mardi 24 mars 2020

UN SOIR DANS LE PARC DE WALDBÜHNE - par Pat Slade





Le classique s’est toujours acoquiné avec tous les genres de musique… à moins que ce soit les autres genres qui aient des accointances avec lui, et le jazz ne déroge pas à la règle.



Seiji Ozawa, Marcus Roberts, le duo gagnant.





Tous ceux qui connaissent mes goûts en matière de musique classique savent que j’ai beaucoup d’admiration pour le chef japonais Seiji Osawa, le maestro qui détient le record de longévité au sein de l’Orchestre Symphonique de Boston avec 29 années de baguettes (Il bat le chef Russe Serge Koussevitzky de 4 ans). Un chef avec du charisme, toujours souriant, pétillant, qui sait déchaîner les foudres dans ses interprétations, qui ne tient pas en place sur son estrade et qui s’amuse comme un gosse au vues de certaines vidéos.
Comme chaque année, un soir de juin  2003 dans le parc de Waldbühne, le théâtre de verdure de Berlin, des milliers de personnes vont se déplacer pour écouter le Berliner Philharmoniker et le Marcus Roberts Trio dans une soirée consacrée à Georges Gershwin. Marcus Roberts est un pianiste aveugle depuis l’âge de cinq ans. Il commencera à étudier l’instrument à 12. Son style est enraciné dans un jazz traditionnel du passé comme Fats Waller ou Bill Evans. Entre le ragtime, le piano stride, il aura plutôt tendance à jouer du Scott JoplinL’Arnaque») ou du Duke Ellington. Mais il est aussi un compositeur reconnu. En 2013 l’Orchestre Symphonique d’Atlanta lui passera une commande et il composera son «Spirit of the Blues : Piano Concerto en ut mineur». En 2012 il fonde The Modern Jazz Génération, il sera le directeur artistique associé du Savannah Music Festival ainsi que directeur du concours annuel de fanfare du lycée Swing Central. Il fait partie de la faculté de l'État de Floride. En 2012 il va crée le Marcus Roberts Trio.


Depuis longtemps, on sait que Seiji Ozawa est attaché à la musique américaine, n’oublions pas qu’il a fait ses classes auprès de Leonard Bernstein dans les années soixante au New York Philharmonic et surtout il affectionne Georges Gershwin, c’est le compositeur qu’il a choisi en 2002 pour son concert d’adieu au Boston Symphony Orchestra et il avait également choisi le pianiste de jazz Marcus Roberts.

Et en ce soir de 2003, Ozawa a convié Marcus Roberts à faire le bœuf avec lui. Nous sortirons d‘une musique classique conventionnelle pour une interprétation jazzy de ces partitions archi-connues. «Un américain à Paris», «Rhapsody in blue» et le «Concerto pour piano en fa majeur» et la combinaison insolite entre le talentueux trio de jazz et le Berliner Philharmoniker donne un spectacle vigoureux et bourré d’énergie. Je ne pense pas que ce mélange aille à l’encontre de l’esprit de Gershwin même si, à l’époque, on lui avait reproché d’être le roi du jazz blanc plutôt petit bourgeois qui aurait exploité les racines noires de la musique héritée de l’histoire de l’esclavage et quand un chef japonais fait entrer un trio de jazzmen survolté et black de surcroit, il fait indiscutablement avancer le débat.

«Un américain à Paris» sera fidèlement rendu par le maestro, pour «Rhapsody in Blue» le trio entre en scène, s’approprie et réinvente la partition. Dès la deuxième minute, le trio part dans une improvisation délirante jusqu'à reprendre le train en marche quatre minutes plus tard. Le batteur Jason Marsalis et le contrebassiste Roland Guérin assure un max derrière leur leader. Mais à ne pas mettre entre les oreilles des puristes de Gershwin qui n’entendront qu’une cacophonie. Il est vrai que tu as l’impression que Marcus Roberts par carrément en free style se foutant royalement de l’orchestre et de la partition devant un Seiji Osawa songeur face à ce pianiste de talent alors que lui-même du abandonner cet instrument après, étant enfant, s’être cassé le petit doigt en jouant au football. 
Une puissance qui va se confirmer avec le «concerto en fa», à croire que ce n’est plus un concerto pour piano et orchestre, mais pour trio jazz et orchestre. Malgré les quelques touches d’improvisation, on garde le respect du thème sans jamais dénaturer la partition.

La suite sera des pièces courtes du compositeur américain comme «Strike up the band» et surtout un «I got Rythm» de toute beauté ou Osawa, assis sur son  estrade, s’amusera à jeter un œil sur la dextérité du contrebassiste pendant son solo. Roberts y jouera une de ses compositions «Cole after Midnight». La soirée se terminera par «Berliner Luft» du compositeur Allemand Paul Lincke le père de l’opérette berlinoise où le public pourra participer comme avec la « Marche de Radetzky» de Johann Strauss père.

Si le programme vous intéresse, vous pourrez le retrouver sur un DVD (ref.2053098) réalisé par Andreas Morell chez Euroarts une enseigne spécialisée dans la réalisation de film sur la musique classique.



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