Quatrième
commentaire à propos d'un ouvrage de Douglas Preston : d'abord deux thrillers comme
coauteur avec son complice Lincoln Child (La saga Pendergast), puis un techno-thriller
de SF flippant inspiré par les dangers de l'I.A., Le projet K (Index). Romancier et
Journaliste, Preston
nous propose ici un carnet de voyage, récit de la recherche d'une cité précolombienne mythique, vaguement connue depuis l'époque des conquistadors, mais jamais
située avec précision ; quelque part dans la forêt Mosquitia du Honduras.
Et l'écrivain
a mouillé sa chemise (au sens propre) pour les magazines New Yorker puis National Geographic en partant à presque 60 balais comme reporter dans la jungle la
plus inhospitalière de la planète. Après plusieurs années d'enquête, il rejoint
une équipe d'archéologues. Il participera dans un premier temps à la tentative fructueuse de
découvrir l'emplacement précis de la cité maudite (pour les locaux) avec une
méthode moderne appelée LiDar*…
Nota : Douglas Preston
doit aimer le coin car il avait déjà publié Codex, un roman passionnant sur
la recherche d'un livre magique de médecine maya. Un thriller speedant au
milieu des marécages et des piranhas du Honduras (déjà), avec des héros et des méchants 😯 !
Le but : localiser et explorer une
ville antique nommée Ciudad
Blanca sans attirer les pilleurs, les narcotrafiquants émigrés de la
Colombie depuis le grand ménage Yankee et les exploiteurs criminels du bois de
la belle forêt de Mosquitia et ajouter une pierre à la
connaissance des civilisations précolombiennes victimes d'un génocide viral et
microbien, à savoir la variole et d'autres pandémies apportées par les conquistadors
(voir la vidéo passionnante en fin d'article avec Douglas Preston et en…
français). Sans compter l'esclavagisme…
Le nom de la cité Ciudad Blanca (la cité blanche) vient des
pierres blanches entraperçues au fil des siècles, architecture inattendue dans
cette région de culture Maya. La cité est également surnommée "la cité du Dieu
Singe". Beaucoup ont rêvé de l'Eldorado, de l'or à profusion, mais on ignore la moindre piste pour l'atteindre…
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Frederick Mitchell-Hedges (Le flibustier) |
Aux mieux, ces explorateurs, depuis l'époque de Cortez, disparaissent à tout jamais, ou reviennent bredouilles si ce n'est rendu à moitié fous par les maladies du cru… Preston
nous régale d'histoires fascinantes promptes à ravir les apprentis Indiana Jones qui sommeillent en nous 😎. Une seule certitude surgira de ces tentatives :
ce n'est pas les mayas qui ont construit la cité ! Mais quelle culture
alors ?
Douglas Preston en bon
auteur de thriller fait défiler dans cette introduction d'historien le petit
peuple des escrocs et des rares chercheurs plus charismatiques, mais aussi celui
des mercenaires sans vergogne, des illuminés, et même des mormons qui y cherchent
leurs racines divines, poilant !?
Il en interviewe un grand nombre… Le mystère de l'emplacement
de la "cité blanche" reste cependant entier pour le reporter jusqu'à
la rencontre avec Steve Elkins : un cinéaste et explorateur sérieux,
intrépide et obsédé par la Ciudad Blanca depuis des décennies. Elkins
entreprend l'impossible rêve de sa vie et crée une société UTL "Under the LiDar*".
L'homme ne recule devant rien : obtenir que des organismes scientifiques, quasi
secrets, utilisent leurs techniques les plus sophistiquées pour cartographier Mosquitia
; ou encore manipuler la pin-up d'un ami pour obtenir en pleine rue le feu vert
du Président hondurien dans ce pays hanté par les narcotrafiquants et plombé par la corruption et les coups-d’état, et enfin trouver le
financement. Nous sommes en 2010. Douglas Preston déchaînera sa plume en 2017. Le livre déborde d'une myriade
d'anecdotes pittoresques et croustillantes et même de hors sujets comme la
géopolitique de la banane au Honduras… Quand on aime, on ne compte plus les
pages, et nous non plus…
* Nom du radar
laser qui a permis la cartographie et le repérage. Laser Imaging Detection And
Ranging (détection et estimation de la distance par la lumière). Un engin
classé Secret Défense…
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La canopée va-t-elle livrer quelques secrets ? |
Intermède : dans le groupe, il y a Bruce
Heinicke,
un aventurier et un pilleur d'antiquités, mais surtout un "pote" d'Elkins.
Le mec capable de tout obtenir dans ce pays dangereux. Sa méthode : sortir un
flingue et viser la tempe, même pour demander une clope, tant pis pour les non-fumeurs 😂. Il peut
dégoter un hélicoptère dans l'heure… On s'attend à croiser Jason Statham. Je m'égare. Preston doit s'engager à garder le secret ; la
concurrence et les malfrats rodent… Bruce
décède en 2013… Il ne connaîtra pas l'épopée finale…
2015 : départ en hélicoptère pour atteindre la vallée de la cité mystérieuse
réputée maudite et enfin localisée depuis trois ans en pleine jungle du
Honduras. Oui, par voie aérienne, car la reconnaissance par radar a montré
l'absence de rivière navigable et ladite vallée est entourée de montagnes
escarpées infranchissables. Une jungle taboue jamais explorée par l'homme. Preston travaille désormais pour National Geographic, la référence. Le
producteur et réalisateur Bill Benenson finance et partira tourner un
documentaire…
Andew Wood joue à "Machete" |
Charmante ballade pour Douglas Preston, l'écrivain, l'intellectuel grisonnant, une présence insolite au sein d'une expédition composée de scientifiques et de baroudeurs.
