lundi 1 avril 2019

Les jumeaux Vaclav & Rafael KUBELIK : de Zorro à la Direction d'orchestre – par Claude Toon


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Vaclav Kubelik xxxx Rafael Kubelik

- Mais M'sieur Claude… Que le grand maestro Rafael Kubelik déjà connu du Deblocnot ait eu un frère jumeau, pourquoi pas, mais quel est l'intérêt de la chose ?
- Regardez bien Sonia, Vaclav, son frère, était acteur et doit vous rappelez un personnage de série que l'on voit depuis près de 60 ans à la télé……
- Maintenant que vous le dites… Je réfléchis… C'est vrai on dirait Bernardo, le serviteur muet de Zorro, la série culte et cucul de Disney…
- Bingo mon petit, le monde de la musique, du cinéma ou de la télé offre des destins parallèles, drôle d'histoire pour les frangins Kubelik nés en 1914…
- Ils se ressemblent incroyablement, mais si le chef d'orchestre a connu une grande célébrité, pourquoi son frère jouait simplement un serviteur muet ?  
- Quand on est originaire de Bohème, on parle un anglais pittoresque, d'où une carrière de mime dans un pays de refuge pour deux hommes qui fuirent aux USA les dictatures européennes…
- Houhou, j'attends la suite de cette drôle d'histoire…

Jan Kubelik
C'est rigolo ces séries TV inusables même si simplettes… Zorro, et son mini masque, tellement petit que les personnages devraient consulter un ophtalmo d'urgence… On se demande comment pendant 78 épisodes (US), personne ne reconnait don Diego de la Vega ? Même taille, même corpulence, même voix et surtout la fine moustache brillantinée… RDV tous les dimanches sur FR3 depuis 2018 (3ème diffusion sur cette chaîne après M6, vraiment culte), même les arrières petits fils des gamins comme moi qui découvrir dès 1965 cette série créée en 1957 en NB sur l'écran de l'ORTF se passionnent pour ces épisodes aux scénarios pour le moins itératifs…
Juste une entrée en matière pour en arriver au sujet du jour. En feuilletant un vieil exemplaire de la revue Diapason de 2014 qui proposait un hommage au chef d'orchestre Rafael Kubelik qui aurait eu 100 ans cette année-là, le rédacteur avait mentionné ce petit détail people et cocasse : la gémellité entre le maestro et l'acteur interprétant Bernardo, le serviteur, pour ne pas dire complice, du cavalier masqué.
Tous les mélomanes connaissent l'homme Rafael en tant que chef d'orchestre. Le mahlérien qui gravait pour DG l'une des premières intégrales des symphonies en parallèle de Bernstein œuvrant pour CBS, Bernard Haitink pour Philips et aussi Solti pour DECCA dans les années 60-70. Une seconde intégrale en Live sera captée pour Audite plus tardivement. Quatre articles lui ont déjà été consacré dans le blog : La Moldau de Smetana (avec sa biographie - Clic), Le Stabat Mater et la 7ème symphonie de Dvorak, et récemment Taras Bulba de Janacek. (Index) Et oui, beaucoup de compositeurs tchèques que l'artiste a si bien servis.

Rafael le maestro
Rafael Kubelik avait vu le jour en 1914 en même temps que Vaclav (La famille Kubelik aura huit enfants 😳). Ne me demandez pas qui est "sorti" le premier, mes sources ne détaillent pas l'évènement à ce niveau 😀. Déjà que j'ai dû fouiner dans des sites bizarres en anglais et même des articles en tchèques (merci les traducteurs automatiques). Si, comme je l'avais déjà raconté, Rafael va suivre le chemin du papa, le violoniste et compositeur Jan Kubelik, et devenir le maestro si connu, Vaclav suivra des études plus classiques. Pas du tout passionné par la musique – les familles Capuçon sont rares – il  s'intéresse au théâtre dès les années de collège. Lorsque son frère part pour le conservatoire de Prague, certains étés, ils se retrouvent pour monter entre camarades des spectacles musicaux comme l'opéra de quatre sous de Kurt Weil (ils ne pourront plus s'adonner à ce genre de fantaisie quand la peste brune aura envahi en 1938 le pays, Weil étant interdit comme tous les compositeurs juifs).
Vaclav Kubelik commence une carrière d'acteur, des petits rôles dans les théâtres de Prague et de Brno. Les deux frères restent très liés et vont poursuivre leurs carrières respectives pendant les années terribles de la guerre. Les tchèques sont patriotes. Malgré un saut aux USA fin des années 30 pour accompagner son père en tant que chef et pianiste, tournée propice à une évasion pour un exil, Rafael tout comme Vaclav va tenter de survivre dans l'enfer nazi, même après la mort de leur père en 1940. Rafael devra prendre le maquis et abandonner son poste à l'opéra de Brno après avoir refusé de saluer à la manière nazie Hans Frank, Gauleiter de Bohème-Moravie, puis de Pologne, monstre pendu au procès de Nuremberg pour une liste de crimes qui fait froid dans le dos. De son côté Vaclav organise des soirées poétiques clandestines dans les caves où l'on y lit les auteurs interdits comme Hermann Hesse ou Stefan Zweig.

