Nouvel élément apporté au chapitre des perles oubliés des 70's. Chapitre réservé aux bafouilles sur ces groupes qui ont disparu après avoir réussi à enregistrer et à sortir le fameux premier disque. Le but ultime, l'Eldorado, la Terre Promise, hélas atteint au prix de pénibles et douloureux efforts et qui souvent a servi à donner le coup de grâce à des jeunes dont la tête était pleine de rêves et d'espoir. Qui se sont souvent retrouvés éreintés par des années de galères, de mauvaise nutrition et de nuits écourtées.
Néanmoins, cette fois-ci, un des membres du groupe a eu l'opportunité de poursuivre une carrière exemplaire dans ce monde sans merci du music-business, tandis que les autres ont tout de même réussi à tirer leur épingle du jeu (du moins, pour un temps). En effet, peu après l'aventure avortée de cette obscure petite formation, Vinny Appice, frère de Carmine, l'un des batteurs les plus réputés dans la sphère du Rock (présent sur plus d'une soixantaine de sceuds), rejoint Black Sabbath en 1980 pour prendre en urgence la place laissée vacante par Bill Ward. Epoque où le quatuor de Birmingham avait pris un nouvel élan avec Ronnie James Dio. Et lorsque ce dernier, lassé des guitar-heroes dictatoriaux, part en quête de plus de liberté, il entraîne à sa suite le jeune Vinny qui deviendra le musicien le plus présent dans la discographie de Dio.
Si, à sa sortie, "It's A Circus World" fit un flop, il est depuis devenu un de ces disques cultes que l'on retrouve bien souvent dans les playlists avisées centrées sur les années 70. Certes, la présence de Vinny Appice y a considérablement contribué. Cependant, la renommée d'un musicien, quel qu'il soit, ne suffit pas à asseoir celle d'un disque. Factuellement, il est tel un projecteur mettant en lumière un passé, mais encore faut-il qu'il y ait matière à s'y attarder. Ici, indéniablement, c'est le cas, et à l'écoute, on reste consterné à l'idée que ce disque a été un échec cuisant.
A la sortie de cet album, Vinny n'était déjà plus un novice grâce à Rick Derringer en personne, qui l'avait recruté pour son projet baptisé ... Derringer. L'imposante aura et réputation de son frère aîné Carmine, ne serait pour rien dans cette opportunité inespérée de rentrer directement dans le monde de professionnels aguerris, dont le seul nom ouvre de nombreuses portes. , L'ancien lieutenant de Johnny Winter aurait été emballé à l'écoute d'une cassette de démo. Oui, mais qui aurait remis cette cassette entre les mains de Derringer ? John Lennon, qui avait pris le jeune batteur en sympathie ? Ou simplement le frérot ? (1)
Enfin, lorsqu'en 1974, Vinny est invité à rejoindre Rick Derringer, il l'invite à descendre en Louisiane pour voir et écouter le trio, Axis - qu'il a rejoint depuis peu - à l'oeuvre. Curieux, il accepte. Quelques jours après l'expérience, le guitariste et fondateur d'Axis, Danny Johnson, reçoit un appel l'invitant à rejoindre Derringer à New-York, pour assurer la guitare rythmique et les chœurs.
Ainsi, Vinny Appice et Danny Johnson apprennent le métier à bonne école, auprès de personnes expérimentées (2) et un staff professionnel. Ce qui n'est pas donné à tout le monde. Environ deux années intenses de concerts et d'enregistrements studio - avec deux albums studio et un live -, où ils sont directement plongés dans le monde "larger than life" du music-business américain. Avant qu'il ne soit invité à rejoindre le groupe à New-York, Danny Johnson, qui n'avait jamais quitté son patelin en Louisiane, n'avait encore jamais vu de grands immeubles (de plus de 4 étages, d'après ses dires).
Au bout d'un temps, maintenant nantis d'une certaine expérience, Vinny et Danny préfèrent retourner à leur trio, et se jeter, seuls, dans le grand bain. Et puis, c'est la seule façon de ressentir cet air vivifiant de liberté et de satisfaction en jouant sa propre musique. En deux albums studio avec Derringer, Johnson, n'a pu caler que deux compositions. Ils s'engagent alors dans une direction moins rock'n'roll et plus heavy. .
