jeudi 2 janvier 2020

Edward ELGAR – Variations sur un thème original "ENIGMA" (1898-1899) – par Diablotin




SONIA - C'est beau ce que tu écoutes, aujourd'hui, Diablotin, et ça me change des choses arides et difficiles auxquelles Maître Claude m'a soumise l'autre jour !
DIABLOTIN - Les quatuors de Chostakovitch ?
SONIA - Oui ! Je n'y ai rien compris, mais il ne faut surtout pas lui dire ! Et parfois, ça a même écorché mes pauvres oreilles !
DIABLOTIN - Evidemment, ce que je te propose d'écouter aujourd'hui est beaucoup moins difficile à appréhender. Tu devrais reconnaître, Maître Claude t'a déjà assez abondamment parlé de ce compositeur. C'est un Anglais à moustaches edwardiennes et veste écossaise.
SONIA – Ah ! Je sais : c'est Edward Elgar !
DIABLOTIN - Exactement, et ce que tu écoutes est son œuvre la plus célèbre, ce sont les fameuses "Variations Enigma". Je vais te les présenter un peu plus en détail.

Sir Adrian Boult (Clic)
Edward Elgar composa les "Variations sur un thème original", plus connues sous leur nom de "Variations Enigma", en plusieurs mois répartis sur les années 1898 et 1899. Il trouva le thème original, qui introduit l'œuvre, en pianotant distraitement dans son bureau, et c'est son épouse qui lui demanda quel était "ce beau thème qu'il jouait". Ce thème servit alors de base à quatorze variations fondées chacune sur un portrait de ses proches ou amis, désignés le plus souvent par leurs seules initiales.
L'énigme liée aux personnages fut très vite levée, mais l'œuvre doit également son nom à une remarque livrée par Elgar dans sa correspondance : "Un thème plus large traverse toute l'œuvre, mais il n'est jamais joué, à la manière d'une pièce de théâtre où le personnage principal est absent de la scène".
On a beaucoup glosé sur ce fameux thème, les hypothèses les plus communément émises étant "Rule Britannia", "God Save the Queen" ou encore "Auld Lang Syne", mais l'énigme demeure… énigmatique ! L'ensemble des personnages évoqués est en revanche connu depuis longtemps, et on retrouve, dans l'ordre et après le thème original :
1. C.A.E. (l'épouse du compositeur, Caroline Alice Elgar)
2. H.D.S.-P. (Hew David Steuart-Powell, un ami pianiste)
3. R.B.T. (Richard Baxter Townshend, un acteur à la voix tonitruante)
4. W.M.B. (William Meath Baker, notable de l'entourage du compositeur)
5. R.P.A. (Richard Penrose Arnold, pianiste amateur et fils du poète Matthew Arnold)
6. Ysobel (Isabel Fitton, une amie pratiquant l'alto en amateur, élève d'Elgar)
7. Troyte (A. Troyte Griffith, un architecte et pianiste amateur)
8. W.N. (Winifred Norbury, mécène connu aussi pour son rire particulier)
9. Nimrod (A.J. Jaeger, le meilleur ami du compositeur. Nimrod est un chasseur mythologique dans la Bible, et Jager en Allemand signifie chasser, le compositeur jouant avec les mots… Cette très célèbre variation rend compte d'une concertation entre les deux amis au sujet d'un mouvement lent de Beethoven)
10. Dorabella (Dora Penny, une amie du couple)
11. G.R.S. (George Robertson Sinclair, organiste de la cathédrale de Hereford et son bouledogue)
12. B.G.N. (Basil G. Nevinson, violoncelliste amateur qui jouait de la musique de chambre avec le compositeur)
13. *** (une amie traversant la rue)
14. E.D.U. (Elgar lui-même, selon le surnom que lui donnait son épouse).
                       
Versions proposées dans une discographie pléthorique :
L'œuvre, qui dure environ une demi-heure, devint très rapidement populaire en Angleterre, puis à travers toute l'Europe, Toscanini la dirigeant dès 1902 ! Comme tu peux l'entendre, SONIA, elle est très facile d'accès et d'une "Anglitude" remarquable ! C'est pourquoi elle reste si difficile à interpréter : il s'agit de trouver la juste intonation, une "British touch" qui lui rende justice, au risque d'un absolu contresens.
Ma discothèque en compte une trentaine de versions - une version différente pour chaque jour…-, et les chefs anglais s'y montrent particulièrement brillants : Edward Elgar himself, par deux fois et Adrian Boult, avant tout, mais également John Barbirolli, Thomas Beecham, Andrew Litton, Martyn Brabbins La liste est longue.


Parmi les chefs non Anglais, je te recommanderais Toscanini et Sinopoli, Monteux et Jochum, et te proposerais d'écouter puis d'oublier Leonard Bernstein : il fut invité à diriger l'œuvre avec l'orchestre de la BBC en 1982, arriva très en retard, braqua - voire insulta - les musiciens de cet excellent orchestre, surnommant notamment Elgar "my fellow Eddy" - crime de lèse-majesté en Angleterre… - et livra une version très iconoclaste de l'œuvre ! Karajan, en revanche, ne dirigea jamais l'œuvre, qu'il considérait comme du "Brahms de seconde catégorie".
DIABLOTIN - Alors, Sonia, convaincue ?
SONIA - Je vais déménager en Angleterre avant qu'il ne me faille un visa ! Cette œuvre est vraiment très agréable et, comme tu le disais, conforme à l'idée que l'on se fait de "l'Anglitude" !

Elgar (1929), Toscanini (1935), Boult (1970), Répétition avec Bernstein (1982) :





Un peu plus tard…
LE TOON – Soniaaaaaaaaaaaaa !!! C'est quoi cette mutinerie avec Diablotin, on se gausse de Chostakovitch, de mes choix… Hum, je vous martyrise ou quoi ?
SONIA – Ben heu ah non, faut pas le prendre mal… J'aime bien Enigma… c'est tout, pas vous ?
LE TOON : Beaucoup plus après avoir écouté ces beaux enregistrements, 1926, 1935, 1972 et Bernstein qui fait son numéro. Une version dont on se lasse vite en effet… D'ailleurs lors de la publication ajoutez celle de Sinopoli de 1990 avec le Philharmonia citée par le sieur Diablotin, en prime : une prise de son du tonnerre de Dieu…

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