- Sonia, tu
t’es fait virée du Blog par Luc ! 😊
- Mais non, t’es bête, j’ai réorienté mon
devenir professionnel vers une fonction encore plus immergée dans le monde des
arts… Maintenant je travaille à l’Opéra !
- Alors là,
c’est le pompon. Sonia tu t’y crois… Bon, tu me feras quand même passer cette
chronique au Toon pour qu’il la mette en publication quand tu iras prendre un
déca avec lui.
- Humm…
Madame Bâ ? Bof…
Fleuve Sénégal |
Et oui, Madame
Bâ. Née Marguerite Dyumasi. Une Soninké du Mali
qui, dans un récit à la première personne, nous entraîne dans un somptueux, et
parfois bien amusant, voyage en Afrique. Ce
récit est en fait un long monologue à l’adresse de Benoît (Maître Fabiani)
qui l’assiste pour remplir un formulaire CERFA d’obtention de visa pour un
court séjour en France.
Marguerite naît en
1947. Le récit de sa naissance est assez piquant, un peu comme son grand nez
pointu. Future grande fille peut-être pas particulièrement belle, mais qu’on
voit bien avec beaucoup de prestance, avec ce grand nez qui lui permet d’avoir
un odorat extrêmement développé. Il y aura tout au long de cette histoire des
odeurs, des senteurs, des parfums, des remugles qui auront été mémorisés par Marguerite au cours de sa vie (une marguerite, entre nous, ça ne sent pas
très bon…). Les Dyumasi n’habitent
pas loin de la frontière avec le Sénégal, au
sud du Mali du côté de la ville de Kayes. Ousmane,
le papa, est l’adjoint du directeur de la centrale électrique sur le fleuve Sénégal, barrage qui a été décidé et construit par
les Blancs dans les années 20. D’ailleurs le père d’Ousmane, Abdoulaye, dit
« Chemin des dames » à son retour de la
Grande Guerre, a travaillé à la construction de cette centrale. Des liens
étroits avec le fleuve donc. Fleuve que Marguerite
aime pour ses caprices et ses colères qui le font largement déborder, comme
pour son calme. Mariama, la maman,
est une « traditionaliste », une qui connaît l’histoire et les leçons utiles
que l’on peut en tirer pour le présent. Marguerite
est l’ainée d’une famille de 12 enfants.
Mairie de Kayes (photo : Mousssa Niakate) |
Marguerite Dyumasi
rencontre pendant sa scolarité un très beau jeune homme, un Peul, Balewell
Bâ. Mais les Peuls sont des nomades et également des éleveurs. Quel métier
pour Balewell ? Comment assouvir son
amour pour les vaches ? Vous verrez, Marguerite
avec beaucoup d’humour et d’inventivité trouvera les réponses satisfaisantes à
ces questions et formera avec son Balewell
une belle famille avec beaucoup d’enfants. 8 bébés en 10 ans. Evidemment avec
une vie comme ça, bien que bien démarrées, les études sont interrompues assez
vite. Mais Madame Bâ a une très
bonne maîtrise de sa langue et obtient une capacité en droit. Goût de la
précision des termes juridiques et des formalités.
(photo : Mousssa Niakate) |
Madame Bâ sera une
femme heureuse, épanouie, puis malheureusement une veuve. Bon. La vie continue.
Il faut travailler pour élever ses enfants. Un peu d’enseignement, et surtout
un recrutement à la Haute-Délégation
Franco-Malienne pour le co-développement. Franche, directe, pleine de
bon sens et surtout connaissant bien son pays, elle sera pour le Haut Délégué Général une aide
précieuse. Affectée à la gestion administrative, elle contribue à l’analyse des
demandes de subvention. Cette activité relève du grand art : les demandes sont
plus ou moins farfelues comme par exemples une autorisation pour « copier
légalement » des polos Lacoste ou une subvention pour financer l’achat d’une
mobylette pour livrer des œufs… C’est plein de candeur et de délicatesse : on
ne se moque pas de ces envies de « business » un peu toutes foutraques. A une
autre échelle car le co-développement ne vise pas que ce que l’on appelle
aujourd’hui des micros-entreprises, Madame
Bâ avec son Délégué Général verra l’inauguration d’un échangeur routier au
milieu de nulle part. Elle décortiquera aisément le montage financier qui fait
que les subventions s’éparpillent dans le sable pour ne laisser qu’un pauvre
édifice inutile et mal construit. Difficile le co-développement.
Dans sa vie professionnelle, Marguerite Bâ aura également l’occasion de nouer une relation
amicale avec une jeune agent consulaire à l’ambassade de France, Florence Launay. Elle l’accompagnera
dans sa découverte de la réalité de la vie dans ce beau pays africain : il est
très difficile de lutter contre la fraude à l’état-civil et le trafic de
passeports.
Et puis, il va y avoir une quête. Une impérieuse
nécessité pour Marguerite d’aller en
France retrouver son petit-fils Michel, recruté en junior pour
apprendre à jouer au foot, le foot qu’elle qualifie de divertissement de
fainéants. Un voyage Homérique (du fait de l’absence d’obtention du fameux
visa) avec des rencontres très variées, des modes de transports très africains
pour une tentative d’aller le plus au nord possible par la route… Je vous
laisse découvrir, avec un verre de boisson fraîche et un ventilateur car il
fait très très chaud.
Peut-on présenter Erik Orsenna de l’Académie
française en quelques mots ? Difficile pour moi. Un homme au parcours
riche et diversifié, ancien de Sciences Po, enseignant et chercheur en économie
du développement dans les années 70, il devient haut fonctionnaire au ministère
de la coopération puis conseiller culturel de François Mitterrand dans les
années 80, maître des requêtes au Conseil d’Etat, membre du Haut Conseil de la
Francophonie et plus récemment soutien d’Emmanuel Macron pour les
Présidentielles… Côté écriture, je dirai juste qu’il sait depuis longtemps nous
immerger dans les anciennes colonies françaises (L’Exposition
coloniale ; prix Goncourt 1988) mais qu’il a aussi la faculté de nous
faire virevolter avec notre langue (Plaisirs secrets de la grammaire et autres
promenades au cœur de la langue française). Et tant d’autres ouvrages…
Bonne lecture !
512 pages Le Livre de Poche, Fayard
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire