Voici
l’exemple type du petit film américain indépendant. Réalisé avec trois sous
mais pas mal d’idées. Et un sacré parti-pris : le plan-séquence. Donc si
vous jetez un œil sur la bande annonce, cela ne vous dira rien de ce qu’est THE
CLIMB, puisque cette bande va piocher (comme c’est hélas souvent le cas) des p’tits
bouts de scènes ici ou là, qui ne traduisent absolument l’ambiance générale.
Le
film est découpé en 9 chapitres, donc 9 séquences, réalisées à chaque fois en
un seul plan. Ce qui ne veut pas dire plans fixes longs et chiants, la caméra
est sans cesse en mouvement, sans donner le tournis. Ce qui aurait pu n’être qu’un
exercice de style, se révèle en réalité un formidable dispositif comique. On a l'impression d'être devant de l'improvisation, mais au contraire, tout y est millimétré, dialogues, mouvements d’appareil. Une fois qu’on a pigé le principe, on sait
comment commence un plan, mais jamais quand et comment il va s’arrêter.
L’histoire
est simple, celle de Kyle et Mike, deux amis inséparables, et c’est justement
là le drame. Puisque Mike est assez chiant, mauvais, un morpion toxique,
fouteur de merde, l’entourage de Kyle l’incite à s’en séparer, mais voilà, c’est
deux-là sont amis…
THE
CLIMB est réalisé par Michael Angelo Covino (inconnu au bataillon, c’est son
premier film adapté de son propre court-métrage) qu’il a co-écrit avec Kyle
Marvin, et ceux sont eux qui jouent les premiers rôles. En gardant leurs prénoms.
Ca fait penser à la méthode Lelouch, on y pense parfois (en moins brouillon) entre autres références. Michael Angelo
Covino avoue son attirance pour l’Europe, le cinéma français en particulier,
cette histoire d’hommes n’est pas sans rappeler l’univers de Claude Sautet (Mike va dans un cinéma qui diffuse CÉSAR ET
ROSALIE) la bande-son est elle aussi franco-américaine. Covino est aussi un fou
de vélo, du Tour de France, il a vécu chez nous, et il situe sa première scène dans le col
de Vence.
Kyle
et Mike sur des vélos, suant, grimpant le col, Kyle racontant à son pote sa
joie de se marier avec Ava (une française, Judith Godrèche) la femme de sa vie,
la vraie, la seule, il est tout à son bonheur quand Mike lui lâche : « J’ai couché avec elle ».
L’autre est furax, tente d’accélérer pour rattraper son pote, n’y arrive pas, Mike
explique : « C’est pour ça que j’ai attendu la montée pour te le dire ! ».
Cette première séquence est aussi un tour de force, les acteurs jouent et pédalent sans possibilités de trucage, doublure, ou plan de coupe. Puis arrive la 2 CV rouge et le conducteur irascible… Généralement chaque séquence se conclut par une catastrophe !
Évidemment,
après un aveu pareil, et la scène à l'hôpital qui suit, le mariage est annulé. Puis arrive la
séquence au cimetière, excellente. Solennel, le prêtre annonce : « entendez
les trompettes de l’ange Gabriel... » alors que le moteur d’une pelleteuse se met
en route et couvre le sermon ! La caméra, très mobile, s’en va cadrer
Kyle qui arrive au loin, on revient vers le prêtre qui demande « le mari veux dire un mot ? » et c'est Mike sort du groupe (donc c'est lui le veuf) se place derrière le cercueil, la caméra change légèrement d’angle
pour faire entrer dans le champ un portrait de l’épouse défunte : je ne dirai pas qui, mais ! Et comme plus tôt avec la 2 CV, la suite va sévèrement
dégénérer, parce que Mike est vraiment un vrai con.
Voilà
un plan séquence qui n’est pas simplement une prouesse technique, mais qui
donne les infos au compte-gouttes, en continu, le spectateur étant comme
inviter à participer à la scène. Un film fait seulement de 9 plans signifie aussi des transitions réfléchies, des ellipses de temps (que l'on découvre au fur et à mesure) puisque l'histoire se déroule sur 4 ou 5 ans. La dernière transitions entre la salle de cinéma, et l'église est étonnante !