Ils retrouvent leur compère, le bassiste Jay Davis à la basse, et relance Axis. Le trio ne perd pas son temps. Après avoir peaufiné son matériel à la maison (stricto sensu celle des Appice), il part pour quatre semaines au Record Plant de New-York sous la houlette d'Andy Johns. Pas moins. Inespéré pour le premier essai de petits nouveaux. Est-ce que l'exposition gagnée en accompagnant Derringer fut suffisante, ou bien est-ce que le seul nom d' "Appice" aurait suffi à ouvrir de telles portes ? Qu'importe. Le résultat est là : un album de pur Hard-rock, chaînon manquant entre un Heavy-rock US carré brutal des 70's et un autre plus flamboyant, émergeant à l'aube de la décennie suivante. La production d'Andy Johns (5) est plutôt bonne, suffisamment pour ne pas trop être marquée par son temps ; même si on peut lui reprocher d'avoir un peu soudé les instruments entre eux. En l’occurrence, la batterie qui avec son jeu énergique, groovy et alerte, aurait mérité d'être un peu plus détachée de l'ensemble, pour mieux en apprécier toutes ses nuances.
On découvre un Vinny Appice déjà fort habile, percutant et assez puissant. Qui n'a rien à envier au frangin. Il s'y dévoile d'ailleurs bien plus passionnant qu'avec Black Sabbath (aussi, le mixage du "Live Evil" ne le met guère en valeur). Voire même qu'avec Dio, car il s'autorise parfois ici quelques patterns qui sont à la croisée du funk et du heavy-metal.
Danny Johnson, qui jouit désormais d'une totale liberté d'expression, se révèle autant un robuste et fin rythmicien qu'un soliste inspiré, s'évertuant à faire coller ses chorus à la mélodie et/ou à l'atmosphère du morceau.
Sans réellement sortir des sentiers battus, tout en restant dans le giron d'un Heavy-rock Nord-Américain, les morceaux évitent les écueils de la resucée, exhibant un minimum d'originalité. Cela même s'il ose batifoler avec un Funk limite disco avec le très bon "Soldier Of Love". Oui, mais quelle rythmique. Joe Davis y fait preuve de sa maîtrise avec un solo de basse slappée (technique alors bien rarement usité dans le milieu hard-rock & Co). Dommage que le morceau soit cassé par un solo trop métôl, un brin démonstratif (le seul), totalement inadéquat. Une exceptionnelle faute de goût de l'album.
Ou encore, avec "Armaggedon", qui reprend dans les grandes lignes l'esprit funky et vif de "Sittin' by the Pool" de leur ancien groupe (Derringer) avec ce clinquant et ce tranchant tout fenderien.
Dans une bien moindre mesure, il y a "Train", vague mélopée métallique, qui a bien des allures du Scorpions ère Ulrich Roth.
Sans oublier "Circus World", qui sort le grand jeu pour finaliser l'album par un morceau plus ambitieux (bien que court). Alternant d'abord entre ballade désabusée et Power-pop, la production sort les violons pour un coda pompeux mais savoureux.
Appice, Johnson & Davis |
A l'exception donc de ces trois trublions, le répertoire se situe bien dans la mouvance du Hard-rock Nord-Américain, qui se veut viril, assez carré, un poil bravache et lourd. Chromé sans être rutilant.
Quelque part entre Ted Nugent, Moxy, Goddo , Dirty Tricks, Bedlam et Starz, et un côté carré qui anticipe la dérive vers une forme de Heavy-Metal semblabe à celle développée par Y & T. Parfois, au détour d'un break ou d'un pont, surgissent quelques mouvements plus Boogie, dans la direction d'un Foghat (alors très populaire aux USA). Côté chant, Danny Johnson est loin des hurleurs, ou même des (blues)-shouters. Son chant bien plus mesuré, ainsi que sa tessiture vulnérable, le rapproche plutôt d'un gars tel que Derek St Holmes. Même si Danny est moins expansif, plus timide. Un chant qui contre-balance l'agressivité et le poids de cette fanfare de roche et de métal. Une retenue qui se retrouve aussi dans son approche de la guitare qui évite les débordements expansifs généralement inhérent au genre.