On ne déconne pas et on obéit au doigt et à l'œil à Andrew Wood (Woody), un ex SAS
expert en survie en milieu hostile. On se résume : un petit air de Predator (celui avec Schwarzi) mais à
des fins archéologiques. Pas une destination pour mauviettes.
Ah, ne pas oublier les nuées compactes d'insectes dans
le comité d'accueil. Dont un parasite de l'enfer : le phlébotome
leishmanie qui transmet la leishmaniose cutanéo-muqueuse (ça fait peur et ça peut). En un mot
: une affection nécrosante qui fait pourrir le visage, le palais, et le reste des chairs
du crâne (non je n'ai pas mis de photo, c'est horrifique, lecteur émotif s'abstenir). Autre nom : "La peste blanche" ; c'est plus
poétique. Enfin si l'on veut.
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Steve Elkins appuyé sur un magnifique artefact gravé… Heu, pieds nus dans l'eau ? Et les sangsues ? |
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La découverte aura un prix au retour… La moitié du
groupe revient infectée par la leishmaniose, Douglas Preston compris. Une
maladie de pays pauvre dont les labos et chercheurs se fichent éperdument comme
l'explique très bien le journaliste. Une rude chimiothérapie sera entreprise.
Pour les honduriens, un traitement à base
d'antimoine aussi dangereux que la maladie (pas de médoc à 20 000 $)… On apprend une foule d'infos sur les dangers de transmission
virale ou autres via les avions qui sillonnent la planète sans retenue.
L'auteur conclut son livre en dissertant de manière
simple (ça change des essais compliqués de 700 pages peu grand public) sur la
disparition brutale des civilisations. Première cause : les maladies exotiques
et tueuses qui ne connaissent pas les frontières et bénéficient des dérèglements
climatiques et géopolitiques (VIH, Ebola, Dengue, etc.). À la Renaissance, l'infection
a été ouest-est, mais de nos jours elle devient sud-nord. Ça fait froid dans le
dos lu dans le détail…
Par ailleurs les civilisations précolombiennes ont été
rayées de la carte bien avant l'arrivée des occidentaux par des révoltes dues à
la main mise absolutiste des "élites dirigeantes et religieuses", le
grand écart des modes de vie entre les riches et les pauvres, sans compter des déforestations anti écologiques pour ériger des palais, mais ruiner les récoltes, des mécanismes très
comparables aux injustices de notre société actuelle… On ne semble jamais vouloir apprendre du passé. Là encore une analyse par l'auteur très documentée et terriblement convaincante, et qui se lit comme un roman !
Aventure, archéologie, mépris des malades du tiers
monde, réflexion humaniste, on l'aura compris, un livre très complet, et un
auteur qui se fait lanceur d'alertes.
On imagine difficilement qu'en ce siècle, des écrivains
et journalistes tentent l'impossible, au prix d'y laisser leur peau, pour
étendre encore notre compréhension du passé secret de l'humanité. Sur la forme
littéraire, l'enthousiasme l'emporte sur la rigueur de la rédaction. Douglas Preston possède heureusement une
plume alerte, sans chichi. Pas surprenant de la part d'un gars résident au
Nouveau-Mexique et prêt à sillonner des milliers de km à cheval pour retracer
les pistes des conquistadors. Vous voyez nos pisse-copies français friands des
magouilles politiques à sensation faire cela ? Moi pas… Si, il y en a… mais ils
ne font pas la une des merdias… En tout cas pas sur les chaînes publiques ou
alors à 3H du mat' ! Sur le câble bien entendu, mais l'abonnement à un prix.
J'ai retrouvé mon bonheur de l'ado des années 60
lisant les exploits imaginaires de Bob
Morane d'Henri Vernes ou du Professeur Challenger découvrant le
monde perdu de Conan Doyle… Ne
surtout pas faire l'impasse sur les récits bourrés de photos magiques du Commandant Cousteau explorant les océans sur
la Calypso, mais là, plutôt dans les années 70… Un petit regret, le manque de photos (en e-book) dans cet ouvrage conçu comme un polar, certes fascinant.
Le casting principal :
Comprendre : ceux sans qui rien n'aurait été possible…
De gauche à droite :
Douglas
Preston (écrivain et reporter), Steve Elkins (explorateur et
cinéaste), Bruce Heinicke (la "brute" la plus
débrouillarde du Honduras, +en 2013), Christopher Fischer (archéologue), Bill
Benenson (producteur, cinéaste et financier) et aussi pour la parité - hélas je n'ai pas de photos, même sur les sites universitaires - : Alicia Gonzalez (anthropologue) et son assistante Anna Cohen.
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Le 29 mars 2018, l'émission La grande librairie avait invité
Douglas
Preston à parler de son livre (doublage français). À ses côtés : J.M. Le Clézio (prix Nobel), Jean-Christophe Rufin (médecin et écrivain),
Patrick Boucheron (historien
médiéviste) et Caryl Férey… Un
échange glaçant mais pas glacial (pas le genre de cet héritage d'Apostrophe)
sur la disparition du peuple précolombien de par les épidémies importées… Une
théorie effrayante se fait jour : les rares survivants seraient les métis issus
des viols des précolombiennes… Des générations qui auraient hérités de gênes
immunitaires… (Lien vers l'émission complète.)
À droite, les premières images du Lidar sous les yeux
de Steve Elkins et Michael Sartori (assis). Et debout de gauche à droite : Bill
Benenson, Virgilio Paredes et Douglas Preston.
Albin Michel : 384 pages, disponible en e-book.
Albin Michel : 384 pages, disponible en e-book.
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