vendredi 8 mars 2019

ERIC CLAPTON, LIFE IN 12 BARS de Lili Fini Zanuck (2017-19) par Luc B. comme Blues


Vous avez sans doute vu cette énième compilation d’Eric Clapton, « Life in 12 bars »une vie en 12 mesures » et non pas « ma vie en 12 troquets » ce qui aurait pu être aussi valable...) fleurir les étals de votre disquaire préféré. Une de plus ? Pas tout à fait. Il s’agit de la bande originale du film de Lili Fini Zanuck consacré au guitariste anglais. Un film, un vrai, pour les salles de cinéma, même s’il fallait faire 400 km pour trouver une séance (le film est distribué en France 2 ans après sa réalisation...). Par chance, ma petite salle municipale a dégotté une copie.
l'oeil mauvais... avec Pattie Boyd
Le film s’ouvre sur une image verticale (mais bordel, quand vous filmez avec un téléphone, retournez l’appareil, ça sert à quoi que le 16x9 y se décarcasse) avec un Clapton dévasté par le décès de BB King - il réagissait sur facebook - et s’achève par un BB King bien vivant au festival Crossroad, disant tout le bien qu’il pense de son créateur – celui du festival.
Eric Clapton avait écrit sa biographie, je vous en ai parlé ici, un bouquin vraiment attachant, intime, dans lequel on découvrait la vie tumultueuse et tragique de son auteur. Le film, très classique dans la forme, déroule la même chronologie, ponctuée de drames. Car la vie de ce gars aurait pu être écrite par un scénariste de mélodrame. Le lire est une chose, entendre Clapton le raconter en est une autre. « Je me sentais différent, mais je ne savais pas pourquoi » dit-il. Tu parles... Il apprend à l’âge de 9 ans que celle qu’il pensait être sa grande sœur était sa mère, et que ceux qu’il pensait être ses parents, étaient ses grands-parents. Et lorsque sa vraie mère déboule enfin, elle lui refuse le droit de l'appeler « maman » au prétexte que c'est trop tard, que cela ne changera rien à l'histoire...
à gauche : le gaucher de Seattle
Plus tard, il y aura cette folle passion amoureuse pour Pattie Byod – mannequin et photographe – qui hélas est mariée à son meilleur ami : George Harrison, le Beatles. Une passion qui va le ronger jusqu’à l’os, et lui inspirer un des plus beaux disques de tous les temps : LAYLA AND ANOTHERS LOVE SONGS (1970). Extraordinaire cette archive où Clapton et Byod sont à une réception, amants clandestins, quand le mari cocu débarque à l’improviste, et demande à sa femme : « tu pars avec lui, ou tu rentres avec moi ? ».
Et comme dans un mélo on aime bien en rajouter dans le drame, ce jour de mars 1991 où Clapton apprend que son fils Conor, âgé de quatre ans est mort défenestré du 53ème étage d’un building de New York. Quel scénariste aurait pu imaginer une scène pareille : en ouvrant les messages de condoléances qu’il a reçus, Clapton tombe sur une lettre de son fils écrite trois semaines plus tôt, mais que la poste a mis du temps à distribuer. Clapton, alors en plein sevrage alcoolique dira : « si après ça je reste sobre, tout le monde peut y arriver ».
Voilà pour les éléments biographiques, puisque ce film s’attache à la vie – et moins à la carrière – du guitariste. Un reproche entendu ici ou là. Sauf que. Musicalement, la période la plus créatrice et novatrice de Clapton se situe entre 1963 et 1970. Les Yardbirds, John Mayall, Cream, Delaney and Bonnie, Blind Faith, Derek and the Dominoes (longue séquence documentée, on y apprend qu'officiellement le premier enregistrement du groupe, c'est sur « My sweet Lord » de George Harisson !). Qui peut se targuer d’un tel palmarès ? Donc la bande son est juste exceptionnelle, d’où l’intérêt de la compile.
Le film est un montage d’archives audio et vidéo. Les voix-off sont tirées d'interview d'époque. Pas de témoignages hagiographiques chiants et larmoyants, du genre Jeff Beck ou Mick Jagger face caméra disant tout le bien qu'ils pensent de leur compatriote. C’est un bon point. Lili Fini Zanuck a retrouvé des bandes vidéo, des interviews (extraordinaire cette archive audio avec Hendrix) des extraits de concerts. Comme ceux de la période 1974-80, où un Clapton le gosier scotché au goulot, descendant une bouteille de Cognac avant le déjeuner, arrive bourré sur scène, insultant ses musiciens, incapable de tenir un set plus de 30 minutes, jusqu’à ce dérapage raciste : « Dégagez ces nègres et ces bougnoules ! »  
les "Derek" et Duane Allman
On se souvient de ces images terribles d’une Amy Whinehouse défoncée. Clapton a fait pire. Accepter que ces archives soient exhumées, montre bien l’honnêteté du bonhomme. On entend Muddy Waters hilare, expliquant que jamais un jeune blanc-bec (Jagger ?) ne pourrait chanter le blues, ou BB King rappelant que, justement, sans ces jeunes anglais, à l’époque où la pop trustait les charts, les bluesmen n’auraient jamais trouvé un nouveau public.
Sont balayées les années post-héroïne (1974), des dizaines d’albums qui passent à l’écran en quelques secondes, où Clapton avoue qu’il n’était pas maître de lui-même. Y compris les pourtant superbes « 461 Ocean Boulevard » ou « Slowhand », et ce live au Japon « Just one night ». Rien sur les années JJ Cale (dommage) ni sur les années Phil Collins (on peut effectivement s’en passer) ni même à propos de l’excellent « From the craddle » (1994). L'histoire s'arrête au  « Unplegged » et sa razzia de récompenses. D'un autre côté, il aurait fallu un film de 4h00...
Y’a un truc qu’on apprend, c'est le don pour le dessin de Clapton. Souvenez-vous de la pochette de l’album de John Mayall « Blues Breakers with Eric Clapton » (1966) on le voit lire une bd. Il était dingue de SF, et le film reproduit ses dessins d’enfant de navettes spatiales comme de modèles de guitares, de bluesmen. Bluffant. Ce mec était un fanatique de Blues, le film montre bien pourquoi il a quitté les Yardbirds qui versaient trop dans la pop. La pop, quelle horreur !
Le prisme de ce film est l’homme, plus que le musicien. D’où une certaine frustration à ne pas en apprendre davantage sur sa technique et ses enregistrements – quoique, des archives le montrent nous dévoiler ses plans, la manière dont il place les micros à telle distance des amplis. C’est un beau film sur un type cabossé par la vie, qui disait en parlant du suicide : « le problème d’être mort, c’est qu’on ne peut plus boire ». Tout est dit.

