samedi 11 janvier 2020

William HERSCHEL – Symphonies N° 12 & 14 - Matthias BAMERT – par Claude Toon


Uranus (Photo Hubble)


- Mais ! M'sieur Claude, Herschel n'était-il pas un astronome ? D'ailleurs vous avez mis la photo d'une belle planète bleutée…
- Oui Sonia, un grand savant qui a découvert Uranus et plein d'autres secrets du cosmos, mais comme nombre de figures du siècle des lumières il était aussi compositeur…
- Il y a vraiment des surdoués… Quelle époque et quel genre de musique… pas trop métaphysique et sidérale j'espère, hihihi…
- Non des jolies symphonies classiques entre autres, contemporaines de celles des jeunes Mozart et Haydn, une musique fraîche et divertissante qui méritait une résurrection…
- Hum, Chandos en est l'éditeur, est-ce encore disponible au catalogue ? C'est le point faible de ce label anglais si mes souvenirs sont bons.
- Vous commencez à en connaitre un rayon Miss Sonia… En CD, quasiment disparu même en occasion, mais disponible en MP3…

William Herschell (1738-1822)
Ils m'épatent ces gros cerveaux capables de faire des découvertes pointues, de construire des machines et pour se changer les idées, composer de la musique bien agréable. Si si, agréable… Ô n'attendez en rien la richesse mélodique et farfelue d'un Haydn ou la magie d'inventivité traversée de joie et d'angoisse d'un Mozart. Ces symphonies (la 14ème date de 1762) ne sont que des divertissements d'une douzaine de minutes, proches dans l'esprit et la forme des divertimentos de Mozart adolescent… Vous savez que j'aime bien sortir des sentiers battus. Il n'y aura sans doute pas plusieurs chroniques consacrées à William Herschell plus célèbre, comme le souligne Sonia, comme astronome que comme musicien, enfin tout au moins de ceux qui s'intéressent à l'astronomie et à la découverte de notre système solaire… Et pourtant la musique sera sa première passion…

Il est amusant de constater que Herschell a débuté dans la vie comme musicien et compositeur avant de se passionner pour la cosmologie ! Ô ce monsieur n'est pas le seul à avoir pratiqué l'art et la science, Borodine était chimiste, Charles-Valentin Alkan, pianiste et virtuose français du XIXème pratiquait le clavier et l'éprouvette lui aussi. Iannis Xenakis était un musicien novateur mais aussi ingénieur et architecte proche de Le CorbusierBartók et Boulez étaient mathématiciens, les exemples sont innombrables… Cela dit, Sonia a bien réagi, chez Herschell, l'astronome a éclipsé (c'est le cas de le dire) le compositeur. L'inverse est plus fréquent, c'est le cas pour les artistes cités…
Pour ceux qui ont la tête dans les étoiles, Herschell a découvert Uranus – invisible à l'œil nu – après avoir construit de ses mains des télescopes plus puissants que les lunettes de Galilée. L'astre était connu en tant qu'étoile… La 7ème planète, la première découverte depuis la Grèce antique, fut nommée Georgium Sidus en honneur de son mécène, son altesse royale George III. Evidemment, ce choix divise le monde scientifique européen ; de tergiversations en suggestions farfelues, cette nouvelle planète encore bien mal connue à l'époque recevra le nom du père de Saturne, lui-même fils de Jupiter. Un peu logique non ? On apprit plus tard que, comme sur la photo, cette planète accueillante a, contrairement à la terre et ses copines, un axe de rotation à 90°, elle "roule" sur elle-même tout en ayant des "années" de 84 ans…

