vendredi 18 octobre 2019

A RAINY DAY IN NEW YORK de Woody Allen (2017-19) par Luc B.


Il en a encore sous le pied, le vieux Woody. Avec ce film, il revient à ce qui faisait son cinéma y’a 15 ou 20 ans. Après avoir tourné en Europe MATCH POINT, MIDNIGHT IN PARIS, VICKY CRISTINA BARCELONA, ou changer d’époque dans CAFE SOCIETY ou WONDER WHEEL, aborder le thriller dans L’HOMME IRRATIONNEL, il revient poser sa caméra à Manhattan pour une pure comédie.
Tourné en 2017, le film est resté dans les tiroirs d’Amazon Studios, qui s’en est désolidarisé suite aux affaires judiciaires que le réalisateur de 84 ans traine depuis quelques temps. Je ne me prononcerai pas là-dessus, la justice l’ayant blanchi à trois reprises, ce que semble oublier son jeune interprète Thimotée Chalamet, belle tête à claques (dans le film et pas que) qui a reversé son cachet à des œuvres, en guise de protestation  (il protestait contre quoi ?). Fallait pas signer ton contrat, mon grand ! Amazon, toute fière de compter à son catalogue un metteur en scène de cette trempe, l’a laissé tomber, n'a pas distribué le film aux US. Par peur de perdre quelques abonnés à la fin du mois, ou pour la noblesse de la cause ? Hé Jeff B. (aucun lien avec moi !) tes parties de jambes en l'air extraconjugales malencontreusement atterries sur Internet, c'était pour la bonne cause aussi ?! Si la censure existe, elle est surtout économique. 
A RAINY DAY IN NEW YORK est juste un bijou d’écriture. Une comédie romantique fonctionne généralement sur deux motifs. Je t’aime, je te quitte, et je te retrouve. Ou, tout nous sépare, et pourtant on va finir ensemble. Woody Allen propose une troisième voie. On s’aime, et puis en fait, non. La construction de son scénario ne va pas, comme d’ordinaire, jeter les protagonistes dans les bras l’un de l’autre, mais au contraire les éloigner.  
A savoir Gatsby Welles (déjà, rien que le nom…) fils de banquiers richissimes, et Ashleigh Enright, native d’Arizona, étudiants et amoureux. Il suffit d’un plan, le premier, pour savoir qui ils sont. Bâtiment universitaire, bouquins sous le bras, discussion sur un banc, un plan séquence tout bête, mais qui pose les bases. Ashleigh et Gatsby partent pour un week end à New York, elle pour rencontrer un metteur en scène de cinéma célèbre et forcément totalement dépressif, pour une interview (elle tient la rubrique cinoche de son journal universitaire) et ensuite visiter la ville, musée, restau, avec son fiancé. Sauf que rien ne va se passer comme prévu.
Roland Pollard, (Liev Schreiber) le cinéaste porté sur la boisson, confie à Ashleigh qu’il renie son dernier film. Lui propose de le visionner, occasion pour elle de rencontrer son producteur (Jude Law), qui l’invite à une soirée, l’embarque dans une filature ayant vu sa femme sortir d’un hôtel, etc… Ce qui ne devait prendre qu’une heure de son temps, va lui prendre la journée. De son côté, Gatsby tombe sur un pote qui réalise son film de fin d’étude, lui demande de faire une figuration, où il devra embrasser la jolie Chan (Selena Gomez) ce qui va l’entrainer à une visite de musée où il va tomber sur sa tante, puis contraint d’assister à une soirée chic organisée par ses parents, y présenter sa fiancée... paumée à l'autre bout le de la ville.  
On nage en plein vaudeville. Woody Allen fait petit à petit monter sa mayonnaise, tout ce qui pourrait être simple devient compliqué, Francisco Vega, acteur latino et bellâtre à succès intervient dans l’équation, Woody Allen s’autorise même la fameuse figure du trio mari-maîtresse surpris par madame… On se dit que cela a été vu mille fois, mais ça passe, ça fonctionne, on jubile.
Quand Woody Allen ne joue pas dans ses films, il se trouve toujours un personnage pour être son double. Ici, c’est Ashleigh. Formidable Elle Fanning, gravure de mode glaciale dans THE NEON DEMON du cérébral Nicolas Winding Refn, s’y révèle une formidable actrice de comédie, pétillante, gaffeuse, et cinéphile avertie : « j’ai vu tous les chefs d’œuvre du cinéma américain, surtout les européens » ; « j’adore le cinéma européen, Renoir, Rossellini, Kurosawa… » ! Une gamine sans filtre, adorable, toute en fraicheur, qui après trois verres se retrouve en culotte et imperméable dans une rue inondée de pluie de New York, magnifique scène. Sa blondeur, son col blanc sous le pull bleu me font penser à la silhouette de Tintin, autre reporter à qui il arrive plein d'aventures.
Woody Allen dresse quelques portraits de la haute et snobe bourgeoisie newyorkaise, tout en sarcasmes et répliques qui tuent. En parlant d’un restau où Gatsby est censé retrouver Ashleigh (qui donc vient d’Arizona) Chan se demande si on peut manger des scorpions grillés à Manhattan… Mention pour la mère de Gatsby, hautaine et déplaisante, qui le temps d’une scène renverse la vapeur. L’art du portrait. Manhattan est filmé sous toutes les coutures, toujours sur des chansons jazz (plaisir à chaque fois renouvelé), quand Gatsby malheureux comme la pluie qui ruisselle sur son visage rêve d’entendre du Irving Berlin, la bande son s’en charge illico.
A RAINY DAY IN NEW YORK est un bonbon sucré avec supplément poivre, dont la mise en scène à première vue pépère vous porte avec une évidence désarçonnante au dénouement inattendu, et saupoudré de dialogues aux petits oignons. Ca parait simple, hein ? Ben faites-en autant ! Un petit film juvénile qui fait juste du bien et après, n’est-ce pas la définition de divertissement ?  Ne serait-ce que pour cette réplique, à propos d’un activiste écolo : « pour lutter contre le réchauffement climatique, il s’est immolé par le feu ». Des comme ça, vous en entendez souvent ?


couleur  -  1h32  -  1 :1.85

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