P. Sellers et B. Edwards |
L’inspecteur
Jacques Clouseau est entré à la Sureté Judiciaire en 1963, dans le film LA
PANTHERE ROSE. Et s’il y a un truc auquel Blake Edwards ne s’attendait pas, c’est
que son film deviendrait célèbre grâce à son générique en dessin animé (décliné
en quelques 200 épisodes), au thème musical d’Henri Mancini, le « Jeux interdits »
des apprentis saxophonistes, et à un personnage secondaire, faire-valoir des
stars : Clouseau.
Ce
premier épisode est une comédie romantique et policière, sophistiquée, comme Stanley Donen en a
réalisées, avec la divine Claudia Cardinale, le divin David Niven, le jeune
premier Robert Wagner, et pour l’aspect comique de la chose, le trublion Peter Sellers. Bon film, charmant, gros succès, mais Blake Edwards sent bien qu’il a intérêt
à capitaliser sur la vraie vedette de l’histoire, le personnage de Clouseau, qui
revient l’année suivante dans QUAND L’INSPECTEUR S’EMMÊLE (1964) davantage
porté sur le gag. Plus rien pendant 10 ans, et en 1975 sort LE RETOUR DE LA
PANTHERE ROSE, qui reprend les personnages du premier (et le fameux « Qui
dit Lady Lytton, dit Lord itou ? »), aussitôt suivi de QUAND LA
PANTHERE ROSE S’EMMÊLE (« The Pink Panther Strikes Again »), sujet de
notre petite conversation…
Car
c’est l’épisode que je préfère, en tout cas celui que je connais le mieux,
oublions les suites navrantes, la production osant sortir des épisodes après le
décès de Peter Sellers, qui apparaissait dans les flash-back issus d’anciens
films, ou des plans mis au rebut, sans parler des reboot avec Roberto
Benigni, Steve Martin et Jean Reno…
Dreyfus, souffre douleur involontaire de Clouseau |
QUAND
LA PANTHERE ROSE S’EMMÊLE porte à son paroxysme les relations haineuses entre l’inspecteur
Clouseau et son supérieur le commissaire Dreyfus, joué par Herbert Lom, second rôle à la carrière impressionnante, de LES FORBANS DE LA NUIT, TUEURS DE DAMES, SPARTACUS...
Dreyfus, pensant être soigné de ses pulsions meurtrières, quitte l’asile où il
était interné, pour retomber bien vite dans la folie. Le fameux générique convoque
cette fois BATMAN et CHANTONS SOUS LA PLUIE, et à la fin ce sera LES DENTS
DE LA MER !
Clouseau
rentre chez lui (magnifique gag du sac de riz, mais si je commence à tout
pointer y’en a pour des heures) et se fait attaquer par Kato, son fidèle majordome
chinois (« ah, Kato, mon jaune ami »), chargé de le surprendre, être
fourbe et malin afin que Clouseau garde les bons réflexes de
défense. En bon amateur de Tex Avery, Blake Edwards va se déchainer, et l’appartement
sera littéralement dévasté ! D’autant plus que Dreyfus y a placé une
bombe, à laquelle Clouseau échappera grâce à son costume de Quasimodo dont la
bosse gonflée à l’hélium le fera voler par la fenêtre ! Magnifique plan où Clouseau/Quasimodo, au-dessus
de la Seine, passe devant les cloches de Notre Dame.
L’histoire
en tant que telle, on s’en fout un peu, y’a des meurtres, des enquêtes, mais on
s’y perd. Le film fonctionne en grandes séquences, dont la plus mémorable est celle
du manoir, où Clouseau doit confondre un coupable dans une assemblée de suspects.
Séquence prétexte à une suite de gags qui s’enchainent dans la
continuité. C’est parce que Clouseau entre dans la salle de sport - génialissime gag de l’interrupteur -
voit les barres parallèles (« à l’école de police on me surnommait le
polisseur des barres parallèles ! »), qu’il tombe
au rez-de-chaussée, se brûle la main coincée dans le gant d’une masse d’arme, dont
la boule pend au dessus de la cheminée, masse d’arme qui va réduire en pièces un piano du XVIIIè siècle au prix inestimable parce que Clouseau voulait y écraser une mouche. («
mais c’est un Steinway ! » « Plus maintenant. Et cessez vos
jérémiades, un marteau, deux clous, et le bastringue est réparé ! »)
Que
ce soit « ah le gag éculé du polichinelle dans le placard » quand
Clouseau pensant soigner sa sortie théâtrale du bureau des inspecteurs se
trompe de porte et entre dans la penderie, ou « madame zut et zut »
qui devient ensuite « madame ruche en rut », toutes ces répliques
sont issues de la version française. Ayant été bercé par ces films, je les
regarde encore toujours en français. On perd l’accent frenchy prononcé de Peter
Sellers, mais on y gagne une nouvelle partition de dialogues surréalistes et l'excellent doublage de
Michel Roux, qui comme son collègue Roger Carel pouvait prendre mille accents
différents.
Blake
Edwards donne aussi dans les séquences muettes, en long plans larges, comme ce
chassé-croisé dans une chambre d’hôtel, où Clouseau ignore la présence d’une
sublime espionne russe, Olga, nue sous sa fourrure, jeu de va et vient vers les
interrupteurs. La musique de cette séquence a d’ailleurs été reprise des années
plus tard par Valérie Lemercier pour son premier film. Et puis la séquence à la
fête de la bière, à Munich, ce gag des deux tueurs qui s’entretuent dans les
toilettes, et où on croise Omar Sharif, et l’apothéose avec l’attaque du château
fort. Car le fou et machiavélique Dreyfus y a fait prisonnier un savant, chargé
de construire un canon laser pour détruire l’Amérique, à moins qu’on lui livre
Clouseau ! Dans les scènes à la Maison Blanche, on y croise Kissinger !
Clouseau
doit donc entrer incognito dans le château, entouré de douves. Il s’y reprend à
plusieurs reprises, avec un treuil, un canoé, au saut à la perche, et à chaque
fois, le pont levis s’abaisse et lui écrase la gueule ! Typique du gag à
répétition chez Edwards. Clouseau pénétrera finalement déguisé en vieux dentiste,
ayant appris que Dreyfus souffre d’une rage de dent. « Ca va faire mal
docteur ? », « non, pas avec ce masque anesthétique en coton de
coton » répond Clouseau, qui goute au gaz hilarant, qui fait fondre son
faux nez, l’appendice pendouille comme une grosse morve. Séquence prétexte pour
Edwards à donner dans l’hommage au film fantastique, Dreyfus en professeur-fou
jouant de l’orgue quand son repère s’explose en tous sens.
De
films en films, on retrouve des scènes récurrentes, cent fois sur le métier Blake
Edwards filme son ouvrage, ajoutant ci et là des détails, un autre point de vue,
comme les « Taxi, suivez cette voiture ! », le chauffeur démarrant donc en trombe sans que Clouseau ait pu monter dedans ! Le Clouseau en
improbable Don Juan parsème la série, la dernière séquence de QUAND LA PANTHERE
ROSE S’EMMÊLE en est l’aboutissement. On retrouve la belle Olga, ou plutôt,
Clouseau la retrouve dans son lit, qui supplie d’être honorée. Clouseau se
lance dans un striptease ridicule, n’arrivant pas à retirer ses vêtements, ni sa
cravate, qu'il décide de passer par-dessus sa tête… Dans un jeu soudain de lumières
psychédéliques et de bulles de savons (qui renvoient à THE PARTY), Peter
Sellers apparait en bellâtre hippie, sa cravate en bandana, se
glisse sous les draps, sans savoir que le fidèle Kato, s’y est glissé aussi !
La
science du gag de Blake Edwards fait mouche, sa mise en scène d’une précision
diabolique aussi, on y retrouve ses thèmes, le travestissement, le théâtre, le vaudeville, les références aux genres hollywoodiens, et bien sûr Peter Sellers, immense comédien, qui enlève le tout, engoncé dans son trench coat, composant une silhouette de cinéma presque aussi célèbre que le vagabond de Chaplin ou Monsieur Hulot de Tati. On sait
que l’acteur était un grand improvisateur, d’où les plans larges, longs, en scope, souvent
à plusieurs caméras (Kubrick dans FOLAMOUR utilisait la même technique) pour
être sûr de ne rien rater de ses gesticulations. Les quatre premiers
films sont pour moi des piliers de la comédie, pas toujours très légers, je vous l'accorde, mais
irrésistibles, et à la folie crescendo. Cet épisode me semble le plus dingue.
couleurs - 1h40 -
scope 1:2.35
La bande annonce en VO (pas trouvé mieux) et le polisseur de barres parallèles...
La bande annonce en VO (pas trouvé mieux) et le polisseur de barres parallèles...
autre film de Blake Edwards chroniqué : Victor Victoria (1982)
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