Télescope de 12m
- Accueillante vous dites M'sieur Claude ? Sympa pour les vacances ?
- Ô que oui, des vents de 900 km/h, une atmosphère qui pue le pet de vache et l'œuf pourri, - 210°, ça caille là-haut mon petit, prévoir des slips à cols roulés 😅
- Ah oui pas top… Mais comment vous arrivez à savoir tant de choses M'sieur Claude ?
- C'est le propre des gens nés sous le signe du Scorpion parait-il, ils sont curieux de tout sans forcément être très experts… Et vous c'est quoi votre signe du zodiaque…
- Hum… Vierge ! Et par pitié, pas de commentaires débiles, je suis un peu tranquille à ce sujet depuis le départ de M'sieur Rockin, ne reprenez pas le flambeau…
Autres découvertes et inventions : un télescope de 6m mais, construit en bois, ses performances sont modestes.  Herschell découvre pourtant plein de choses : l'atmosphère de Mars et ses deux pôles de glace, deux satellites d'Uranus et deux nouveaux de Saturne, des volcans sur la Lune (un problème de réglage sans doute, l'avenir infirmant cette observation pittoresque). Et comme si cela ne suffisait pas, grâce à un télescope géant de 12m, à partir de 1800, il pose l'hypothèse des galaxies distinctes, met en évidence la lumière infrarouge, et enfin les étoiles multiples… En résumé et j'arrête là, notre symphoniste pose les bases de l'astronomie moderne. D'autres Galaxies ? Le Vatican a du faire des cauchemars😆)*. La chronique scientifique voit le jour dans le blog !
(*) Galilée a été réhabilité par l’Église le 31 octobre 1992. Et on se plaint des lenteurs administratives en France, Jean-Paul II prononce ce jour-là un discours devant l’Académie pontificale des sciences qui réconcilie la position de l’Église catholique avec les découvertes de Galilée en 1633. (11 ans d'enquête depuis 1981). 
- Sonia, arrêtez de vous marrer ! Parlons musique maintenant.
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Herschell connaît une belle longévité pour l'époque, 83 ans. En fait, il est d'origine allemande car né à Hanovre en 1738. Il partira en 1756 en Angleterre pour toujours avec son frère ainé pour fuir les sempiternelles guerres de l'ancien régime et leurs horreurs qui l'écœurent.
Matthias Bamert
Pendant sa jeunesse, Herschell reçoit son éducation musicale de son père, violoniste et hautboïste militaire. Sa formation musicale lui permet de se faire une place au Royaume-Uni : copiste musical à Londres pour débuter. Puis, en 1758, il dirige les concerts d'Édimbourg avant de devenir organiste à Halifax en 1766, puis à Bath l'année suivante. Mais les cieux deviennent sa passion, la musique passe au second plan pour ne pas dire plus. Son œuvre, sympathique mais mineure en plein âge classique où des pointures comme Mozart, Haydn, C.P.E Bach dominent le monde musical, sera vite oubliée et ne fera son retour qu'à la fin du siècle dernier grâce à Matthias Bamert, maestro passionné par les petits maîtres négligés du XVIIIème siècle.
On doit à Matthias Bamert le retour du maigre catalogue des œuvres composées entre 1759 et 1770 (date de la naissance de Beethoven, quant à Mozart il a 14 ans). En tout et pour tout : 24 symphonies, une douzaine de concertos (violon, alto, hautbois, orgue), des sonates pour clavecin et de la musique religieuse (Source Wikipédia). La comparaison des symphonies avec celles de Haydn de cette époque est très hasardeuse voire injustifiée. Ce dernier traverse sa période stylistique inspirée par le mouvement Sturm und Drang ("Orage et Passion"). Les prémices du romantisme s'insinuent dans les Symphonies N°44 "Funèbre", N°45 "Les adieux" et N°49 "La passione" du compositeur autrichien. (Index)
Oui hasardeux, les symphonies de Haydn durent une vingtaine de minutes et comportent quatre mouvements. Avec seulement trois mouvements et une douzaine de minutes, une orchestration où dominent les cordes, nous sommes chez Herschell plus proches des divertimentos de jeunesse de Mozart ou des sinfonia de C.P.E Bach, en un mot : de la musique galante de divertissement dénuée d'intention métaphysique. Le rapprochement avec les symphonies de Johann Baptist Vanhal, également enregistrées par les London Mozart players, est plus pertinent, même si Vanhal a été plus sensible au lyrisme Sturm und Drang. (Clic)
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Londres en 1762 (William Marlow)
L'album réalisé par les London Mozart players et leur chef Matthias Bamert comporte six symphonies. Je vous en propose l'écoute de deux, les 12ème et 14ème.
Symphonie N°14 en do majeur :
Orchestration : 2 flutes, 2 hautbois, 2 cors, (timbales), clavecin et cordes. Création : le 14 avril 1762.
1 - Allegro assai : une introduction de forme sonate rigoureuse, trépidante, avec un court et charmeur solo de violon répété de-ci de-là… Non, ce n'est pas d'une folle originalité mais c'est cool, jolis solos de hautbois puis des cors à [3:30]. Musique idéale pour se mettre en train les petits matins grisâtres comme ces temps-ci.
2 - Andante : [5:01] Une ballade au crépuscule à l'accent martial.
3 - Adagio - Allegretto : [8:25] Un adagio de quelques notes précède un virevoltant allegretto caractérisé par une fanfare des cors et un dialogue pastoral des flûtes.

Symphonie N°12 en do majeur :
Orchestration : 2 hautbois, 2 cors, (basson), clavecin et cordes. Création : en décembre 1761.
1 - Allegro Assai : Très enjoué, les trilles sont omniprésents dans le récit musical de l'allegro. [1:11] La reprise moins allègre suggère une certaine noblesse jusqu'à l'énoncé d'un duo violon-violoncelle où les deux instruments semblent se courtiser [2:19]. Le motif de ce duo charpente comme un leitmotiv tout l'allegro.
2 - Andante non molto : [4:29] L'andante propose une ligne mélodique élégiaque teintée de nostalgie. On ressent une alternance entre amertume et méditation.
3 - Allegro Assai : [6:45] Contrairement à celui de  la 14ème symphonie, très bref, l'allegro écouté représente à lui seul la moitié de l'ouvrage. Le tempo est plus sage. Herschell révèle une imagination plus marquée, une orchestration contrastée, le souci d'alterner plaisanterie et élégance (mondanité ?) dans ce final à la construction plus originale dans le parcours du compositeur-astronome.   
Pour ceux qui souhaiteraient écouter une sélection de six symphonies, rendez-vous avec une autre vidéo YouTube qui reprend l'intégrale de ce bien charmant CD animé sans excès volubiles ou symphoniques de la part de Matthias Bamert (Clic).
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