Erich Wolfgang Korngold
Rafael épouse en 1943 la violoniste Ludmilla Bertlová. Vaclav est encore célibataire (officiellement). En 1948, à l'arrivée du régime communiste et à la mise en place du rideau de fer, Rafael, Ludmilla et Vaclav fuient cette nouvelle dictature, cette chasse à la liberté, le retour, trois ans après la mort d'Hitler des prisonniers politiques. En 1953, le régime condamne Rafael par contumace pour ses voyages à l'ouest (on pensera à Yves Montand dans l'Aveu), puis en 1956 l'invite à un retour en garantissant sa liberté. Échaudé, le chef alors reconnu en occident décline l'offre, il a dirigé l'Orchestre Symphonique de Chicago de 1950 à 1953, la grande classe.

Pour Vaclav qui maitrise encore mal l'anglais, les temps sont durs. L'acteur aime le registre comique et il organise des soirées cabaret pour la communauté des tchèques et autres slaves réfugiés aux USA. Bien que les deux frères se voient entre deux avions (Rafael dirigera l'Opéra de Covent Garden de 1955 à 1958), les liens familiaux ne se délitent pas. Rafael a de nombreuses relations dans l'univers musical Yankee qui compte nombre d'expatriés et parmi ceux-ci un ami : Erich Wolfgang Korngold, natif lui aussi de Brno. Korngold a dû fuir l'Anschluss et la Shoah. À Hollywood, il vit ses dernières années (il meurt en 1957). Il s'est fait une place au soleil comme compositeur de musiques de film et d'œuvres classiques comme son célèbre concerto pour violon que je vous avais proposé sous l'archet de Renaud Capuçon (Voir la chronique – Clic). Très proche de Rafael, il va intercéder pour trouver un job stable pour Vaclav qui doit prendre un pseudonyme… Le destin prend un virage. Disney cherche un acteur doué pour le mime, à la bouille sympathique, et non dénué d'humour. Bernardo est né ! En fait dans les aventures de Zorro, Bernardo se fait passer pour sourd alors qu'il n'est que muet, c'est pratique pour écouter aux portes…
Vaclav dans Bernardo
La série est destinée à financer la construction de Disneyland grâce à un feuilleton TV très populaire, la télévision est une technologie désormais adulte, et c'est la chaîne très réputée ABC qui accepte le projet. Après un début mitigé, le succès est au rendez-vous et le personnage de Bernardo attire la sympathie dans ce feuilleton familial, tout comme le ventripotent, benêt et un peu poivrot sergent Garcia (Henry Calvin) et bien entendu Don Diego-Zorro (Guy Williams). Le tournage s'étire sur quatre ans de 1957 à 1961. Pour la petite histoire, l'acteur retrouvera Henry Calvin dans un autre film pour Disney, Le Clown et l'Enfant réalisé par Charles Barton en 1960.
Curieuse destinée pour les jumeaux Kubelik, l'un est resté l'un des maestros parmi les plus légendaires du XXème siècle. L'autre est devenu dans la culture bon-enfant l'archétype du second rôle que trois générations ont continué d'apprécier malgré la faiblesse des scénarios. Les 39 épisodes diffusés en France sont toujours disponibles en DVD (Ils ont été colorisés en 1992).
Vaclav aimait aussi la peinture et la photographie. Il s'éteindra à Hollywood en 1982 d'une crise cardiaque. Son frère Rafael lui survivra jusqu'en 1996 après une carrière prestigieuse, dirigeant notamment l'orchestre de la Radiodiffusion Bavaroise de 1961 à 1979, succédant à Eugen Jochum qui l'avait fondé.

- Une belle histoire de fraternité M'sieur Claude…
- Oui Sonia, j'ai l'impression d'écrire l'une des "belles histoires de l'oncle Paul" publiées dans le journal Spirou dans les années 60…

Pour conclure : un épisode de Zorro et un live avec Rafael Kubelik dirigeant la 2ème symphonie de Beethoven

6 commentaires:

  1. Ah étonnant, je croyais que l'acteur qui jouait Bernardo s'appelait Gene Sheldon.

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    1. Il ne faut pas lire ce que l'on trouve sur Internet, c'est bourré d’erreurs...
      M'enfin, :o)

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  2. Tout a fait ! l'acteur qui jouait Bernardo dans la série des Zorro de Disney s'appelait Gene Sheldon (Nom d'artiste) et de son vrai nom Eugène Hume et est décédé en 1982

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  3. ...A moins que cette chronique ne soit qu'un poisson d'avril !!!!

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  4. Ce n'est pas un poisson d'avril mais une coquille sur le web...
    Poisson vs coquille, c'est vite arrivé...

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  5. Au vu de la photo de Jan Kubelik, dans les huit enfants qu'il a eu, il n'y aurait pas eu Jacques Brel non plus ? Je trouve une certaine ressemblance...mais non ! ce doit être une coquille du web !!!!

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