Il
en a encore sous le pied, le vieux Woody. Avec ce film, il revient à ce qui
faisait son cinéma y’a 15 ou 20 ans. Après avoir tourné en Europe MATCH POINT,
MIDNIGHT IN PARIS, VICKY CRISTINA BARCELONA, ou changer d’époque dans CAFE
SOCIETY ou WONDER WHEEL, aborder le thriller dans L’HOMME IRRATIONNEL, il
revient poser sa caméra à Manhattan pour une pure comédie.
Tourné
en 2017, le film est resté dans les tiroirs d’Amazon Studios, qui s’en est
désolidarisé suite aux affaires judiciaires que le réalisateur de 84 ans traine
depuis quelques temps. Je ne me prononcerai pas là-dessus, la justice l’ayant
blanchi à trois reprises, ce que semble oublier son jeune interprète Thimotée
Chalamet, belle tête à claques (dans le film et pas que) qui a reversé son
cachet à des œuvres, en guise de protestation (il protestait contre quoi ?). Fallait pas signer ton contrat, mon grand ! Amazon, toute fière de compter à son catalogue un metteur
en scène de cette trempe, l’a laissé tomber, n'a pas distribué le film aux US. Par peur de perdre quelques abonnés à la fin du mois, ou pour la noblesse de la cause ? Hé Jeff B. (aucun lien avec moi !) tes parties de jambes en l'air extraconjugales malencontreusement atterries sur Internet, c'était pour la bonne cause aussi ?! Si la censure existe,
elle est surtout économique.
A
RAINY DAY IN NEW YORK est juste un bijou d’écriture. Une comédie romantique
fonctionne généralement sur deux motifs. Je t’aime, je te quitte, et je te
retrouve. Ou, tout nous sépare, et pourtant on va finir ensemble. Woody Allen
propose une troisième voie. On s’aime, et puis en fait, non. La construction de
son scénario ne va pas, comme d’ordinaire, jeter les protagonistes dans les
bras l’un de l’autre, mais au contraire les éloigner.
A
savoir Gatsby Welles (déjà, rien que le nom…) fils de banquiers richissimes, et
Ashleigh Enright, native d’Arizona, étudiants et amoureux. Il suffit d’un plan,
le premier, pour savoir qui ils sont. Bâtiment universitaire, bouquins sous le
bras, discussion sur un banc, un plan séquence tout bête, mais qui pose les
bases. Ashleigh et Gatsby partent pour un week end à New York, elle pour
rencontrer un metteur en scène de cinéma célèbre et forcément totalement
dépressif, pour une interview (elle tient la rubrique cinoche de son journal
universitaire) et ensuite visiter la ville, musée, restau, avec son fiancé. Sauf
que rien ne va se passer comme prévu.
Roland
Pollard, (Liev Schreiber) le cinéaste porté sur la boisson, confie à Ashleigh qu’il renie son
dernier film. Lui propose de le visionner, occasion pour elle de rencontrer son
producteur (Jude Law), qui l’invite à une soirée, l’embarque dans une filature ayant vu sa
femme sortir d’un hôtel, etc… Ce qui ne devait prendre qu’une heure de son
temps, va lui prendre la journée. De son côté, Gatsby tombe sur un pote qui
réalise son film de fin d’étude, lui demande de faire une figuration, où il
devra embrasser la jolie Chan (Selena Gomez) ce qui va l’entrainer à une visite de musée où il va tomber sur sa tante, puis contraint d’assister à
une soirée chic organisée par ses parents, y présenter sa fiancée... paumée à l'autre bout le de la ville.
On
nage en plein vaudeville. Woody Allen fait petit à petit monter sa mayonnaise, tout
ce qui pourrait être simple devient compliqué, Francisco Vega, acteur latino et
bellâtre à succès intervient dans l’équation, Woody Allen s’autorise même la
fameuse figure du trio mari-maîtresse surpris par madame… On se dit que cela a
été vu mille fois, mais ça passe, ça fonctionne, on jubile.
Quand
Woody Allen ne joue pas dans ses films, il se trouve toujours un personnage
pour être son double. Ici, c’est Ashleigh. Formidable Elle Fanning, gravure de
mode glaciale dans THE NEON DEMON du cérébral Nicolas Winding Refn, s’y révèle une formidable
actrice de comédie, pétillante, gaffeuse, et cinéphile avertie : « j’ai
vu tous les chefs d’œuvre du cinéma américain, surtout les européens » ;
« j’adore le cinéma européen, Renoir, Rossellini, Kurosawa… » !
Une gamine sans filtre, adorable, toute en fraicheur, qui après trois verres se retrouve en culotte et imperméable dans une rue inondée de pluie
de New York, magnifique scène. Sa blondeur, son col blanc sous le pull bleu me font penser à la silhouette de Tintin, autre reporter à qui il arrive plein d'aventures.
Woody
Allen dresse quelques portraits de la haute et snobe bourgeoisie newyorkaise,
tout en sarcasmes et répliques qui tuent. En parlant d’un restau où Gatsby est
censé retrouver Ashleigh (qui donc vient d’Arizona) Chan se demande si on peut
manger des scorpions grillés à Manhattan… Mention pour la mère de Gatsby, hautaine
et déplaisante, qui le temps d’une scène renverse la vapeur. L’art du portrait.
Manhattan est filmé sous toutes les coutures, toujours sur des chansons jazz (plaisir à chaque fois
renouvelé), quand Gatsby malheureux comme la pluie qui ruisselle sur son visage
rêve d’entendre du Irving Berlin, la bande son s’en charge illico.
A
RAINY DAY IN NEW YORK est un bonbon sucré avec supplément poivre, dont la mise
en scène à première vue pépère vous porte avec une évidence désarçonnante au
dénouement inattendu, et saupoudré de dialogues aux petits oignons. Ca parait
simple, hein ? Ben faites-en autant ! Un petit film juvénile qui fait
juste du bien et après, n’est-ce pas la définition de divertissement ? Ne serait-ce que pour cette réplique, à propos d’un activiste écolo : « pour
lutter contre le réchauffement climatique, il s’est immolé
par le feu ». Des comme ça, vous en entendez souvent ?
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