vendredi 1 janvier 2021

ZOLTAN, LE CHIEN SANGLANT DE DRACULA d'Albert Band (1978) par Luc B.

 



Hasard du calendrier, nous sommes vendredi 1er janvier, il me revient l’honneur d’entamer cette nouvelle et onzième année civile du Déblocnot. Inutile de vous la souhaiter bonne, cette année, elle ne risque pas d’être pire que la précédente - quoique, on annonce pour 2021 une tournée de M. Pokora. 

Gardons les bonnes habitudes en causant cinéma, avec cette pièce de choix, ou plutôt cette pièce de boucher, qui trône au panthéon des nanars : ZOLTAN, LE CHIEN SANGLANT DE DRACULA. Rien qu’à écrire le titre j’en frissonne. Vous avez vu que Bruno nous a chroniqué la semaine dernière un film de zombie, sa marotte. Nous ne nous étions pas concertés (l'excellence de la ligne éditoriale du blog ne va pas jusque-là) mais j'me dis qu'on ne doit pas être très fan, tous les deux, des téléfilms de Noël, comme il en pleut chaque après-midi sur TF1, M6, W9 depuis deux mois. Les téléfilms de Pâques ou de la Toussaint, ça n'existe ?  

Revenons à ZOLTAN avec un Z comme Zombie, mais dans un sous-registre : le zombie canin. Autrement dit, ce sont des cleps aux canines acérées qui croquent de la jugulaire.

Le réalisateur de ce chef d’œuvre est un italien exilé à Hollywood, producteur prolifique de séries Z dans les 60’s, qui se fait appeler Albert Band. Bien lui en fasse, félicitations à madame. Il a réalisé entre autre J'ENTERRE LES VIVANTS (1958), 20 ans plus tard, c'est plutôt Je déterre les morts.

L’action commence en Roumanie, dans les Carpates, où des soldats découvrent la sépulture du comte Dracula. Ne vous imaginez-pas une escouade complète avec camions, chars et DCA le tout filmé à la dolly, le budget n’autorisait royalement que cinq ou six figurants. Le chef bataillon laisse un bleu-bite sur place le temps de prévenir le commandement, la consigne étant : ne touche à rien. Et il fait quoi ce couillon ? Il retire un cercueil et l’ouvre. A l’intérieur, y’a une forme sous un drap. On frémit. C’est un chien, le cœur transpercé par un pieu. Et il fait quoi le couillon ? Il retire le pieu. Le doberman ouvre un œil, avise le gars et lui saute à la gorge avant de le dévorer. Et mû par l'instinct autant que par la force des crocs, le cleps libère un autre cercueil, pour ressusciter Veidt Smit.

Un flashback - car le film est savamment construit - nous apprend que Veidt Smit était le domestique du comte Dracula. Réveillé parmi les morts, il lui faut trouver un nouveau maître pour lui et le clébard. Et quoi de mieux qu’un descendant du comte Dracula, dont on imagine qu’il a enfanté par-delà les siècles, même enfermé dans sa boite en sapin. Allez savoir comment (le scénariste le sait-il, lui ?) mais Veidt Smit s’embarque pour San Francisco, sapé comme un lord, parcourt la Californie au volant d’un corbillard, à l’arrière duquel le chien Zoltan dort du sommeil du juste n’attendant que d’être rappelé d’outre-tombe pour quelques basses besognes. Veidt Smit lorgne particulièrement la famille d’un certain Michael Drake. Z’avez pigé ? Drake /Dracula. Dualité toute bergmanienne. 

Smit est joué par Reggie Nalder, dont on connait la tronche sculptée à coups de serpes, il jouait un des ravisseurs dans L’HOMME QUI EN SAVAIT TROP d’Hitchcock (1956), il passera devant les caméras de Fellini ou Dario Argento, il jouera même dans DRACULA SUCKS (1978) la version porno de Dra-Cul. Le faciès cadavérique, l’épiderme plus gravelé qu’un champ de bataille à Verdun, le mec est franchement inquiétant. Il ne dit pas un mot, à part des "Attaque Zoltan, mords !" ce qui vaut peut-être mieux. Le réalisateur se contente de filmer sa tronche de macchabée sous deux ou trois angles en contre-plongée, plans multi-fonctions qui serviront à toutes occasions dans le film.

En Roumanie, l’inspecteur Vaclav Branco, genre vieux sage à qui on n’apprend pas les grimaces, est chargé de l’enquête sur la mort du soldat. Il pige la situation d’un coup, et s’embarque pour les USA sur les traces de Veidt Smit, dont il a compris les macabres projets. Le policier est joué par José Ferrer, on le connait aussi, second rôle au cinéma (OURAGAN SUR LE CAINE, LAWRENCE D'ARABIE, DUNE). La même année que ZOLTAN il tourne le magnifique FEDORA sous la direction de Billy Wilder, sacré grand écart, quelle souplesse. Acteur de théâtre il triompha dans CYRANO, on l’a vu dans un épisode de COLUMBO.

Le film va alors développer une double intrigue. Vaclav Branco à la recherche de la famille Drake, pour les prévenir du danger, et les Drake qui partent en vadrouille et en camping-car, sans se douter qu’ils sont à la merci du danger. Ca pue LA COLLINE A DES YEUX (Wes Craven, 1977) a plein nez, le pater, la madre les gosses et leurs chiens, isolés dans la cambrousse, victimes d’attaques nocturnes. La comparaison avec le film de Craven s'arrête là, car jamais Albert Band ne parvient à rendre terrifiante ou malsaine la moindre scène.

