- Dites
M'sieur Claude, j'espère que cette symphonie de Tchaïkovski est moins austère
que la pochette du CD… Imitation cuir façon maroquin, hihihi…
- Oui, je
vous rassure Sonia, une jolie symphonie expansive, émaillée de thèmes
folkloriques ukrainiens, aucunement la gravité de la symphonie
"Pathétique"…
- Mariss
Jansons a déjà été au centre de chroniques, mais avec des orchestres plus
prestigieux que celui d'Oslo, la philharmonie de Berlin entre autres…
- Ne jamais
avoir d'a priori Sonia. Ce chef a hissé cet orchestre au sommet et a gravé des
intégrales de références dans Brahms et Tchaïkovski…
Tchaïkovski vers 1872 |
Je ne sais pas pourquoi, mais la 3ème symphonie
dite "polonaise"
m'ennuie… Dirigée par des pointures comme Karajan,
Gergiev ou peu importe le maestro de
service, rien n'y fait. Il est donc fort possible que jamais ne soit publié un
papier sur une œuvre qui ne me passionne pas malgré surement des qualités que
je ne perçois pas. J'avais écrit un petit papier sur la charmante symphonie
N°1
"Rêve
d'hiver" qui chante toute la poésie russe ; le début
prometteur en 1868 d'un compositeur
de 28 ans dans l'univers de la symphonie. Et aujourd'hui, on se régale avec la 2ème
sous-titrée au choix "petite Russie" ou "ukrainienne".
Une symphonie courte et enjouée même si certaines maladresses de composition
alourdissent de-ci de-là son écriture. Certains mélomanes ne l'aiment pas…
L'affinité avec la musique reste décidément un mystère… Le plus bizarre étant
de n'aimer aucune musique dans aucun genre, une forme d'infirmité auditive et émotionnelle
!
La 2ème symphonie sera
composée quatre ans plus tard, en 1872,
entre juin et novembre. Éternel insatisfait, Tchaïkovski
apportera de profondes modifications en 1879-1880
donc après la fulgurante 4ème symphonie qui le
fait entrer dans la cour des grands symphonistes. L'ouvrage gagnera en
concision même si ceux qui connaissent la version originale pensent qu'elle perd en spontanéité.
Depuis 1866,
Tchaïkovski occupe un poste de professeur
au conservatoire de Moscou grâce à l'appui d'Anton
Rubinstein. Il a travaillé durement sur sa 1ère symphonie,
jusqu'au Burn out. L'homme est et restera un hypersensible. État de fragilité psychologique
qui s'explique par son homosexualité qu'il cache au mieux. Un trait de
personnalité qui le condamnera à l'opprobre absolue voire, selon certaines
sources, au suicide "obligé" lorsque la chose sera rendue publique dans la
très prude Russie de 1893…
En 1872, il est
déjà un compositeur influent qui entreprendra bientôt l'écriture de l'une de
ses œuvres les plus célèbres : le 1er concerto pour piano.
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
Mariss Jansons |
"Petite Russie"
est un sobriquet sympathique donnée à "l'Ukraine",
même si les deux pays ou régions sont en bisbille depuis la nuit des temps… Ce
surnom a été donné par le critique Dimitrievich
Kashkine en référence aux trois thèmes folkloriques ukrainiens que le compositeur
a introduits dans son œuvre à côté d'idées musicales plus générales. Et puis
n'oublions pas qu'en cette seconde partie du XIXème siècle, la
musique russe s'attache à explorer un courant nationaliste. Attention pas de patriotisme
intégriste, non plutôt une cohabitation entre les formes traditionnelles occidentales
européennes et une thématique héritée des musiques populaires slaves et une
inspiration nourrie de la littérature et des légendes russes. La manifestation la
plus connue de ce mouvement est la création du Groupe des cinq réunissant des compositeurs autodidactes : Alexandre Borodine (1833-1887), César Cui (1835-1918), Mili Balakirev (1837-1910), Modeste Moussorgski
(1839-1881), Nikolaï Rimski-Korsakov
(1844-1908). Les deux derniers étant des compositeurs d'importance et Rimski-Korsakov étant comme Berlioz considéré comme un maître de
l'orchestration moderne. Tchaïkovski,
élève brillant de conservatoire, ne faisait pas partie du groupe, mais sa 2ème
symphonie, par son attachement aux musiques villageoises et son
orchestration enrichie de percussions, démontre son intérêt pour ce courant
artistique ; à propos d'orchestration, nous avons :
1 piccolo, 2 flûtes, 2 hautbois, 2 clarinettes (en si
bémol et ut), 2 bassons, 4 cors en fa, 2 trompettes en ut, 3 trombones (2
ténors et 1 basse), 1 tuba, timbales, cymbales, grosse caisse, tam-tam (final)
et cordes
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
Nous écoutons une vivifiante interprétation par Mariss Jansons qui a dirigé l'orchestre d'Oslo de 1979 à 2002. L'élève letton
d'Evgeny Mravinsky a hissé ce
modeste orchestre nordique au rang international pendant son long séjour. Ses
intégrales des symphonies de Brahms et de Tchaïkovski apparaissent souvent dans
les Best of (Clic).
