lundi 29 octobre 2018

PHONE GAME de Joel Schumacher (2002) – par Claude Toon



- Coucou M'sieur Claude… Ben ! Pas au travail, mais devant un film en sirotant votre café postprandial… C'est quoi ? Un documentaire sur les cabines téléphoniques ?
- Postprandial ?! Vous apprenez le petit Larousse par cœur, c'est bien. Non, Phone Game, un film à suspense de Joel Schumacher et curieusement pas un nanar absolu !
- Oui je vois, vous pensez faire un papier dessus ? tendez' je jette un œil rapidement… Je me prends un petit café sur votre cafetière…
(30 minutes plus tard)
- Ça me fiche les chocottes ce film, il fallait y penser côté scénario. J'attends votre papier si vous en faites un… Bye…
- Heu oui Sonia, j'espère que je ne vous ai pas retardée dans votre travail ? Juste comme ça…
- Non non, pas de lézard, mais je n'entrerai plus jamais dans une cabine téléphonique… De toute façon, il n'y en a plus, les gens piquent les combinés…
- Oui oui Sonia… Je crois que M'sieur Luc attend une publication, il va s'impatienter…

Joel Schumacher, sans grande méchanceté, rime souvent avec film ni fait ni à faire. Ce cinéaste concocte des films plutôt grand public qui ne risquent pas de concourir pour des oscars ou une palme d'or. Rappelons-nous les deux suites données aux deux Batman surréalistes de Tim Burton. Certes un budget colossal et un casting d'enfer : Nicole Kidman, Jim Carrey, Schwarzi, Tommee lee Jones, George Clooney et Uma Turman, tout ce beau monde jouant des "méchants" complètement en roue libre. Même Schwarzi avec ses grimaces n'est en rien réfrigérant (ceux qui ont vu ce naufrage comprendront).
Curieusement pour Phone Game, Joel Schumacher ne bénéficie que d'un budget squelettique de 10 millions de dollars et de 12 jours pour réaliser ce thriller improbable. Il tourne à Los Angeles ce huis clos (en extérieur !) sensé se dérouler à New-York dans la 8e Avenue… Et bien, avec peu de moyen et un sacré culot, le cinéaste réussit à bien nous stresser…

Unité de lieu, Unité de temps, Unité d'action… Les trois règles d'un drame classique appliquées à un thriller ?! Pour le moins, puisque Schumacher nous plante sans bouger (ou presque) sur un bout de trottoir pendant 1H30 moins le générique. Sur le trottoir, une cabine téléphonique un peu délabrée (comme partout) et un téléphone… Le seul qui marche dans cette avenue. De chaque côté de l'avenue, des buildings avec des milliers de fenêtres (important).

Deuxième principe gonflé : un unique plan séquence pour raconter une confrontation flippante par téléphone interposé. Stuart "Stu" Shepard (Colin Farell) passe un simple coup de fil à sa délicieuse maîtresse Pamela "Pam" McFadden (Katie Holmes), maîtresse et jeune actrice pleine d'espoir d'un coup de pouce de Stuart … Tu parles. On comprend vite que Stuart est l'archétype du petit agent connard et suffisant pour artistes en panne de carrière, plutôt des apprenties starlettes.

Ça dégénère dans la cabine. Sympa la veste
Stuart raccroche, mais le téléphone sonne de nouveau. Par réflexe, il décroche et va… tomber en enfer ! Au bout de la ligne : un type à la voix mielleuse qui semble bien le connaître alors que l'inverse n'est pas vrai. Pas de nom, on parlera du sniper puisque l'inconnu menace de flinguer Stuart s'il ne s'amende pas de toutes ses turpitudes, tant professionnelles que conjugales, confession auprès de ses victimes et même face aux médias. Difficile de raccrocher au nez d'un type qui affiche son CV de sniper : meurtre en pleine rue d'un pédophile puis d'un escroc de petites gens l'année précédente. Stuart insulte, vocifère, s'énerve, mais surtout flippe à mort comme chantait Renaud dans "Baston".
Nous, témoins du duel téléphonique, flippons aussi… Et puis la cabine téléphonique c'est comme les chiottes Decaux, Stuart n'a pas l'exclusivité. Il y a du monde qui attend. Ça commence par un brave gars qui lui amène une pizza que Stuart n'a jamais commandée, bizarre, ça craint encore plus. Certains sont faciles à virer à grands coups de gueule voire de latte. Le problème se corse quand les dames de petite vertu commencent à s'énerver (euphémisme) face à ce squatter un peu longuet dans l'usage de leur outil de communication avec les michetons. Elles ont la dragée haute les filles… En effet, c'est LEUR cabine ! Il faut dire que sur l'autre trottoir siège une boite de striptease option sexshop et bagatelle tarifée dans les étages. Manque de bol, le proxénète de ses dames (John Enos III) s'en mêle ; un baraqué avec une veste dorée grotesque qui va gagner la timbale à force de contrecarrer le plan du sniper en tabassant Stuart qui a pour mission de tenir la position (comme disent les militaires)… Par timbale, comprendre une balle qui lui cloue le bec et le cloue également au sol ad divinis ! Buter le maquereau ne pose aucun état d'âme au sniper, à l'évidence. C'est la débandade, les filles hurlent comme si elles avaient perdu tonton George…

Ed Ramey et Kelly
La flicaille radine au milieu de ce merdier à grand renfort de tireurs d'élite. À la tête du détachement : le capitaine Ed Ramey (Forest Whitaker) qui va essayer de raisonner Stuart, de le persuader de se rendre, de jeter son arme… Ben oui, à part lui, qui aurait pu tirer sur le mac ?
Ed Ramey est un malin et même si Stuart est le prototype de la tête à claques du Showbiz de la grande pomme, il va se poser la question évidente : "mais bordel qui est au bout du fil" ?
J'évite le spoiler au niveau de l'intrigue. Il y aura bien des rebondissements, l'arrivée de Kelly (Radha Mitchell), la femme légitime de Stuart, une lunette de visée qui passe de tête en tête via la caméra. A qui le tour ?
Une évidence : Stuart va sauver sa peau mais quid du Sniper (Kiefer Sutherland prête sa voix). Pas que la voix, son visage un instant, mais dans quelles circonstances ? Abattu par un commando, blessé ou pas les menottes aux poignets, prenant la tangente en pleine rue. Non Sonia, je ne parlerai pas.
Colin Farrell est l'un des acteurs fétiches de Joel Schumacher avec Kiefer Sutherland.

Un film court, bien monté, un Colin Farrell crédible en petite fripouille paniquée. Pas de montage épileptique. Le scénario de Larry Cohen laisse un peu trop la part belle à la bonne morale yankee. Mais attend-on un film philosophique de ce qui n'est qu'un produit de divertissement épicé ? Bon ok, les ficelles sont un peu grosses, les effets assez attendus, mais pour une somme ridicule Joel Schumacher a su nous mener sans temps mort à la fin.




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