Vol au dessus d’un nid de coucou est un film qu’il faut avoir vu
au moins une fois dans sa vie. Hormis Jack Nicholson, des acteurs inconnus à l’époque
qui plus tard se feront un nom. Sobre et subversif, le drame qui se déroule
parvient à nous impliquer émotionnellement.
Le
syndrome McMurphy
Encore
une œuvre sur la folie dans la culture populaire. Elles ne sont pas nombreuses,
mais à chaque fois, elles marquent le spectateur ou le lecteur. Du grand
guignol, de la folie spectacle qui arrive à nous faire frémir. On joue à se
faire peur et on se rassure sur le fait que ce
genre de situation est d’une rareté relativement absolue. Néanmoins,
le coup de projecteur sur cette folie est nettement plus tenu et s’il fallait
un film pour attirer l’œil dessus ce serait sans nul doute «Vol au dessus d’un nid de
coucou»,
du regretté Miloš Forman.
L’histoire commence sur l’internement d’un homme, Randle McMurphy, un prisonnier remuant,
condamné pour violence et viol. Comme il inquiète les institutions
pénitentiaires, on le place en hôpital psychiatrique afin de décider si son cas
relève de la médecine. Même si dans les premières minutes on pense qu’il va se
fondre dans le moule, puisqu’il assiste aux séances de thérapie encadrée par
l’infirmière Ratched qui, elle,
représente l’ordre et la discipline. La bataille du pot de terre contre le pot
de fer s’engage même si McMurphy fera
de timides tentatives de bonne volonté. Il va découvrir progressivement la
réalité de la folie dans les hôpitaux psychiatriques et la diversité des cas
présents dans l’unité où il vit désormais. Ses compagnons ne sont pas des fous
dangereux, uniquement des paumés de la vie, des échoués de la raison.
Miss Ratched (Louise Fletcher) |
McMurphy sera le grain
de sable qui détruira la belle organisation de l’établissement et l’ordre
établi par miss Ratched. Il va
essayer d’imposer ses envies et ses idées comme celle de vouloir assister à la
retransmission télévisuelle de la coupe du monde de base-ball et, face au refus
glacial de l’infirmière en chef, il improvisera une rediffusion face au poste
de télé éteint avec une volonté de briser le carcan qui oppresse les autres
patients. Il ira jusqu'à faire sortir les malades de l’institution pour une partie
de pêche en mer en les faisant passer pour des docteurs en psychiatrie. Et à chaque
fois qu’il énumérera leurs noms, la caméra se braquera sur leurs visages
habités d’une certaine dignité. Ce ne sont plus des barjots, mais des hommes à
qui on a redonné un visage d’humanité. Malgré l’irresponsabilité de McMurphy, dans l’institution, les
patients qui étaient prostrés et bloqués, se transfigurent avec cette sortie en
mer.
Il y a le cas de Billy
Bibbit sur qui miss Ratched
s’acharne. Billy est perturbé par un
désordre émotionnel et plus l’infirmière le pousse dans ses derniers
retranchements plus ce dernier bégaye. Il faut l’intervention d’un autre
patient pour détourner la conversation et cesser les tourments du jeune homme.
Entre des patients astreints à des ordres qui les infantilisent et McMurphy l’électron libre qui remettra
en cause le système de l’aliénation américaine des années 70, deux mondes
se rencontre, avec un trublion qui valorisera ses nouveaux compagnons en
stimulant l’affirmation de leurs personnalités. Auprès de lui, ils vont
progresser là ou le système les laissait dans leur prostration et de l’autre,
un faux fou qui rejette toute autorité et devient un thérapeute très peu
orthodoxe mais motivé et aura de l’affection pour ces oubliés du
monde. Je ne raconterai pas le film et ne recopierai pas le synopsis, il
suffit de chercher sur Google pour le voir en streaming.
