samedi 25 août 2018

SIBELIUS – Karelia : Ouverture & Suite – Jan ENGSTROM – par Claude Toon




Barque - Pekka Halonen (1908)
Fin juillet, il fait chaud et la météo annonce une canicule pour la semaine… Dur pour moi qui suis de retour des alpages sans pollution et plus aérés que la capitale… Poursuivons la rédaction des commentaires de l'été et allons prendre un bol d'air frais aux senteurs boisées en… Finlande. Eh oui, comme chaque semaine estivale, pas de musicologie et d'œuvre trop sophistiquée à partager. Nos amis scandinaves et nordiques souvent présents dans le blog volent à notre secours. Aujourd'hui, une œuvre peu connue de Jean Sibelius, l'homme au concerto pour violon célébrissime et aux sept symphonies postromantiques voire moderniste pour la 7ème. (Pour les articles déjà écrits : Clic). Nota : comme me l'avait fait remarquer à juste titre un lecteur suite à une erreur de ma part, la Finlande ne fait pas partie de la Scandinavie.
En parallèle de ces ouvrages remarquables, Sibelius a composé nombre de poèmes symphoniques et musiques de scène. Le mois de juillet étant toujours une période favorable à l'écoute de ces pièces assez courtes, nous avons entendu en 2015 et 2017 Chevauchée nocturne et lever de soleil et Tapiola. Il en existe d'autres mais toutes présentent des points communs dans leur inspiration : un amour du compositeur pour sa patrie, l'évocation de l'univers de forêts et de lacs du pays et les légendes proche de l'heroic-fantasy tiré du cycle du Kalevala écrit au début du XIXème siècle, mélange de poème et de sagas trépidantes et dramatiques.

Karelia est une musique de scène composée vers l'âge de la trentaine (1893) par Sibelius, donc une œuvre de jeunesse. Il s'agit d'une commande de l'Association des étudiants de Viipuri qui désirait illustrer musicalement et pour l'orchestre l'histoire assez mouvementée de la Carélie, un isthme frontalier avec la Russie dans cette région au nord de Saint-Pétersbourg. L'histoire de cette portion de terre est en effet agitée et se prêtait assez bien à une suite symphonique de plusieurs épisodes épiques. Je vous renvoie à une encyclopédie en ligne pour les passionnés. Ce soir, je me coucherai moins ignare en ayant appris un mot : Le Carélianisme ! (Le correcteur ne le connait pas 😁)
Initialement l'ouvrage comportait une ouverture et huit tableaux. Sibelius n'en était pas très fier et réduisit ultérieurement l'ensemble, ne conservant que l'ouverture et une suite en trois mouvements. Le reste a été en grande partie perdu. De nos jours, la suite est relativement bien enregistrée, l'ouverture un peu moins. Je propose les quatre morceaux enregistrés par Jan Engstrom avec un orchestre finlandais. Je vous avoue n'avoir trouvé aucune information sur ce maestro… Il semble n'avoir enregistré que ce disque pour un label confidentiel… Il faut souligner que l'interprétation de cette suite ne présente pas de difficulté métaphysique majeure.
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Violoniste - Pekka Halonen
L'orchestration est assez colorée à ce stade de la période créatrice de Sibelius qui reste plus souvent fidèle à l'instrumentation classique, donc :
2 flûtes + piccolo, 2 hautbois, 2 clarinettes en si, 2 bassons, 4 cors en fa, 2 trompettes, 3 trombones, 1 tuba, timbales, grosse caisse, tambourin, cymbales, triangle et cordes.

