Je
commente peu de B.O. de films. L'explication est simple : rares sont les Bandes
Originales qui peuvent s'écouter hors de leur contexte visuel. Pourtant presque
toutes les B.O. paraissent en CD pour remplir les caisses. Elles seront
écoutées dans un premier temps comme le petit souvenir d'un bon moment de ciné,
puis disparaîtront dans un placard… Certaines vont devenir des classiques : Ben-Hur,
celles de John Villiams pour son pote Spielberg, etc. Comme je l'avais déjà
écrit pour la B.O. de Mulholland Drive d'Angelo Badalamenti, la musique de Bernard Hermann prend place dans la cour
des grandes B.O. autonomes car, par son style particulier (orchestre uniquement
composé des cordes) et une écriture contemporaine, elle peut s'écouter comme
une suite symphonique, comme le divertimento de Bartók
et son glaçant adagio pour prendre un exemple (Clic).
Avoir vu le film très célèbre apportera un plus, fera rejaillir des images,
mais dans l'absolu, ce n'est pas indispensable.
Et
puis, n'oublions pas que mon rôle dans le blog et mon dada consistent à
chroniquer la musique dite classique et donc m'amène évidement à porter un vif
intérêt aux compositeurs. Bernard Herrmann
fait partie de ceux que l'on peut désormais classer dans les "classiques",
de la même manière qu'un Korngold
et même un Schoenberg, de nombreux
musiciens contemporains ayant donné dans le genre, ne serait-ce qu'à des fins
alimentaires, ce qui n'est en aucun cas honteux😃.
Je
rappelle en quelques mots le thriller à tendance horrifique de Hitchcock. Marion
(Janet Leigh) a
un amant : Sam Loomis (John Gavin). Secrétaire sans argent, tout
comme son mec, elle détourne 40 000 $ et prend la route pour se faire la malle.
Épuisée, elle s'endort. Un flic
intrigué par sa conduite nerveuse lui conseille de chercher un hôtel. Après
avoir revendu la voiture pour un autre modèle, elle débarque dans un motel miteux
tenu par Norman Bates
(Anthony Perkins), un jeune homme aimable
mais d'allure assez immature. Marion
prend possession de sa chambre tout entendant Norman
se quereller avec sa vieille mère acariâtre recluse dans la maison qui surplombe le
motel. Marion
et Norman
partagent un repas frugal et Norman
lui confie sa passion pour la taxidermie. Restée seule, Marion
se déshabille et prend une douche, mais se fait poignardée par ce qui semble être une vielle femme
avec un fichu. Célébrissime scène d'assassinat hystérique, le rideau qui se
décroche anneau par anneau, le sang qui s'écoule dans le siphon… Le réalisateur réunit tous les
ingrédients du polar noir et morbide qui vont inspirer une musique tout aussi
glauque à Bernard Hermann. Inquiète car sans nouvelle,
la sœur de Marion, Lilia
(Vera Miles), Sam
et un privé (Martin
Balsam) retrouveront la trace du motel et résoudront l'indicible affaire. Norman Bates tue les
clientes, souffrant d'un dédoublement de personnalité et se travestit pour tuer. Encore un plan d'anthologie quand Lilia
trouve la vielle dame enfermée dans la cave sur un fauteuil pivotant qui, en tournant révèle… la
momie de la mère assassinée des années auparavant par Norman !
Alfred Hitchcock et Bernard Hermann |
Né
en 1911 à New-York, Herrmann doit sa place au soleil à la collaboration fidèle avec Hitchcock de 1955 à 1966. Le musicien
s'était déjà fait une solide réputation depuis la fin des années 30 en travaillant
pour Orson Wells, Joseph Mankiewicz ou encore Robert Wise… Le talent du compositeur repose sur l'absence de dogme,
contrairement à un John Williams dont le style symphonique est reconnaissable
dès les cinq premières mesures. Il est de formation classique, admirant Debussy, Liszt,
Dukas, Satie,
des compositeurs aux techniques de compositions fort diverses.
Bernard Hermann connait le pouvoir hypnotique des
cordes et les effets inquiétants que l'on peut obtenir à l'aide de dissonances,
de glissandos, de staccato frénétique. Il n'a sans doute pas été insensible aux
passages tourmentés de la 2ème symphonie d'Honegger, de l'adagio du Divertimento de Bartók ou du même Bartók, la Musique pour cordes
percussions et Célesta.
La
partition, comme on le constate à l'écoute des 40 pièces du disque (2 LP à
rééditer), se révèle d'une grande cohérence. Le générique résume le climat global à
lui seul. Des lignes droites et brisées s'entrechoquent sur l'écran accompagnées
par des traits incisifs des cordes staccato dans la B.O.. Une mélodie
énigmatique tente de se frayer un passage dans cette frénésie. [30:09] Lors de
l'assassinat de Marion sous la douche,
l'orchestre se déchaîne dans une bestialité inouïe qui fait songer à Ligeti et plus encore à Thrène pour les
victimes d'Hiroshima de Penderecki
composée aussi en 1960. L'écriture de Bernard Herrmann
affiche sans détour sa modernité. Dans la partition se succèdent des passages
résolument sombres. Les amateurs de cordes seront aux anges…
01 - Prelude - [0:00]
02 - The City - [01:57]
03 - Marion - [04:09]
04 - Marion And Sam - [05:45]
05 - Temptation - [07:39]
06 - Flight - [10:30]
07 - Patrol Car - [11:38]
08 - The Car Lot - [12:45]
09
- The Package - [14:30]
10
- The Rainstorm - [16:02]
|
11
- Hotel Room - [19:13]
12
- The Window - [21:18]
13
- The Parlor - [22:31]
14
- The Madhouse - [24:09]
15
- The Peephole - [26:04]
16
- The Bathroom - [29:07]
17
- The Murder - [30:09]
18 - The Body - [31:12]
19 - The Office - [31:30]
20 - The Curtain - [32:50]
|
21 - The Water - [34:05]
22 - The Car - [35:52]
23 - Cleanup - [36:44]
24
- The Swamp - [39:00]
25
- The Search - [41:04]
26
- The Shadow - [41:46]
27 - Phone Booth - [42:37]
28 - The Porch - [43:31]
29 - The Stairs - [44:35]
30
- The Knife - [47:33]
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31
- The Search (B) - [48:04]
32
- The First Floor - [49:45]
33
- Cabin 10 - [52:31]
34
- Cabin 1 - [53:40]
35
- The Hill - [54:46]
36
- The Bedroom - [55:51]
37
- The Toys - [56:52]
38
- The Cellar - [57:54]
39
- Discovery - [59:00]
40
- Finale - [59:43]
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Anecdote : Le film frappa beaucoup les esprits et terrorisa les femmes, Janet Leigh affirmant qu'elle ne prendrait plus jamais de douche… Un gars s'en prit à Hitchcock car son épouse ne voulait plus se doucher ni prendre un bain non plus après avoir vu Les diaboliques de Clouzot dans lequel Paul Meurisse jouait au zombie en sortant de sa baignoire soi-disant mort depuis plusieurs jours pour faire mourir de peur sa femme cardiaque 😨. Le cinéaste aurait répondu "Essayez le nettoyage à sec".
Excellent !!! Et hors du commun ! Une musique que devrait écouter lâm ! (zuiii, zuiii, zuiii !!!)
RépondreSupprimerLa musique de "Vertigo" est encore plus belle je trouve... (comme le fiklm !)
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