J.Nicholson - Milos Forman |
La réalisation de «Vol au dessus d’un nid de coucou» n’aurait pas
pu se faire sans Michael Douglas qui produira le film tiré du roman de Ken Kesey sorti en 1962 «One Flew Over the Cuckoo's Nest». Dans le
titre original, le terme cuckoo désigne en argot, en dehors de l’oiseau le
coucou, une personne dérangé. Si il avait fallu le traduire en français cela
aurait donné «Quelqu'un survola le
nid des dingues». C’est Kirk Douglas qui
achètera les droits du livre pour pouvoir l’adapter au cinéma. L’acteur jouera
le rôle de McMurphy dans son adaptation
théâtrale à Broadway en 1963. Il
rencontre Miloš Forman à Prague et pense lui confier l’adaptation du film, il lui
envoie le roman que jamais Forman ne recevra, le
livre ayant été intercepté à la frontière. En 1968 à la suite du Printemps de Prague Miloš Forman
s’exile
au États-Unis, entre temps Michael Douglas a
repris le projet de son père et à la lecture du roman, le réalisateur Tchèque
est enthousiaste : «« Pour
vous, ce livre c’est de la littérature, mais pour moi c’est la vie ! J’ai
vécu ce livre. Le parti communiste était mon infirmière Ratched !». Ken Kesey a tellement été déçu du scénario qu’il n’a
jamais regardé le film.
J.Nicholson et Will Sampton |
Le casting du film
fera émerger des acteurs de l’anonymat et leur offrira une carrière
hollywoodienne. Pour McMurphy, Miloš Forman a tout de suis pensé à Jack Nicholson
alors qu’initialement il devait être joué par Kirk
Douglas mais la production le trouve trop âgé. Il sera aussi proposé Gene Hackman (French Connection), James
Caan (Misery)
et Marlon Brando
(Le Parrain).
Pour le rôle de l’infirmière Ratched,
Faye Dunaway, Jeanne
Moreau, Angela Lansbury, Anne Bancroft et quelques autres furent proposées et
ce sera Louise Fletcher
qui sera choisie une semaine avant le début du tournage.
B.Dourif-D.DeVito-C.Lloyd |
Brad Dourif (Alien, la résurrection), Christopher Lloyd (Retour vers le futur), Danny DeVito (Batman le défi), Vincente
Shiavelli (Ghost) globalement inconnus vont éclater à l’écran avec une
mention spéciale à Brad Dourif qui, à seulement
vingt-cinq ans, campe avec justesse son personnage, allant jusqu’à simuler un
bégaiement complexe. Mais n’oublions pas l’immense chef Bromden joué par Will Sampton
un authentique indien creek. Ce dernier n’était pas un acteur au départ, il
était Garde forestier. Un jour que Miloš Forman se promenait dans le parc de l’Oregon près de l’endroit du
tournage, il va tomber sur son physique imposant (2,04 m pour 120 kilos).
Le tournage aura lieu de janvier à
mars 1975 dans un hôpital
psychiatrique de Salem dans l’Oregon. Dans certaines scènes, de véritables
patients seront mis à contribution et beaucoup d’autres aideront les équipes
techniques. Dean Brooks qui incarne le directeur
de l’asile, était le véritable directeur de l'Oregon State Hospital depuis 1955 et non un acteur.
Miloš Forman laissera beaucoup les acteurs jouer en roue libre, il encouragera l’improvisation,
Jack Nicholson grand spécialiste du genre ne s’en
privera pas, comme dans la scène de l’électrochoc ou McMurphy chantonne avant qu’on lui envoie le courant. Dans le
script, il devait rester silencieux. L’improvisation est vraiment l’apanage des
grands acteurs.
Le succès du film sera à la
hauteur de son tour de force, il sera classé seizième meilleur film de tous les
temps. Il recevra cinq Oscars (sur neuf
nominations) et six Golden Globes.
«Vol au dessus d’un nid de coucou»
: un film touchant, humaniste, sans tire-larme facile pourtant, quelques fois
éprouvant à regarder, juste bien écrit et servi par un casting de premier
choix.
Film plus que remarquable.
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