Dracula a été un des personnages fétiches du film d'horreur à l'ancienne, les productions gothiques aux couleurs psychédéliques de la Hammer, qui ont fait la gloire d'acteurs comme Christopher Lee, ou Peter Cushing. Le ressusciter (sic) en 1978, en pleine vague du slasher, et que sont passés à l'écran des films comme L'EXORCISME, MASSACRE A LA TRONÇONNEUSE, LA DERNIÈRE MAISON SUR LA GAUCHE, semble totalement hors sujet. Quand Coppola ou Neil Jordan s'emparent du mythe, ce n'est pas uniquement pour faire frissonner dans les chaumières. 

Il semble qu'Albert Band cherche à capitaliser sur le nom du célèbre personnage dont les dents rayent le parquet, imaginé par l'écrivain de Bram Stoker. Sauf qu'à part le flashback (détail rigolo, c'est le chien qui se souvient de sa vie passée), on ne voit pas le bout d'une incisive du célèbre comte. Et pour le gothique et l'atmosphère macabre on repassera. Rarement un décor de film n'aura été plus affligeant, plat, fade, un lac aménagé et trois bosquets d'arbres, une aire de camping qui ne suscite en rien l'angoisse. Peut être qu'avec une bonne lumière ça aurait pu donner quelque chose, mais y'en a pas, si les mecs avaient des projos, ils n'avaient sans doute pas le fric pour les ampoules. 

Une seule séquence pourrait être sauvée du lot, celle où Michael Drake et Vaclav Branco s'enferment dans un chalet, pour j'imagine servir d'appât. A la nuit tombée, les chiens assiègent la bicoque en bois vermoulu qui menace de s'effondrer sous les assauts. On dit bravo au dresseur, qui a fait du bon boulot, les toutous ont la niaque. On a aussi un brave campeur qui se fait dévorer, seule scène que l’on peut qualifier de gore, du gore aux petits pieds, les accessoiristes n’avaient sans doute pas assez de viande hachée en stock dans la régie.

Albert Band semble par contre très content de lui avec un effet spécial qu’il recycle : les yeux des chiens-zombie qui reflètent dans la nuit comme des faisceaux lumineux. Essayez de diriger une lampe torche sur les yeux de votre chat, vous obtiendrez le même effet. Pas cher, efficace. A part ça on cherche en vain une idée de mise en scène, un cadrage baroque, ou un comédien concerné par le rôle. Et en plus, le Band saupoudre son film d'une musique électronique chiante comme une pluie sur la campagne roumaine, ça évite de payer un orchestre complet, et suggérer un clin d'oeil à John Carpenter

Outre l'indigence du scénar (m'enfin, bordel, y'a tout de même un producteur qui a lu un script avant de signer le chèque ? à zut, le producteur c'est Band lui même) le ridicule se mêle à la fête avec l’arrivée sur les lieux du drame de Vaclav Branco en somptueuse décapotable. Vous avouerez que pour se protéger d'attaques de chiens furieux, une décapotable n'était pas la meilleure idée... 

Il y a un toujours un réel plaisir à regarder ce genre de production, si on a une heure à perdre, et constater que le réalisateur prend les choses très au sérieux. Pas une once d'humour ou de dérision. Le seul suspens consiste à se demander : la prochaine scène sera-t-elle aussi mauvaise que la précédente. Tout tient sur les chiens, dont les poils deviennent gris acier lorsqu'ils sont possédés, ils sont l'attraction principale, d'ailleurs c'est écrit dans le titre, il n'y a pas tromperie sur la marchandise.

La fin reste ouverte à une suite, lorsqu'on voit ressortir de terre, où il avait été enterré par Drake père et fifille, leur chiot tout trognon sur lequel Zoltan s'était fait les dents. La petite boule de poil a les yeux luminescents... Tin tin tin ! Le fils de Zoltan, la revanche du retour ? Par pitié, non !

 

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Claude, Pat, Bruno, Benjamin et tout les anciens chroniqueurs se joignent à moi pour vous souhaiter une bonne année, c'est pas facile pour tout le monde, mais bon, on n'est pas les plus malheureux... Et merci de votre fidélité. Pour ma part, j'ai déjà dans les tuyaux du Garnett, du Welles, du Capra, donc de très bonnes bobines en perspective. Je sais, ça ne vaut pas Zoltan...

 

couleur  -  1h23  -  format 1:1.66    

4 commentaires:

  1. Oui les films de la Toussaint existent : "La Nuit des Masques", Hallowwen II, Halloween III, Halloween IV - Le Retourn, Halloween V - La Revanche, Halloween VI - La Malédiction, Halloween Kills, Halloween Ends. Mais aussi Hocus Pocus, "Le chien d'Halloween", Scoobidoo, Tales of Halloween, Trick 'R Treat, Trick or Treat (pas le même), Sleepy Hollow. Et bien d'autres films d'auteur.

    En ce qui concerne Pâques : Easter Bunny Bloodbath, "Joyeuses Pâques", L'école des Lapins, Les Valseuses, Hop, Le chien qui a sauvé Pâques, Hank and Mike, Bunny Operation Pussy, "Un génie, deux associés, une cloche", Casse Noisette. Et bien d'autres films d'auteur. 😊

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  2. "Bunny opération pussy" je crois que je l'ai chroniqué, ça ne parlait pas de lapin en chocolat...

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    1. Naannn... mais y'a un gros lapin... qui passe de maison en maison.

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    2. C'est par là : https://ledeblocnot.blogspot.com/search/label/Fantastique%20%2F%20SF?updated-max=2016-08-08T05:30:00%2B02:00&max-results=20&start=41&by-date=false
      (chronique du 24.06.2016)

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