vendredi 11 septembre 2020

EFFACER L'HISTORIQUE de Gustave Kervern et Benoît Delépine (2020) par Luc B.

 


Comme d’habitude avec le duo Gustave Kervern / Benoît Delépine, les premières minutes piquent un peu les yeux. Une image granuleuse, du Super 16 mn qui plus est développé en scope. Sur grand écran on a l'impression de mater le film derrière un rideau de grêle. N’importe quel téléphone donnerait une image meilleure que cela - d’ailleurs sont intégrées dans le film des images issues du portable d’un des personnages, et on voit la différence - mais les réalisateurs persistent dans ce style. Le refus du numérique est une chose, mais on ne va pas rev'nir au Super 8 ! Le mixage du son étant dans la même veine, avec parfois une post-synchro plus qu’approximative…  Est-ce pour faire plus près du peuple ?

Mais rapidement, ce qui l’emporte, ce sont les personnages et leurs péripéties. Rapidement, c’est un peu vite dit, ça ne décolle pas tout de suite. Mais une fois la mécanique lancée, on se délecte des aventures de ces trois pieds nickelés contre les GAFA.

A savoir Marie, victime d’un chantage à la sextape un soir de beuverie. Le maître chanteur (excellent Vincent Lacoste) réclame 10 000 euros, somme qu’elle ne peut pas réunir, d’où l’idée de se rendre dans la Silicon Valley armée de sa clé USB pour retirer le fichier vidéo du data center ! Elle a pour voisin Bertrand, surendetté, dont la fille ado est victime d'harcèlement sur Facebook, il cherche à coups de lettres recommandées à faire effacer les bandes. Bertrand est secrètement amoureux de Miranda, une téléconseillère basée à l’Ile Maurice (« Miranda, qui vend des vérandas ») à la voix ensorceleuse. Et puis Christine, addict aux séries télé en désintox, chauffeuse VIP, qui ne comprend pas les notes 1 étoiles postées sur son profil.

Trois personnages paumés qui se sont connus gilet-jaune sur un rond-point, dans le Nord, victimes d’un monde dominé par le numérique aussi absurde qu’inhumain.

Pas de remplissage, chaque scène est prétexte à la comédie, souvent amère, et empile les idées. Autant la mise en scène est souvent foutraque (plans longs, mais cadrés très proche), autant le scénario brille de mille trouvailles et péripéties, souvent rocambolesques, comme ce hacker (joué par Bouli Lanners) clandestinement installé au sommet d’une éolienne ! Une des rares scènes joliment filmée. Tout se tient, toujours sur le fil, comme l’histoire de la latte du sommier de Marie dont elle attend la livraison avant de pouvoir vendre son canapé.

Parmi les seconds-rôles, celui de Philippe Rebbot qui vit aux crochets des allocations, se fait dorloter par des aides ménagères aux frais du contribuable, Vincent Lacoste donc, qui joue à la pétanque avec un casque de réalité virtuel, Michel Houellebecq, Vincent Dedienne, Jean Dujardin en tueur de panda (en photo !), on retiendra la participation savoureuse de Benoît Poelvoorde en le livreur Alimazone, pétrifié à l’idée que ses patrons apprennent qu’il a accepté un café chez Marie.

Une comédie est là pour forcer le trait. C’est une avalanche d’emmerdes qui tombe sur ces pauvres gens (la scène de Marie aux USA victime d’un vicieux, avec le traducteur franco-anglais, est hilarante), les auteurs n’hésitent pas à aller au bout de leurs idées, ou plutôt à accompagner leurs personnages au bout de leurs missions respectives, avec un regard à la fois tendre et cassant. Les gags et répliques fusent (le serveur exclusivement consacré au sex-tape du Vatican !), une fois le rythme trouvé, il ne faiblit pas.

On peut trouver la blague énorme (et quelques gags potaches) la morale un peu facile, être réfractaire au style Kervern / Delépine, n’empêche, ils touchent juste, on rit, jaune, mais on rit. Et du malheur des autres, ce qui est encore mieux !

💬  la semaine prochaine, changement de style (c'est peu dire) avec l'évènement ciné de l'année : TENET de Christopher Nolan  💬 


couleur  -  1h45  -  format scope 1:2.35

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