- B'jour M'sieur Claude, ce n'est pas la joie ce matin… Quel incendie ! Enfin il n'y a eu aucune victime…
- Mouais
Sonia, du coup je vais changer mon programme musical de la semaine… Schumann était prévu samedi,
on écoutera Bach joué à Notre Dame…
- Je sais que
vous êtes un passionné d'architecture, notamment de l'art Roman et Gothique…
Gros cafard devant ce désastre ?
- Oui
forcément, mais des grands artisans vont la soigner…
- Vous auriez
pu écrire "interprétait"…
- Non justement,
par la magie du disque, la voix de la cathédrale meurtrie nous parle toujours…
Le buffet et la rosace du couchant (ouest) |
Mardi matin, quand j'écris ces lignes, l'édifice a
tenu même si fiévreux et tremblant, les pierres ayant défier le feu de l'enfer si je puis me permettre cette image en de telles
circonstances et pour ce lieu sacré. Tristesse et soulagement, quelques soient les convictions artistiques et spirituelles de chacun. Je
ne vais pas philosopher à propos de la dimension tragique de l'accident. Les
médias, les râleurs professionnels, les polémistes et les politiciens s'en chargeront. Mon sentiment ? Prendre son temps, ne pas jouer la montre pour viser une reconstruction à coup de béton pour les J.O. de 2024. Mon Dieu, mais quel est le rapport entre les deux évènements 😖 ? Cherchons à retrouver à l'aide de tous les corps de métier qualifiés l'esprit des grands bâtisseurs du passé.
Même si cette merveille architecturale se réveille
martyrisée - une prouesse de nos ancêtres du moyen-Âge (107 ans de travail) -
il n'y a eu aucune victime. Ne nous laissons pas gagner par le désir de hiérarchiser
ce genre de drames. Pensons à l'attentat des Twin Towers en 2001 (buildings plutôt banals, mais 2700 morts) ou encore aux vieux immeubles vétustes, des poudrières
habitées par de petites gens et dont les propriétaires négligent le délabrement, cause
de fournaises avec des pertes humaines. En 2003, ma maison a brulé en partie, incinérant
tous les souvenirs des trois enfants, des cahiers de classe aux vêtements,
en passant par des peluches, trois ados tétanisés ; dur ! Mais nous avons
reconstruit et regardé vers le futur.
Notre-Dame renaîtra de ses cendres même si j'ignore ce matin si je reverrai de mon vivant les merveilleuses rosaces à la lumière surnaturelle.
Quant au grand orgue (souvent restauré par le passé), séché, nettoyé, accordé, il
chantera de nouveau, réconciliant musique religieuse et profane. Les vibrations à
la puissance cyclopéenne ou aux accents méditatifs résonneront encore et encore…
L'un de ses organistes titulaires, Olivier Latry, se retrouve orphelin ce
matin… J'improvise une chronique au fil de ma pensée et je la lui dédie, comme
à tous ceux qui ont un pincement au cœur.
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La musique est un art vivant. Ce papier ne sera surtout pas
une épitaphe et je reprends ma maquette habituelle, un billet plus court, sans
détour musicologique. Certes le disque ne permet pas de s'offrir des frissons comparables
à ceux de l'écoute réelle d'un orgue déchaîné, cette force qui prend aux tripes lorsque
l'on pénètre impromptu dans la nef quand l'organiste répète. Peu importe, les couleurs
sont assez fidèles de nos jours avec du bon matériel. L'orgue de Notre-Dame de Paris est l'un des
plus grands instruments romantiques des cathédrales françaises. Pourquoi choisir Bach et ses partitions conçues a priori pour
des orgues baroques à traction mécanique, et non des œuvres monumentales de Widor, Vierne
ou Messiaen ? Parce que joué sur n'importe
quel type d'orgue et même sur un accordéon, Bach
reste universel… Si notre belle cathédrale a perdu provisoirement sa beauté, sa
voix continuera à nous parler grâce aux gravures qui y ont été réalisées.
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Olivier Latry dos à N.D. avant la catastrophe... |
Les organistes titulaires en poste sont : Olivier Latry (depuis 1985), Philippe Lefebvre (1985) et Vincent
Dubois (2016) qui a
succédé à Jean-Pierre Leguay (1985-2015) qui reste organiste titulaire
émérite. Tous ont des fonctions de concertistes et de pédagogues en dehors de ces postes et seront amenés à
apporter leurs compétences lors de la restauration.
Olivier Latry est né
en 1962 et poursuit une carrière internationale. Au-delà de sa virtuosité, le
musicien a la réputation d'un grand improvisateur, péché mignon des organistes.
Au début du siècle, il a gravé pour DG
une intégrale en 6 CD de référence de l'œuvre d'Olivier Messiaen à Paris ; je l'écoute en écrivant. Et,
il y a tout juste un mois, est paru un album consacré à un florilège d'œuvres de
Bach dont la très connue Toccata et Fugue
en ré mineur.
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Des puristes estiment que jouer Bach
sur un orgue romantique surdimensionné est un contresens ! On doit jouer Bach sur des petits orgues baroque de 20 à
30 jeux et à traction mécanique pour obtenir plus de réactivité dans le touché…
Bof ! Qui peut affirmer que le Cantor n'aurait pas souhaité disposer d'orgues
aux registres plus étendus, à la puissance plus spectaculaire, offrant la
possibilité de crier vers son Dieu. Marie-Claire
Alain avait gravé trois intégrales, deux sur des instruments
modernes, l'autre sur des instruments anciens comme l'orgue de Saint-Donat dans
la Drome. Deux cycles tout aussi passionnants. André
Isoir avait lui aussi fait la tournée d'orgues baroques
en Europe pour sa belle intégrale. Et au début du XXème siècle, Albert
Schweitzer, médecin philanthrope et organiste, jouait à merveille
Bach sur des orgues romantiques. Le débat
est clos. L'inspiration est la clé de la réussite, surtout pour les deux
ouvrages de musique pure que j'ai choisi de vous faire entendre. À l'interprète
de sélectionner les jeux qui magnifient la belle polyphonie des fugues sans
provoquer des acouphènes.
Donc Olivier Latry
vient de faire paraitre un album innovant. Sans doute le dernier enregistré dans la
cathédrale avant bien des années. Vous serez surpris par les sonorités obtenues
notamment lors de la transition entre la toccata et la fugue en ré mineur [3:05]. L'organiste
passant de la furie mystique à une douceur plus intime, plus terrestre, la fugue devenant un prodigieux crescendo, un symbole de l’Élévation. La
vidéo offre une visite en forme de voyage astral dans la nef, le buffet et les
mécanismes d'orfèvres de l'instrument. À noter la modernité de la console par
rapport à l'ébénisterie très "romantique" du buffet à voir sur
certains plans…
Olivier Latry, assez
provocateur, fait mugir et murmurer Bach,
à l'encontre d'une certaine tradition. Nul mieux que lui peut justifier cette
approche : "Il
faut se nourrir du passé pour se projeter dans l’avenir". "L’orgue ici est
un instrument symphonique, gigantesque". "Or si on le
compare à certains instruments que Bach a pu jouer, on est loin du compte."
"Je
voulais imaginer comment la musique de Bach pouvait passer les siècles au-delà
de toutes contingences musicologiques."
Plus développé, le Prélude et fugue en mi bémol majeur
(BWV 552) présente un long, méditatif et joyeux, presque fantasque prélude,
suivi d'une fugue à 4 et 5 voix [9:05].
Vidéo 1 : Toccata et fugue en ré mineur
; Vidéo 2
: Prélude et fugue en mi bémol majeur
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Dernière
heure : l'orgue à souffert, on
s'en doute. La suie et les cendres, l'eau des pompiers, les gouttelettes de
plomb fondu, la chaleur sur les 8000 tuyaux en étain… L'électrification est à refaire,
la console aussi vraisemblablement, et le buffet est déstabilisé. Il est
envisagé de le démonter "au plus vite" l'orgue, tout réparer pièce par pièce chez un facteur trèèèès
qualifié avant de tout remettre en place après la reconstruction de la cathédrale…
Là encore, on parle d'années de travail ! Actuellement, c'est le facteur d'orgue corrézien Bertrand
Cattiaux qui est en charge de l'instrument depuis des décennies.
Je suis étonné de ton choix, vu la tragédie de l'événement, j'aurais pensé que tu aurais pris un classique de Cochereau ou de M.C Alain (j'ai une vieille enregistrement chez Erato que j'ai hérité de ma grand-mère)
RépondreSupprimerJ'ai préféré être dans le présent. Un Bach moderne, un organiste moins connu que ceux qu tu cites et pourtant...
RépondreSupprimerEt puis les vidéos (un drone ?) pour visiter l'orgue.
Donc, oui, l'actualité, y compris celle du disque. Pas nos souvenirs de grands-mères.