couleur et noir et blanc  -  2h15  -  format 1:1.85
      

5 commentaires:

  1. C'est un très bon film, très honnête, avec des archives rares. On peut être déçu par certaines lacunes dans sa carrière. J'aurais bien aimé qu'il évoque un peu le concert post-héroïne au Rainbow, le retour en grâce en 1974 avant la plongée dans l'alcool. Mais il s'y dévoile comme rarement. Rien n'est effectivement larmoyant,un documentaire très agréable.

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  2. Exact ! Je me suis posé la même question, pourquoi rien sur le concert au Rainbow, organisé par ses postes, pour justement le tirer de la léthargie opiacée... Un manque d'archive ? Il aurait été intéressant d'avoir quelques témoignages sur la période "Phil Collins" dont on dit beaucoup de mal, mais encore une fois, le but était de le sortir d'un mauvais pas, il aurait été intéressant d'avoir l'avis de Collins, qui franchement, n'avait pas besoin de se lancer là dedans, sauf par amitié.

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  3. Layla à été reprise de nombreuses fois dont une dans la veine acoustique par ..... Henri SALVADOR avec un bon accent frenchie.
    A écouter

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  4. Tu te posais la question ailleurs de savoir pourquoi il avait été de bon ton de dézinguer Clapton ... maintenant on s'en tape, la question essentielle c'est de savoir si Bigflo et Oli vont se reformer, pauvre France ...

    Tu en cites une "dégagez les nègres et les bougnoules". au début des 80's, le groupe anglais le plus populaire (même si ça a duré moins longtemps et pas perduré, leur popularité se mesurait à l'aune des Beatles ou de Queen) était les Jam. Leur leader Paul Weller était un travailliste très engagé, et à côté de ça, t'avais le Clapton qui multipliait (peut-être dans un état second, bien que la répétition laisse supposer qu'il y avait quand même une certaine conviction) les déclarations pro National Front, qui a jamais vraiment recruté ses sympathisants dans le milieu du rock et de ceux qui en écoutent, en Angleterre ou ailleurs ...
    ce qui faisait suite à des années 70 pleines de cognac et de poudres blanches, qui le rendaient incapable de faire son "boulot" médiatique. Absent ou "ailleurs" lors des interviews (exercice que de toute façon il n'aime pas), lâchant juste quelques monosyllabes ou des bribes de phrases incompréhensibles, il se faisait allumer par tous les journalistes (à une époque où la presse musicale tirait à plusieurs centaines de milliers d'exemplaires en Angleterre. et même s'il n'a pas été une cible prioritaire des punks ou assimilés (plutôt remontés contre led Zep et le prog), jamais ils ne l'ont cité positivement, ce qui est suffisant pour te ringardiser ...

    L'épisode Phil Collins et les costards Armani n'ont rien arrangé ...

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  5. Parce que Bigflo et Oli étaient séparés ? Merde...

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