Slow Drag", qui, sans être mauvaise, ne décolle pas. On y sent le slow portant l'influence d'Aerosmith, mais ne parvenant pas à retrouver la bonne recette. Avec "I Gotta Love", le quatuor retourne là où il est le plus à l'aise, dans son élément, avec ce duo de guitares grassouillettes, qui tentent de faire, peu ou prou, un pont entre une forme de Hard-blues 70's et un Rock plus actuel, du style des Kings of Leon. Sans que ce dernier jamais ne domine.

     Selby et Brewer ont trouvé leur son en fusionnant deux types de guitare. Le premier affectionne les solid-bodies, en particulier - classique des classiques - la Gibson LesPaul, tandis que le cœur de Brewer  penche pour les demi-caisses. Il alterne entre une Epiphone Sheraton II et une Gretsch Electromatic demi-caisse, sur laquelle il a monté des micros de White Falcon. De son côté, le jeune Kevin Jones a jeté son dévolu sur une Gibson EB3 (souvent nommée SG en raison évidente de ses courbes), une basse fortement connectée 70's, notamment par l'utilisation exclusive faite par Jack Bruce et Andy Fraser pendant cette décennie. 


   Par contre, question ballade, cette formation de Stillwater réussit son coup avec un "In The Morning" à la tonalité automnale et nostalgique. Ballade à l'économie de moyen, nantie d'un halo impressionniste, comme une peinture de Monet qui aurait mis sur toile la route 66 traversant Monument Valley. Pour les paroles, c'est encore à des années lumières de Mallarmé "J'ai dit que j'étais si heureux de te rencontrer. Je ne pourrais pas t'oublier, même si j'essayais. Ces mensonges te conviendront, encore une fois les rayons de l'été ne mentent jamais. J'ai dit : Je peux t'aimer le matin"
   Le reste ne sort pas d'un Heavy-rock un rien bluesy qui envoie des décharges électriques dans les guiboles des musicos. "Railroad Queen" taquine même un peu le Southern-rock, tendance heavy mais pas bourrin. 

     A classer quelque part entre Silvertide, Cinderella, Poets & Pornstar, The Answer. En 2010, la firme Gibson érige Taddy Porter en tant que groupe du mois.

     Pour leur second essai, "Stay Golden", un peu lassé de chansons qu'ils interprètent assidument depuis des années, le groupe met de l'eau dans sa stout et de la soul dans sa musique. De la Motown passée au blender avec du Black Keys. Virage assez réussi, réjouissant une partie de son public mais qui déçoit une majorité qui leur tourne le dos, convaincue que la troupe a succombé à la tentation d'un succès plus large et facile. Et plus rentable. En 2017, "Big Wheel" alterne entre gros Rock et rock alternatif graisseux, sans jamais retrouver la magie simple de cet album éponyme. Le but avoué de ne pas faire deux fois le même album, encore moins de se caler sur les riffs des icônes des 70's, est indéniablement louable. Malheureusement, ils sont peut être allés un peu vite en besogne, et ces changements de direction prononcés ont fait retomber le groupe dans l'anonymat. D'autant que c'est dans ce vigoureux Hard-blues à la fois poisseux et enjoué qu'ils sont le plus à l'aise et convaincants. En 2020, le groupe jouait encore.





🎶♩🎸

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire