Bœufs musqués du Groenland |
A mon sens, un échec dû à trop de genres entremêlés qui
font que ce livre accumule les poncifs et les situations inabouties : du polar,
de l'aventure en milieu hostile, de la science, de la géopolitique, des bribes
de combats écologiques (ce que j'espérais), du sexe gratuit pour voyeurs. Par
ailleurs, bravo pour le carnage ; ce n'est plus un roman mais un cimetière bondé ; 3 protagonistes sur des dizaines et plus survivront, dont un clebs…
Essayons de reprendre depuis le début.
Pourtant le fond de l'histoire, très peu exploité, est séduisant. Le nord du Groenland (Thulé) a servi de base de déploiement d'armes nucléaires
pour les Yankees pendant la guerre froide. Des bases creusées dans les glaces,
des bombardiers et des bombes A et H, enjeux de ce combat de mâles dominants
entre les superpuissances. L'immense île gelée étant la terre la plus proche de
la Russie via le pôle nord pour les avions. On suspecte que le crash d'un B52 (janvier 1968) a provoqué
l'explosion d'une de ses quatre bombes, irradiant ainsi instantanément hommes et bêtes… (C'est impossible
techniquement, mais ça, les littéraires ne le savent décidément pas et se
croient dans Le salaire de la peur
et ses bidons de nitroglycérine instables. Par contre oui, ça pollue, mais localement.) Alors, un pamphlet sur la folie
nucléaire ? Non…
Une obsession pour ce bel animal : manger sur une banquise qui se réduit |
* Détails ignorés des autres membres de l'équipe, et on s'en doute :
sources de bien des problèmes et des gros !
Lors d'une
sortie, il découvre un troupeau de bœufs musqués morts ensemble depuis des
lustres, entassés et enchâssés dans la glace. Un mystère. Atomisés ? Secte de
bovidés angoras adepte du suicide collectif ? Plus sérieusement, encore une piste du livre peu exploitée
voire abandonnée à l'imagination du lecteur. On fait appel à Luv Svendsen, une biologiste
norvégienne spécialiste des morts de groupes d'animaux non élucidées, un sujet encore traité
en quelques pages et qui m'aurait passionné par ses implications sur l'avenir
du vivant sur notre planète souillée… Elle rejoindra l'équipe avec son photographe Niels Olsen.
Digression
policière. Luv doit d'abord filer à
Londres car sa fille adulte (née quand Luv
avait 16 ans et qu'elle a confiée aux grands parents) a été percutée par un 4x4
et va mourir. La jeune femme avait une petite amie Flynn qui est suspecte. Luv,
en tant qu'écologiste militante, a beaucoup d'ennemis. Stop ! Peu importe le
dénouement policier digne d'un téléfilm à deux balles. Je me demande ce que ce drame et
cette enquête viennent faire dans un techno-thriller en arctique ?!
Base secrète US sous la glace vers 1960 |
…
La suite :
un soupçon de fast and furious version motos-neige.
Mille dangers : les gelures, la trahison, les prédateurs, la mort… Il y aura un autre passage inspiré de La colline a des yeux mais par -35°, je
passe sur la complaisance assez sordide des scènes cannibalesques entre dégénérés. Quelques idées isolées en rapport avec
l'époque de la guerre froide, mais jamais un développement réel et encore moins
d'explication. Dommage.
Pour
compliquer le tout : les mésaventures (mortelles bien sûr) du Shérif Sangilak de Qaanaaq, ville de Thulé. Un gars du coin qui ne
peut qu'archiver des cas de disparitions inexpliquées depuis des décennies. Des
autochtones, des aventuriers traversant ce continent gelé. Jamais encore des
scientifiques. Point commun : on ne retrouve jamais de trace des disparus :
rien, l'anéantissement, pas un ouvre-boîte, une chaussure ou du matériel
abandonné, et encore moins… de restes humains après un hypothétique festin de
plantigrade. Là aussi, pas de suite donnée à l'affaire. Enfin si, vaguement…
Etc. etc. etc. 300 pages de course poursuite sur glace.
Épilogue : Luv et Malte ont failli mourir de froid, sont polytraumatisés
physiquement et psychologiquement, sans compter avoir couru le risque de finir boulotés
par les ours, les loups, les cannibales ou alors butés par le dingue de
l'équipe… Eh bien, dernier chapitre : ils baisent comme des hardeurs. Quelle
santé et quelle conclusion grotesque et racoleuse ! Lupin, le toutou s'en sort bien. Il se trouvera une gentille louve,
vivra heureux car ils auront plein de petits louveteaux. Un vrai conte de
Perrault 😊. Gentil, mais cucul en regard de la noirceur ambiante.
C'est pourtant assez bien écrit, mais il y a des
perles comme cette réplique de Malte
une fois que tout le monde est porté disparu, que la station est ruinée par un "tremblement
de glacier", qu'il va sans doute y rester : "je trouve que rien ne va bien depuis le
début de l'expédition". Encore un Sherlock
Homes qui s'ignore 😁. Non, je
n'ai pas aimé cet entrelacs surchargés de scènes sordides mises bout à bout
sans grande logique. Pour les amateurs d'histoire à tiroirs et un tantinet
glauque, ça peut le faire.
Denoël –
(Collection Sueurs froides) – 448 pages. Sympa le Groenland en période de canicule.
Critique qui correspond tout à fait à ce que j'ai pensé du livre "Boréal". Trop d'idées dans ce livre malheureusement évoquées et non développées. Je n'ai pas réussi à croire un instant à cette histoire pleine de poncifs. De plus, je n'ai pas retrouvé l'écriture de Sonja Delzongle de ses précédents ouvrages. Dommage, un peu de maturation et de relectures auraient abouti à un excellent roman policier.
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