mercredi 22 janvier 2020

TUCKY BUZZARD "Warm Slash" (1971), by Bruno


      Tucky Buzzard n'évoque plus rien aujourd'hui, cela en dépit de cinq albums et d'un célèbre mécène : Bill Wyman en personne.
En effet, ce dernier s'était entiché de ce groupe en qui il croyait, certain de son potentiel. Persuadé qu'il leur suffirait juste d'un petit coup de pouce pour que le groupe puisse voler de ses propres ailes. Hélas, il n'en fut rien.

➽   La genèse   :  

      Tout commence avec The End, une formation de Pop-psychédélique dont une partie des membres, alors réunis sous le patronyme de The Innocents, est ami avec les Rolling Stones depuis 1963. En 1965, le brave Bill Wyman produit pour cette formation un premier 45 tours de Pop influencé par les Kinks.
   En 1967 débutent des sessions plus sérieuses, impactées par une approche désormais nettement psychédélique. Bill Wyman, en plus de dépêcher Nicky Hopkins et Charlie Watts pour un un petit coup de main, leur offre deux chansons de sa main (que l'on peut parfois trouver sur quelques pirates des Stones comme inédits de "Their Satanic Majesties Request"). Mais l'album, "Introspection", tarde à sortir, ne faisant son entrée chez les disquaires que deux années plus tard, en 1969. Trop marqué temporellement, le disque paraît désuet et les ventes sont décevantes. L'échec fait éclater le groupe.
     Toutefois, Dave Brown, Terry Taylor et Nicky Graham ne comptent pas en rester là et reforment prestement un nouveau groupe en ralliant deux rescapés de The Mods : Paul Francis à la batterie et surtout Jimmy Henderson au chant.
Le timbre rugueux de ce dernier va naturellement engendrer une orientation bluesy.
Ainsi, Henderson supplante Dave Brown qui se contente désormais de sa basse (aucun lien avec celui de Santana), ne restant au micro que pour assurer les chœurs. Toutefois, pour quelques rares chansons, Henderson lui laissera son poste.

➽    Les débuts    :  

      Le quintet part pour l'Espagne, où la concurrence est moins rude, le climat plus clément, et où l'affiliation anglaise pourrait être un gage d'authenticité, à défaut de qualité. Les portes s'ouvrent plus facilement, permettant ainsi à la petite bande de s’affûter librement sur scène.
   Néanmoins, le premier 45 tours de Tucky Buzzard, sorti donc en péninsule ibérique (sur le label HispaVox), n'est qu'une pâle chanson de variété teinté de progressif et de musique classique endémique (avec l'orchestre philharmonique de Madrid), où le rock n'a pas sa place. Il faut en fait passer sur la seconde face pour découvrir avec "Free Ticket", l'émergence du blues et du rock.

     En 1971 paraît l'album éponyme ; un disque le cul coincé entre deux chaises, avec la différence flagrante entre un lot de titres récupérés de la période hispanique, et un second correspondant aux nouvelles et fraîches compositions revendiquant l'affiliation Heavy-rock.
En effet, effectuer la première partie d'une tournée pour Grand Funk Railroad a été une expérience marquante. Même si son influence n'est pas réellement distincte dans la musique du groupe, elle est néanmoins le facteur décisif responsable du durcissement de ton.

 On y retrouve la chanson "Time Will Be Your Doctor", également présente sur l'unique disque de Fuzzy Duck pour la simple raison qu'il s'agit d'une composition du batteur Paul Francis, parti en cours d'année rejoindre cette bande de canards flous.

     Probablement conscient de la fragilité de cet album bancal, le management le réserve au public européen, et renvoie illico presto la troupe en studio pour réaliser un album plus accompli pour les USA. Certainement afin de frapper un grand coup, dans cet univers impitoyable. Bien leur en a pris. Encore chauds, les musiciens continuent sur la lancée amorcée par les dernières compositions. A savoir celle d'un Hard-rock bluesy.
En symbiose avec son époque, "Warm Slash" batifole avec le Rock rugueux, entre un Rock Stonien et un Hard-rock terreux. Alors que l'époque est propice aux groupes et musiciens qui ont tendance à se perdre dans de longues digressions, persuadés d'être les nouveaux Clapton ou Hendrix - ou croyant pouvoir supplanter Blackmore ou Page -, la musique de Tucky Buzzard est plus concise et ramassée.

➽   La galette    : 
   

      La galette débute par un excellent Heavy-rocking-blues qui aurait fait la joie de tous les groupes de revival des années 90 à ce jour, fervents amateurs de blues bétonné. Pourtant "Mistreating Woman" est plutôt commun. Un riff basique de blues sur une guitare râpeuse, une voix légèrement rocailleuse, une slide sèche et indolente, une guimbarde donnant la cadence, un piano honky-tonk, un peu de wah-wah et un coda saupoudré d'harmonica. Rien de particulier donc, à l'exception d'une guimbarde - le sel - procurant un petit effet "western-spaghetti" (qui sait ? Peut-être un souvenir d'Andalousie où tant de westerns spaghetti ont été tournés). Tout est dans le timing, et néanmoins ça effleure du bout des doigts l'excellence d'un Humble Pie.
Sur "(She's A) Striker", en dépit d'un piano un chouia en avant, il n'aurait fallu que l'apport d'une basse plus volubile et massive pour s'inviter dans le giron du Hard-blues de Free; pour le coup, ça frôle une New-Wave sèche et inflexible. Toutefois, subitement, le morceau mue pour se parer de consonances nettement Stoniennes.
Un campagnard "Need Your Love", un Country-blues plein de sève sentant la terre mouillée et le labeur.
Après un début, en forme d'errance paresseuse, "Which Way, When For Why" prend son envol avec un riff hard-blues invitant à sa suite le chant. Tout en restant accroché à une aura Hard-blues, le morceau dérive vers du Uriah-Heep (période 69-72). Puis, à nouveau, le registre mu, raffermissant sa dévotion aux dieux du Harderoque. Probablement la pièce maîtresse du disque, changeant continuellement, sans un regard en arrière (sans redite).

"Burnin' ", bien que plus modeste, ne peut également résister au plaisir de changer maintes fois de tempérament. En simplifiant, ce titre est scindé en trois parties. La première est basique et convenue (ne suscitant qu'un respect poli) , la seconde s'apparente à un break où un piano classique est bousculé par une guitare tranchante et où Henderson extériorise sa souffrance. Et la dernière est un Heavy-boogie canaille, un peu granuleux, préfigurant The Boyzz.
"Heartbreaker", lui se contente de deux chapitres. Un premier, simple Hard-rock frontal, un peu rehaussé par une wah-wah ; le second est un spasme de Blues épais et masochiste - se plaçant à l'orée d'un "Led Zep I" et Fastway -.
"Ain't Too Soon" finit l'album comme il a débuté. En beauté. le chaînon manquant entre Mott The Hoople et les Faces.

Hélas, "Fill You In" aurait pu être un très bon morceau s'il avait simplement tourné autour du second mouvement au lieu de s'empêtrer avec son riff récurrent digne d'une première phase d'apprentissage   - Et "Sky Balloon" s'égare avec une introduction pompeuse et trop étirée, pâle caricature d'Uriah Heep, avant de flirter avec un Bloodrock en roue libre.

➽   et après    :  
     Hispavox, le label espagnol, constatant que leurs Anglais déserteurs commencent à se faire un petit nom, par leurs deux disques sortis la même année, et surtout en ayant l'opportunité d'effectuer la première partie de groupes à succès, s'empresse de rassembler les bandes enregistrées et sort au plus vite un disque, "Coming On Again". L'absence de cohésion dont il fait preuve est bien plus déroutante que pour l'album éponyme. Bien que présentant quelques belles pièces ("Lady Fair", "You Never Will" et le long "Coming On Again" occupant la première face), c'est ici un Tucky Buzzard en gestation, méconnaissable, portant sur lui les dernières marques psychédéliques de The End
Cette galette éditée tardivement ne correspond plus vraiment au nouveau plumage de l'oiseau. (sorti en Espagne, il n'est disponible qu'en import. Le premier 45 tours cité plus haut a aussi été récupéré).

     Après "Warm Slash", la formation est récupérée par Purple Records (label de et fondé par Deep Purple). Deux 33 trente-trois tours s’ensuivent : "Allright On The Night" et "Buzzard". Paradoxalement, avec l'intégration d'un second guitariste en remplacement des claviers de Nick Graham (parti un temps rejoindre Bowie pour sa tournée d'été de ses Spiders from Mars de 1972), le groupe évolue vers un Rock bien moins bluesy et Hard, plus Rock'n'Roll à la manière de Juicy Lucy, Faces et des Stones ère Mick Taylor. Indéniablement, deux bons albums (quoi que le dernier soit un peu bancal entaché par une petite poignée de morceaux fades), mieux construits et plus homogènes, il leur manque néanmoins ce petit plus qui fait la différence. Un petit quelque chose de teigneux, de séminal, de frais et de catchy.

     On retrouve Terry Taylor avec The Arrows, (groupe créateur du fameux "I Love Rock'n'Roll" universellement popularisé par Joan Jett), Son of Heroes (groupe de Pop-rock fusionnant avec la New-wave, produit par Bill Wyman), avec le vieux copain Bill Wyman sur la route avec Willie And The Poor Boys, puis, à partir de 2006, avec le Bill Wyman's Rhythm Kings.
     Nicky Graham, après l'intermède David Bowie, se fait embaucher par Polydor en qualité de consultant "A & R" et de producteur. Puis il passe chez CBS. En 2014, l'académie Anglaise des Auteurs de musique (Ivors Academy) lui remet un prix pour sa carrière d'auteur-compositeur et producteur.

     Parmi les cinq albums de Tucky Buzzard, s'il y en a bien un qui s'en détache, c'est bien "Warm Slash". C'est également celui qui s'affirme le plus dans un Hard-rock bluesy. Un Hard-rock paresseux et un rien cradingue. C'est l'album de référence du quintet, celui qui a réussi à traverser les ans, à se faire parfois une petite place dans les listes des albums des années 70 à découvrir, voire à chérir.





🎶🦅 

2 commentaires:

  1. Hi,
    OK but for the progressive fans, "Coming on again" is excellent !

    Sosgotcha

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    1. Hi 🖐
      Perhaps 😊 Some good very songs likes "Lady Fair", "You Never Will" and "Coming On Again". One attractive album.

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