mardi 28 janvier 2020

JACQUES HIGELIN - "Alertez les Bébés" (1976) - par Pat Slade



Quand on veut parler de Jacques Higelin, on trouve toujours de la matière et, encore une fois, en piochant dans sa discothèque (Qui compte une trentaine d’albums), je parlerai de l'un de mes préférés.


Une impro d’un autre monde 




Jacques Higelin est un extra terrestre. En 1974, il écrivait la première page du rock en français avec «BBH 75», l’année suivante il récidivait avec «Irradié» et son groupe les Super Goujats avec le tout jeune Louis Bertignac. Et puis en 1976 il  calme ses ardeurs électriques et revient à des chansons que l’on retrouvera quelques années plus tard dans sa carrière. «Le Minimum», par sa construction : un titre parfait pour un début de concert, l’entrée progressive de tous les musiciens jusqu'à l’explosion finale. Ce qu’il fera dans l’arène de Bercy en 1985 ou les musiciens arriveront progressivement sur la piste les uns après les autres. «Géant Jones» L’histoire de ce boxeur sur une musique très funky avec son riff de basse furieux de Jacky Thomas. De ces 4 min 56 en studio, il en fera une version dantesque sur le «Live à Mogador» (1981) de 11 min 17. «La Rousse au Chocolat», Un titre qui reste l'un de mes préférés dans tout ceux qu’il a pu composer. Une des premières apparitions de l’accordéon dans un morceau d’Higelin. Et cette très belle ballade a aussi connu une superbe version en live au «Casino de Paris» (1983) .


«Je veux cette fille», Un petit country-rock qui passe comme une lettre à la poste avec les solos de Pierre Chérèze et de Christian Leroux qui se tirent la bourre aux guitares. «J'suis qu'un grain de poussière», Du Higelin dans son élément, le capitaine tient bien la barre de son navire ; des paroles de haute voltige et une musique qui nous ramèneraient presque à l’époque de Saravah. «Aujourd’hui la crise», Un Higelin qui se pose des questions sur le système de l’époque sur une musique un peut lourdingue, mais on lui pardonne tout ! «Rien», Encore un joli titre avec une ligne musicale claire et nette, un morceau qui n’est pas le plus connu et pourtant Higelin prouve dans ces moments là qu’il était un grand parolier et un grand poète. «Coup de Blues», Morceau génial ! On pourrait imaginer maître Jacques dans les couloirs du métro l’interpréter avec son accordéon devant un parterre de gens rentrant du boulot. Un exercice de style en prise de son direct. Son coté musique de rue fait revivre le Paris des années cinquante. A ma connaissance, je ne crois pas qu’un artiste ait écrit un morceau dans ce genre (Peut être Yves Jamait dans un style différent).

«Alertez les Bébés», Le gros morceau, la pièce maîtresse de l’album. Une pléthore de notes de piano pour un titre qui a une histoire. Il fut écrit en une nuit par un Higelin en état second. Il se lèvera se sentant fébrile pour aller boire un verre d’eau dans la cuisine, il prendra une feuille et un crayon qui traînaient là et se mettra à écrire d’une traite les paroles qui deviendront «Alertez les bébés» ; puis il repart se coucher. Le lendemain il découvre les feuillets sur la table et ne se souvient pas les avoir écrits , il peine même à reconnaître son écriture tant les mots ont été écrits avec violence. Il enregistrera le morceau seul au piano en demandant à l’ingénieur de son de faire tourner la bande et de quitter le studio. Un peu plus de dix minutes de musiques improvisée ou Higelin va hurler, gémir, chanter un texte hallucinant. Une seule prise, celle du disque et l’essoufflement au final n’est sûrement pas du chiqué. Évidemment il serait simpliste de dire que c’est le sommet de l’album, mais son insertion en avant dernière position sur l’album arriverait presque à occulter les autres titres ; heureusement, il n’en est rien. «Demain ça s'ra vachement mieux», Une fin d’album qui reprend la musique de «Aujourd'hui la crise !» Avec un Jacques dans ses délires qui présente ses musiciens avec les surnoms qu’il leur a donné : Pierre Chérèze dit «Blaireau», Christian Leroux dit «Basile», Jacky Thomas dit «Blett», le regretté Michel Santangelli dit «Frère Pochtron» à la batterie et un Higelin qui se qualifie de dernier des ringards.

«Alertez les Bébés» : Un grand disque dans l’histoire de la chanson française ? Oui assurément ! Il sera certifié disque d’or et remportera le grand prix du disque.

Même mort Higelin et ses albums restent vivants et intemporels.   




1 commentaire:

  1. Beau billet pour un grand disque ! Merci pour l'anecdote au sujet de l'enregistrement de la chanson-titre du disque, l'immense et atypique «Alertez les bébés» . Quel bonheur de lire un billet sur jacques Higelin !

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