1 – Ouverture : énergique et de facture rugueuse, l'ouverture adopte une fantaisie rythmique bien en rapport avec le sujet allégorique et aventureux de la musique de scène originale. Comme toute ouverture on peut entendre divers motifs qui seront développés soit dans les tableaux, soit dans la suite. Deux exemples très reconnaissables : L'appel de cor [2:26] et le motif martial du début (Intermezzo) de la suite [2:41]. Une musique brute de fonderie qui n'est pas sans évoquer le style héroïque de la grande partition mi symphonique mi oratorio : Kullervo composée l'année précédente et portant le n° d'opus 7. Une œuvre ambitieuse dont le commentaire est à venir. La direction bien carrée de Jan Engstrom souligne sans emphase cette musique qui ne lorgne jamais vers une quelconque métaphysique romantique. Divertissant et enthousiaste.  
2 – Intermezzo : [7:35] Un thème syncopé aux cors surgit des sombres et majestueuses forêts finnoises. [8:41] Une cavalcade des violons précède une marche rythmée par les cymbales dans laquelle se développe de façon presque militaire une mélodie éclatante aux cuivres. Une musique simple et rustique, fortement expressionniste et teintée de patriotisme mais sans vulgarité cocardière.
3 – Ballade : [11:12] Plus secrète, l'introduction de la ballade est confiée à la clarinette et plus globalement aux vents. Un long et élégiaque thrène aux cordes, ourlé de petite plaintes du hautbois, témoigne du talent maitrisé de "peintre naturaliste" par sons interposés de Sibelius. La page la plus charmeuse de cette jolie suite qui par la présence de ce mouvement lent comme partie centrale prend la forme d'un concerto pour orchestre miniature. Le mouvement évolue vers un léger pathétisme de bon aloi. Une œuvrette ? Pas tant que ça, mais n'oublions pas que Sibelius était très exigeant envers son travail. (Toutes les ébauches de la 8ème symphonie seront détruites avant que le compositeur ne se mure près de 20 ans dans le silence avant de disparaitre.)
4 - Alla marcia : [18:44] La suite se termine sur une marche joyeuse, un défilé des jeunes et fougueux étudiants commanditaires. Les cordes jouent l'introduction dans l'allégresse. [19:58] Place à une fanfare festive avec une intervention fougueuse des percussions. Puis les flûtes et le picolo reprennent le thème initiale. On pourra citer à titre de métaphore le sous-titre de la 7ème symphonie de Beethoven "Apothéose de la danse"… Une interprétation pleine de feu. Les compléments, le poème symphonique En saga et le cygne de Tuonela sont un peu chiches

L'ouverture est peu enregistrée, mais on trouvera facilement la suite en complément de nombreuses gravures dédiées aux symphonies et aux poèmes symphoniques. On y trouve les plus grands : Name Järvi, Barbirolli, Karajan, etc…
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3 commentaires:

  1. "Bluette" magnifique de Sibelius que cette "Karelia Suite" ! Je dois en avoir une quinzaine de versions au moins, en complément de symphonies... Ma préférée d'ente toutes est celle de Vänskä avec l'orchestre de Lahti, parue au sein de l'intégralissime intégrale BIS, avec, en particulier, une dernière partie Alla Marcia absolument truculente de vie et de bonne humeur ! Celle-ci comporte, par ailleurs, la transcription pour piano réalisée par le compositeur de l'Intermezzo et de la Ballade de Karelia : c'est intéressant, mais un peu anecdotique...
    Chouette de voir une note consacrée à Sibelius bellement illustrée par autre chose que les traditionnelles reproductions d'oeuvres de Gallen-Kallela -que j'aime beaucoup au demeurant- !

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  2. Merci diablotin
    Oui j'aime beaucoup illustrer mes billets de peinture de toutes les époques en rapport avec les sujet musical...

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  3. On peut entendre l'intégralité de Karelia -l'Ouverture et les 8 tableaux, avec récitant- dans le volume 6 de l'édition intégrale BIS, consacré aux oeuvres pour orchestre. C'est plutôt réussi et ça va un peu au-delà de la seule Suite. L'oeuvre porte le numéro JS155 dans la catalogue des oeuvres non officiellement numérotées du compositeur.

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