Je
ne vais pas vous raconter les autres séquences, certaines purement comiques (l’enlèvement
où les ravisseurs se disputent pour savoir qui prendra la voix de Batman !)
d’autres douces-amères, et ponctuées parfois par un final musical surréaliste,
des ouvriers entamant un gospel, ou ce groupe qui apparait lors d’une partie de
pêche sur glace. Il y a une longue séquence pour Thanksgiving chez la famille
de Kyle, filmée en intérieur. Puis la caméra sort, va jusqu’à une voiture où on
voit Mike se donner du courage en avalant une demi bouteille de whisky, et
rejoindre la fête, mais cette fois filmée depuis l’extérieur, par les fenêtres.
On remarque que les personnages ne sont pas habillés pareils…
On
a sauté un an, sans que le plan ne soit coupé : les fameuses ellipses de temps !
Ces prises de vue
par les fenêtres rappellent le plan séquence inaugural de LE PLAISIR (Max
Ophüls, 1952) et à mon avis ce n’est pas un hasard. THE CLIMB lorgne du côté de
Woody Allen par les portraits acerbes, vers le Robert Altman de SHORT CUTS, NASHVILLE,
lui aussi adepte des plans séquences et film-chorale, on pense aussi à John Cassavetes
et ses films sur l’amitié masculine.
Voilà
un film original, inventif, drôle, non dénué d’une absurdité poétique à la
Jacques Tati, parfois (souvent) cruel.
couleur - 1h35 - format 1:2.00
Ça m'a l'air pas mal du tout ce film! Donc tu trimbales ta carcasse dans les salles obscures...Respect! Comment ça se passe? Un fauteuil d'espace? Le masque pendant 2 plombes? Tu fais comment avec le coca et le pop corn?...
RépondreSupprimerQuestions pas innocentes, je vise Tenet de Nolan le 26, et puis la clim' quoi...
J'ai la chance de fréquenter en banlieue des salles dites "arts et essais", à proximité de chez moi. Pas d'exclusivités, pas de pop corn, peu de monde, sauf quelques retraités le dimanche après midi (que je bouscule dans l'escalier, sinon ça cause pendant deux heures). Masque à l'entrée, un siège vide entre les spectateurs (on est royalement 12 sur 80 sièges), après j'enlève le truc, sinon avec la buée sur les lunettes je ne vois pas les sous-titres ! Prochaine séance mercredi, un film iranien. On sera trois. Avec ma femme.
RépondreSupprimerEt oui je trimballe ma carcasse, je ne conçois pas le cinéma en dehors des salles du même nom. Y'a d'autres médias pour voir des films ?
"Tenet" va me tenter, forcément (bien que je n'ai rien pigé à "Inception" qui m'a fait chier), le plus gros budget depuis George Méliès, mais je n'oublie pas que Nolan a fait circuler la version d'origine en 70 mn de "2OO1" que je suis bien évidemment allé revoir, même si ses Batman m’emmerdent à mourir.
Mouais...Il fait partie des qq uns dont la sortie des films me pousse à foutre le nez dehors: Tarantino, les Coen, W Allen, Ridley Scott, Clint, Malick (non, plus Malick)...Tjrs pas vu Blow Up? Tu sais pas ce que tu rates. J'te paris que quand tu l'auras vu tu vas nous pondre 30 pages...
SupprimerBlow-up d'Antonioni ? Bah si je l'ai vu ! Et Blow-out aussi, de de Palma !
RépondreSupprimerMalick, j'en ai laissé passer quelques uns, mais je suis allé voir le dernier.
à l'affiche, on est certain qu'il s'agit d'un film français ; à lire la chronique, on pourrait croire avoir affaire à un film anglais.
RépondreSupprimerQuoi qu'il en soit, j'ai hâte d'avoir l'occasion de le voir.
("Blow-Up" : avec la fameuse séquence où un fatigué nerveux en futal blanc piétine sa gratte sur scène ... )
Y'a pas que ça dans Blow Up: Ça nous parle de la futilité de l'urgence (en tant que priorité), du manque de recul (plus que jamais d'actualité avec les réseaux sociaux), de la tromperie de l'image (plus on l'agrandit, moins elle est lisible) et surtout ce film m'a ouvert l'univers d'Antonioni!
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