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
Cérémonie villageoise - Constantine Savitski (1844-1905) |
Petits rappels de deux a priori lus à droite et à
gauche : "la musique de Tchaïkovski
tend vers la fanfaronnade", "le style de direction de Mariss Jansons se révèle parfois éthéré"…
Je m'inscris en faux, car si c'était le cas, jamais cette symphonie pétulante
n'aurait profité ici d'une lisibilité et d'une légèreté révélant sa faconde
populaire… Tchaïkovski doit bénéficier
d'une lecture acérée comme Mravinsky
avait du le montrer à son élève. Quant au chef letton la transparence est une
obsession en opposition aux lourdeurs postromantiques d'une certaine tradition
germanique…
[3:57] Hautbois, clarinette et basson énoncent le thème
court et enflammé de l'allegro, thème repris avec vaillance par les cordes appuyées
par les timbales. Contrairement à la version initiale de 16' de ce premier
mouvement que je trouve très délayée, Tchaïkovski
développe avec énergie et clarté une musique allègre mêlant les deux thèmes
principaux très différents : l'élégie et l'héroïsme russes. Les chants des bois
sont très présents et même virtuoses. [5:18] Une idée secondaire énigmatique apparait,
dramatique… Ô juste une facétie pour réintroduire le second thème dans un
orchestre qui crescendo acquiery une intensité lyrique peu courante dans les
symphonies du premier groupe. Deux thèmes attachants : un procédé simple qui
conquiert immédiatement l'auditeur. La richesse de l'orchestration et des
variations apporte le petit plus de toute œuvre populaire et captivante. [10:51]
La réexposition in extenso du thème initial aux cors suivi d'un solo de basson
conclut par une belle symétrie ce premier mouvement.
Enfants et poules - Constantine Savitski |
3 - Scherzo. Allegro molto vivace (ut mineur)
: [18:42] Cette symphonie est née sous le signe du rythme. Le scherzo endiablé
mais sans précipitation s'élance telle une farandole syncopée avec des ruptures
de rythme chorégraphiques. Tchaïkovski
se présente comme le génie de la musique de ballet qu'il deviendra. [21:09] le
trio permet à chaque pupitre de vents, notamment les flûtes, d'apporter une note
supplémentaire de vie et d'humour que le compositeur développe peu pour éviter
la moindre longueur et permettre le retour rapide du scherzo [22:06]. La coda
est traitée en forme de variation farfelue…
4 - Finale. Moderato assai - Allegro
vivo (ut majeur) : [23:51] Après deux mouvements qui
côtoient le divertissement, retour du Tchaïkovski
robuste et du style hardi qu'on lui attribue souvent à juste titre. Une courte
introduction majestueuse à la limite de l'emphase nous conduit vers un premier
groupe thématique de nouveau très martial [24:31] et dans lequel les cuivres
prennent une importance qu'ils n'avaient pas jusqu'à présent. Il s'agit encore
d'un thème populaire ukrainien. Un air très allant que le compositeur développe
avec grandeur et puissance en faisant intervenir la percussion à volonté. [26:45]
Adepte des contrastes, Tchaïkovski
aborde un second groupe thématique plus bucolique. La combinaison des deux
groupes offre au final une péroraison fantaisiste et bougrement abrupte qui se
conclura par quelques traits de piccolo et un coup de tamtam [32:26]. La
conclusion à la velléité olympienne très contrastante avec le climat plaisant des trois
premiers mouvements est assez rugueuse, il faut bien l'avouer…
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
Moins fournie que celle du second groupe des trois dernières
symphonies, la discographie des trois premières n'est
heureusement pas maigre. Pour mémoire : l'interprétation pleine de feu de Claudio Abbado avec le Philharmonia marquait au début des années
70 son entrée chez DG. Elle n'est hélas plus disponible dans le couplage avec
la 1ère dirigée par Michael
Tilson-Thomas. Le triptyque a connu une belle gravure récente par
Valery Gergiev et le tranchant orchestre symphonique de Londres (Index
pour la 1ère).
DG a eu la bonne idée de rééditer ces symphonies
gravées tardivement (1979) par Herbert von Karajan
à Berlin. Le chef autrichien interprète ces œuvres de jeunesse avec le même
bonheur que les dernières qu'il a servies plusieurs fois. Un double album qui
comble un vide (DG - 5/6). Son
soyeux et affable, même la morne 3ème a trouvé son maître…
Enfin, un enregistrement original, la deuxième mouture
de la 2ème
symphonie seule par Mikhaïl Pletnev
à la tête de son orchestre national de Russie.
Plus fougueux que lors de sa première intégrale, le chef russe propose en
complément le 1er mouvement dans sa version originale longue. Une
curiosité (Pentagone – 5/6).
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire