- Le
chevalier à la rose ? C'est un ballet, un opéra d'après un conte de fée Claude
? Richard Strauss, Zarathoustra ou Salomé l'opéra sanguinolent !!
- Un opéra
sentimental Sonia… Un mélange entre les opéras bouffa de Mozart et l'univers de
la Vienne du XVIIIème siècle, amusant, touchant, une musique de rêve…
- Et vous ne
commentez pas tout l'opéra ?
- Non, je
n'ai pas le pep en cette période difficile de rédiger une chronique de 4000
mots ; nous écouterons cette très belle suite symphonique…
- En rapport
avec l'argument de l'opéra je pense…
- Bien
entendu : les plus beaux airs, le monde de la valse, les chassés croisés
amoureux…
Octavian et Sophie (Toulouse - 11 mai 2008) |
Il fait dès ses débuts marquants dans l'art lyrique appel à des écrivains
majeurs pour les livrets : Oscar Wilde
pour Salomé, puis Hugo von
Hofmannsthal, écrivain autrichien de premier plan, influencé par
la psychanalyse freudienne et la pensée de Nietzsche ;
considéré comme un précurseur de l'existentialisme qui sera le fondement de
l'œuvre de Sartre. Il a déjà écrit
le livret pour Elektra, second opéra
composé en 1906-1908. Il sera aussi l'auteur des livrets : Ariane
à Naxos (1912-16), La Femme sans
ombre (1914-17), Hélène d'Égypte
(1927) et Arabella (1932). Hugo von
Hofmannsthal meurt en 1929.
Pour son opéra La femme silencieuse de
1935, Strauss fera aussi appel à Stefan Zweig. Hofmannsthal et Zweig
sont juifs, les nazis n'apprécieront guère, mais le compositeur est un dieu
vivant pour la musique allemande et pourra se permette d'envoyer balader la
censure de Goebbels…
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Christof Fischesser (Baron Ochs) & Sabine Devieilhe (Sophie) (c) Zurich Opera |
L'ouvrage donne le beau rôle aux femmes : La maréchale,
quadragénaire de grande noblesse et au cœur généreux même si amateur de jeunes
hommes, Sophie
qui se rebelle contre les mariages arrangés. Ici par son père, bourgeois cupide qui veut
ajouter une pincée de noblesse à sa famille en forçant Sophie à épouser le comte Ochs,
stupide, vaniteux et adepte du passéiste droit de cuissage. Deux hommes bien
antipathiques… Ochs
étant un prédateur sexuel avant l'invention du mot !
La Comédie Lyrique est terminée en 1911. On a reproché
certaines longueurs, le recours à trois rôles féminins principaux et seulement
deux rôles masculins dont un secondaire.
Reste que la musique est splendide, pleine de drôlerie. Le Chevalier à la rose est l'un des opéras
les plus joués depuis sa création au Königliches
Opernhaus de Dresde le 26 janvier 1911
sous la direction d'Ernst von Schuch.
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Von Hofmannsthal & Richard Strauss (1915) |
Petite tradition oblige : de la part du baron, un
jeune chevalier doit porter une rose d'argent à la promise (la même fonction
que la bague de fiançailles de nos jours). La Maréchale suggère qu'Octavian assure cette mission.
Ah là là, Octavian
a le coup de foudre pour la donzelle… C'est assez réciproque et Sophie
supplie Octavian
de l'aider à échapper au mariage avec ce butor de Ochs… lâche, vulgaire et prompt
à culbuter la première soubrette venue. C'est par ce point faible que les
femmes et le jouvenceau vont faire chuter le baron. Il y aura maintes
péripéties dont un duel entre Octavian et Ochs qui s'en sort avec une
estafilade… Tout le monde est écœuré par la suffisance d'Ochs et de M. Faninal qui ne voit que son
intérêt. Ochs
se remet bien vite car un billet l'invite à une soirée en galante compagnie…
Ochs se
précipite à sa soirée coquine, mais ne reconnaît pas vraiment Octavian
déguisée en coquette. Trop tard, la nasse se referme, des complices de La Maréchale
surgissent : une fausse épouse, une nuée de marmots qui crient "papa", ses créanciers.
Ochs ridicule
et humilié s'enfuit.
Restés seuls, Octavian et Sophie roucoulent en compagnie
de La
Maréchale, triste de perdre son amant mais pas jalouse d'avoir
offert le bonheur aux deux jeunes. Le vaudeville se termine sur un trio de voix
féminines parmi les plus tendres, sensuelles et un soupçon mélancolique de
l'histoire de l'opéra.
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·
La Maréchale (soprano).
·
Octavian (Mezzo-soprano) ; un rôle de travesti dans la pure
tradition des opéras bouffe chers à Mozart (Chérubin dans les noces de Figaro).
·
Sophie Faninal (soprano).
