TCHAIKOVSKI – Sérénade pour cordes (1880) – Herbert von KARAJAN (1981) – par Claude Toon

Sérénade ? Drôle de titre pour un ouvrage d'une demi-heure en quatre mouvements suivant le plan d'une symphonie classique à la Haydn. Symphonie pour cordes aurait-il été judicieux ? Pas forcément, car en écrivant sa partition Tchaïkovski songeait aux sérénades de Mozart, parfois courtes, parfois très longues comme la "Haffner" en 8 mouvements que nous avons écoutée cette été. Comme pour la 6^ème symphonie "pathétique", on trouve une valse en seconde position… Donc toujours cette question : sérénade vs symphonie ? Cela dit des valses, le compositeur russe en a saupoudré toute son œuvre, notamment dans les ballets comme Casse-Noisette qui en comporte plusieurs. Bon, peu importe le titre est sérénade, certes sans accents viennois de l'âge classique, totalement slave dans l'esprit. 

Tchaïkovski compose sa sérénade rapidement entre septembre et novembre 1880. Il a quarante ans et est devenu un compositeur de premier plan en Russie. Il maîtrise désormais son art avec talent. Sa 4^ème symphonie, la première des six qui soit vraiment culte date de 1877, et cette année 1880, il va composer son ouverture-fantaisie la plus accomplie : Roméo et Juliette. En 1879, il a révisé son 1^er concerto pour piano, là encore l'une de ses œuvres les plus populaires. Un âge et une année charnière à partir desquels les grandes partitions verront le jour une à une.

Il n'y a aucune anecdote particulière à propos de cette sérénade. Tchaïkovski connaît l'une des périodes les plus heureuses de sa vie et voyage beaucoup. En 1877, il a épousé Antonina Miliukova pour mettre un terme aux rumeurs (fondées) sur son homosexualité qui lorsqu'elle sera révélée le conduira au suicide "obligé". Financièrement, tout va bien, il touche une rente d'une admiratrice, Nadejda von Meck qui le soutiendra pendant 13 ans mais elle aussi prétextera un revers de fortune pour l'abandonner quand sa vraie nature sera révélée en 1890. En 1880, il sillonne l'Europe, rencontre les autres grands maîtres de l'Europe occidentale : Brahms, Grieg et le tchèque Antonín Dvořák qui lui aussi écrira une sérénade pour cordes d'importance et souvent couplée avec celle de Tchaïkovski dans les discographies, comme c'est le cas pour cet album de Herbert von Karajan paru au début de l'ère numérique.

La création de la Sérénade pour cordes eut lieu à Saint-Pétersbourg en octobre 1881 sous la direction d'Eduard Nápravník.

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Tchaïkovski en 1880

Je ne présente plus le maestro autrichien assez présent dans le blog. Une biographie de ce chef emblématique du XXème siècle est à lire dans l'article consacré au Requiem allemand de Brahms. (Clic) Herbert von Karajan a toujours dirigé avec probité et inspiration Tchaïkovski. Oui je sais, c'est parfois plus discutable pour d'autres compositeurs et d'une version à une autre puisque le chef multipliait les gravures pour les œuvres qu'il aimait.

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La sérénade est découpée en quatre mouvements. C'est une œuvre de musique pure qui ne justifie pas une analyse très poussée sur le fond. Sur la forme pourtant, Tchaïkovski n'hésite pas à outrepasser l'académisme encore en vogue en cette époque romantique finissante.

1 - Pezzo en forma di sonatina. Andante non troppo - Allegro moderato (ut majeur) : Le premier mouvement s'ouvre sur un andante au ton plutôt grave mais non tragique comme le permet d'ailleurs la tonalité d'Ut majeur. Je parlais plus haut d'accent slave. Nous écoutons ici les longues phrases nostalgiques aux cordes caractéristiques du style russe. On imagine les steppes, les longs hivers, en un mot les images d'Épinal que nous avons tous de la grande Russie. Le tempo andante et non adagio s'écarte du principe de l'époque classique, adagio au ton parfois métaphysique. [2:13] L'allegro ne doit pas se précipiter. Le discours est très articulé, gouailleur par moment. Le développement, savamment découpé, rejette la forme sonate pure et dure, évitant les reprises trop formelles. [5:12] Reprise il y a, mais une astuce sur la tonalité permet d'obtenir un climat plus festif. [8:15] La coda reprend la thématique de l'andante puis se conclut par quelques mesures nostalgiques.

2 - Valse. Moderato. Tempo di Valse (sol majeur) : [09:40]  Un mouvement très connu car souvent exploité hors de son contexte dans des films. Il s'agit d'une valse à trois temps de construction très libre à l'esprit à la fois guilleret pour le second thème, choix qui contraste avec le thème initial plus nocturne. Une page d'une grande simplicité et élégante…

3 - Elegia. Larghetto elegiaco (ré majeur) : [12:52] Élégie ? Tout est dit. Ce mouvement lent révèle toute sa poésie par une grande richesse mélodique, des pizzicati charmeurs, des syncopes qui ménagent le suspens dans la musique d'un homme connu pour son hypersensibilité. Les cordes de la Philharmonie de Berlin sont décidément toujours aussi sensuelles et soyeuses à toutes les époques. Un larghetto qui s'achève tel un doux assoupissement.

4 - Finale (Tema russo). Andante - Allegro con spirito - Molto meno mosso - Tempo I - Più mosso (ut majeur) : [22:05] Le final épouse la forme bipartite du premier mouvement. L'andante d'une grande intériorité introduit une première idée plutôt bucolique. [23:45] L'allegro se veut beaucoup plus primesautier, reflet d'une fête villageoise. Comme beaucoup de compositeurs de cette époque, Tchaïkovski aimait construire sa musique sur des airs populaires entendus lors des promenades. La coda reprend une fois de plus le noble thème de l'andante initial.

(Partition)

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