Hélas, quand ça ne veut pas, ça veut pas. Axis est pénalisé par une absence de promotion - leur maison d'édition éprouverait quelques difficultés financières ; toutefois, RCA n'a jamais eu la réputation d'un groupe enclin à vraiment promouvoir ses artistes, surtout en matière de rock lourd -, et trime seul pour trouver des dates de concerts valorisants. Vinny manque de raccrocher quand Ozzy Osbourne le démarche, mais refuse sur les conseils de Carmine. Finalement, il accepte quand c'est Black Sabbath qui fait sa demande. La légende dit que Tony Iommi serait tombé sur "It's A Circus World". Enthousiasmé, il le fait écouter à R.J. Dio, et le choix se concrétise avec le départ de Bill Ward.
C'est la fin du trio qui, en dépit de quelques efforts avec un nouveau cogneur, s'écroule rapidement.
Jay Davis retombe sur ses pattes. Après avoir joué avec Earl Slick, il rejoint Rod Stewart en 1980 (une intervention de Carmine, alors batteur et poto de l’Écossais ?), et y reste presque toute la décennie, avant de raccrocher et de monter un bureau de détective privé.
Danny Johnson, lui, devient un mercenaire assez prisé, proposant aussi bien ses talents de musicien que de compositeur. Juste avant de soutenir un Alice Cooper défraîchi et amaigri, survivant on ne sait trop comment ("Special Force"), il rejoint lui aussi Rod Stewart (alors avec Carmine Appice - "Tonight I'm Yours" -), qu'il quitte lorsqu'il comprend que Rod The Mod s'éloigne du Rock pour embrasser une musique aseptisée par la nouvelle technologie. Il s'acoquine alors avec John Kay ("Feed The Fire" et un DVD "Live in Louisville" sous John Kay's Steppenwolf et une galette sous le seul nom de John Kay). Puis avec Graham Bonnet pour la dernière incarnation d'Alcatrazz ("Dangerous Game"). Plus tard, il émarge à nouveau pour Graham Bonnet, pour le cinquième disque en solo du rouquin ("Underground"). Il retrouve aussi Carmine Appice, pour un de ses rares disques en solo.
Par ailleurs, il a contribué à la B.O. de "Wayne's World", ainsi que pour "Gremlins" (I et II).
Il fut aussi à deux doigts de récupérer la place laissée vacante par Joe Perry en 1979 ; à ce sujet, Brad Whitford écrit dans ses mémoires qu'il fut le meilleur guitariste qu'il ait auditionné.
Tandis que lors d'une entrevue avec la revue Guitar Player, Eddie Van Halen le présenta comme l'un de ses guitaristes préférés. A savoir qu'Eddie avait co-produit le second album de Private Life, "Shadow" (1990). Un groupe de Hard-FM, plutôt besogneux et sans relief (deux albums) où Johnson officiait auprès de sa compagne, chanteuse du groupe.
(2) Rick Derringer est déjà un vétéran avec un premier hit en 1965, à 17 ans, avec le célèbre "Hang On Sloopy" avec les McCoys. Il reste surtout dans les mémoires pour son implication chez les frères Winter. D'abord avec Johnny, qu'il rejoint en 1970, et avec qui il reste quatre années, en offrant au passage les hits "Rock'n'Roll, Hoochie Koo" et "Still Alive and Well". Et parallèlement, il participe à la période la plus faste du frérot Edgar (White Trash's, Edgar Winter Group, solo).
Aussi, dans une moindre mesure, auprès de Kenny Aaronson, ex-Dust (70-73) et Stories. Aaronson est plus connu pour ses multiples participations, dont Joan Jett, Brian Setzer, Billy Idol, Sammy Hagar (HSAS), Blue Öyster Cult et plus récemment Dana Fuchs.
(4) Derringer continue avec une nouvelle mouture en trio et un nouvel album en 1978.
(5) Producteur Anglais qui a vite acquis une renommée internationale avec les albums de Free, Humble Pie, West, Bruce & Laing, Television, et en qualité d'ingénieur avec Led Zeppelin, Spooky Tooth, Jethro Tull, Rolling Stones, Rod Stewart. Productions postérieures avec Cinderella, Trust, LA Guns, Satriani, Chickenfoot, Steve Miller Band, Eric Johnson.
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