·
Le baron Ochs auf Lerchenau, cousin de La Maréchale
(basse).
·
M. Faninal (baryton).
L'orchestre est très
fourni mais jamais employé puissamment à la mode wagnérienne :
3 flûtes + piccolo, 3 hautbois + cor anglais, 3 clarinettes
(différentes tessitures + clarinette basse), 3 bassons + contrebasson, 4 cors,
3 trompettes, 3 trombones, tuba basse, timbales, grosse caisse, triangle,
tambourin, glockenspiel, crécelle, tambour, caisse claire, cloches,
castagnettes, célesta, 2 harpes et cordes.
Hors scène : 2 flûtes, 1 hautbois, 3 clarinettes, 2
bassons, 2 cors, 1 trompette, tambour, harmonium, piano et cordes.
Il existe trois suites, deux de la main de Adolf Fürstner réunissant des valses,
publiées vers 1911 mais que Strauss lui-même n'aimait pas. En 1945, Strauss
est fauché dans une Allemagne en ruine où les droits d'auteur diminuent… Il
arrange cette suite ; un pot-pourri des meilleurs airs. La courte valse finale,
un peu superflue à mon sens, est d'Artur Rodzinski,
un chef qui donna un coup de main au compositeur âgé de 81 ans. La suite fut
créée à Vienne en septembre 1946
sous la direction de Hans Swarosky.
Nous l'écoutons sous la baguette légère et alerte d'Andris
Nelsons…
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Sophie valsant avec Ochs (cache ta joie jeune fille😄 ) |
* Con molto agitato : Strauss commence sa suite assez
logiquement par la courte ouverture de l'ouvrage. Une introduction enflammée
décrivant le réveil enjoué de La Maréchale et du jeune Octavian. On imagine les
rires, le chahut dans les draps froissés après les exploits virils nocturnes du
fougueux chevalier. Vite le petit déj'… Moment intense de bonheur entre une
femme mûre et énergique et un jouvenceau qui peaufine son éducation
sentimentale. Strauss oppose des motifs fringants
et l'orchestration incandescente - trilles des cors, alacrité du phrasé aux
cordes – qui participe grandement à ce climat sensuel et passionnée. [1:44]
L'orchestre nous plonge dans un moment de tendresse, avec ce leitmotiv qui sillonnera tous l'ouvrage. Une seconde section enchaîne des motifs qui illustreront
les diverses péripéties au fil des trois actes à venir. [4:37] Une mélodie
d'une sensualité et d'une nostalgie intimiste se développe avec la présence insistante du
célesta, des harpes et de quelques discrètes percussions. Pour enrichir son
propos, Strauss énonce déjà la
musique qui accompagnera La Maréchale,
Sophie et Octavian dans la scène finale, l'une des pages lyriques les plus
accomplies du compositeur.
* Allegro molto [9:30] :
Passage plus frénétique pour évoquer la brutalité et l'arrogance d'Ochs. On peut noter l'habileté avec
laquelle Strauss distribue
l'orchestration de pupitre en pupitre sans jamais déborder vers un pathos tel
que l'on entend si souvent chez un Liszt
dans ses poèmes symphoniques.
* Tempo di Valse, assai comodo da
primo [10:17] : Étrange valse en trois sections. La
première section énonce une danse délicate avec un solo de violon gracieux
précédé et suivi d'échanges espiègles des bois, principe de solo que l'on
entendait déjà dans une
vie de Héros. [12:36] seconde section : La danse gagne en
vivacité, la soirée s'anime, on pensera à la famille des Johann
Strauss (un anachronisme, mais quel hommage à l'art de la valse
viennoise). [14:41] dernière section : le rythme de valse se dilue pour laisser
place à une mélodie moins rythmée, symbole de l'épanchement des sentiments.
* Moderato molto sostenuto [15:50]
: l'épanchement des sentiments est bien le mot pour ce passage qui enchaîne les
thèmes symbolisant l'amour sincère entre La Maréchale et Octavian ou Sophie et Octavian. Strauss
distille avec finesse un érotisme sous-jacent à cette tragi-comédie. La
quintessence de l'œuvre traverse ce mouvement qui, à mon sens, aurait dû
s'achever ici, entre passion débutante et tristesse de la femme délaissée mais
consentante, Octavian quittant une
mère-amante pour une jeune fille de son âge ; Freud
es-tu là ? …
* Schneller Walzer. Molto con moto [22:31]
: Une courte et frénétique valse dans laquelle manque la patte du compositeur
par l'absence de légèreté conclut la suite. (Partition)
La direction d'Andris Nelsons
est exemplaire de clarté et de dynamisme. Jamais le jeune chef ne se laisse
piéger par les lourdeurs germaniques si fréquentes dans l'interprétation de la
musique colorée de Strauss. Au disque, cette suite est
souvent un complément d'une œuvre plus ambitieuse dans la discographie.
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