On
n’avait pas revu Clint Eastwood sur un écran depuis 2012 (UNE NOUVELLE CHANCE,
un mélo pas terrible qu’il accepta de tourner pour faire plaisir à Robert
Lorenz qui avait été son assistant), mais surtout depuis GRAN TORINO en 2008,
dirigé par lui-même. Comment l’acteur-réalisateur-producteur de 88 ans
allait-il s’en sortir ? Comme d’hab’ : avec classe, talent, et auto
dérision. Eastwood se filme sans tricherie, les bras sont veinés, ridés, y'a plus que de l'os et de la peau, la démarche est chancelante, mais l'œil plus vif que jamais.
le "vrai" Earl Stone |
Le personnage de Earl Stone s'appelle en réalité Léo Sharp - surnommé El Tata
dans le gang de El Chapo - puisqu’Eastwood adapte ici un fait divers réel. Stone ressemble au Walt Kowalski de GRAN TORINO, vétéran
de Corée, retraité, vieux ronchon (avec 10 ans plus) vivant seul, fâché avec sa
famille… mais en moins misanthrope. Earl Stone aime les gens, même s’il a une
curieuse façon de leur dire…
Ainsi,
cette répartie lorsqu’il aide un couple sur la route à remplacer une roue crevée :
« c’est toujours un plaisir d’aider mes amis nègres ». Stupéfaction
de madame, qui lui fait la leçon : « On peut dire Noir, ou gens de
couleur, ou juste… des gens. C’est vrai vous êtes blanc, et nous noirs, mais… »
et goguenard il lance un truc du genre : « Non sans dec’ ? ça m’troue
l’cul ! ». Franchement, quel metteur en scène filmerait une scène
pareille aujourd’hui… Clint Eastwood n’en a plus rien à foutre des
conventions, et joue avec l’image qu’on se fait de lui. Libéral conservateur,
raciste, facho, aigri, j’en passe et des meilleurs.
Dans le même genre, Earl Stone croise des motards, en rade. Il donne ses conseils de
mécanique. Mais stupeur, les bikers sont des filles : le club des lesbiennes
motorisées. La nana lui lance un « merci, le vieux » auquel il répond naturellement
: « pas d’quoi, les gouines ! ».
avec Allison Eastwood |
Un
octogénaire blanc ne risque pas d’attirer la brigade des stups. Voilà pourquoi
Earl Stone est une des meilleures mules du circuit. En plus, il ne pose pas de
questions. Il fait le job. Ce n’est qu’au quatrième voyage qu’il regarde dans
les sacs qu’on lui confie. Mais Earl Stone ne suis pas les protocoles, marche à son rythme.
Ce qui emmerde ses nouveaux patrons qui lui mettent dans les pattes des mecs
chargés de le surveiller. Quand Earl disparait quatre jours avec 300 kg de came dans son coffre, le cartel exige
qu’il soit éliminé. « Il était à l’enterrement de sa femme ! »
plaide le tueur. Rien à foutre, il faut faire un
exemple.
avec Andy Garcia |
THE
MULE s’apparente au polar (pépère le polar, c’est pas Michael Bay à la caméra) et
au road-movie. Earl traverse les états, scènes évidemment récurrentes (comme
sont récurrentes les plans d'entrées et sorties du garage), mais les paysages changent, qu’Eastwood filme merveilleusement. Le vieux
Earl chante au volant au son de son auto-radio (blues, country…). Excellent :
lorsque les trafiquants placent un micro dans son 4X4 pour une filature plus
efficace, ils se mettent à fredonner avec lui !
Earl
a tendance à faire la leçon aux plus jeunes, que ce soit le tueur Julio, ou Colin Bates, le flic de la DEA, croisé dans un motel. Earl répète à l’envi l’importance de la famille, lui qui a sacrifié la
sienne. Il a délaissé sa fille (jouée par Alison Eastwood, qu’il a fait tourner
plusieurs fois, depuis qu’elle est toute jeune), mais va se rattraper sur sa
petite-fille. Sans être un film testament - on ne lui souhaite pas ! - THE
MULE remet certaines valeurs à leur place, la bonté, la tolérance,
l’entraide, les relations humaines. Il
est chiant le vioc, mais au final tout le monde l’aime bien. Il attire la
sympathie.
Et
la mise en scène… Eastwood tourne vite, une prise ou deux, c’est tout. Chez lui
il faut qu’une réplique sonne comme si elle était prononcée pour la première
fois, naturelle, et pas rabâchée. Eastwood c’est l’anti Actor-studio. Tout le
monde sur le plateau connait son job, connait son texte. Les
plans paraissent simples, évidents. C’est ce qui me bluffe chez ce réalisateur :
ça coule de source. Voyez les scènes d’expositions, un plan et tout est dit. Comme la scène au motel entre Earl
et le flic Colin Bates, le thermos oublié, le 4X4 Lincoln garé, ou la scène du chien policier… Tout cela aurait pu être filmé à grands renforts
d’effets tintintin : mais non. Simple. Limpide.
faites pas chier les vieux |
En fait, Earl redevient comme un gamin, il ne se rend pas compte de ce qu’il est en train d’accomplir (Léo Sharp était apparemment un peu gâteux…) il n’a pas de jugement moral. D'ailleurs, jamais chez Eastwood, contrairement à 99% du cinéma hollywoodien. Pour Earl c’est juste l’occasion de payer ses dettes, reprendre sa maison, continuer à vivre.
THE
MULE n’est pas un chef d’œuvre crépusculaire comme pouvait l’être IMPITOYABLE
ou GRAN TORINO, mais un film très agréable, drôle, sarcastique, un
divertissement plus incisif qu’il n’y parait. Les policiers sont tout de même
vus comme des andouilles incompétents, le chef de la DEA (excellent Laurence
Fishburne) passe son temps à valider ce que lui propose Colin Bates (Bradley
Cooper) en martelant : « ouais, faites comme ça, super, mais je veux
des résultats » 10 fois dans le film ! Le plan final est juste
magnifique. Earl retourne à l’essentiel : ses fleurs.
PS : L’histoire
est donc vraie, Léo Sharp a été arrêté à 87 ans, a plaidé coupable, a fait
trois ans de taule avant de sortir pour raison de santé, il est mort à 92 ans.
On peut voir sur Internet les images de son arrestation, filmée par la caméra
de la voiture de flic, avec le même 4X4 noir.
couleur - 1h55 - scope 1:2.35
J'ai aimé ce site et pour moi je trouve des films tous https://skstream.tube/ que je regarde gratuitement et sans problème, je vous conseille donc de l'étudier.
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