Sœurs est le cinquième
roman de la saga de polars corsés commencée en 2011 et mettant en scène le
commandant Martin
Servaz. Bernard Minier connaît un succès
certain chez les rédacteurs du Deblocnot puisque voici le 4ème roman
de ce cycle commenté dans le blog. Luc avait commenté Glacé et Le Cercle
et notait chez l'auteur un manque de concision, ce besoin un peu compulsif de
pousser le bouchon vers les 600 à 700 pages. Notre chroniqueur a-t-il été lu, entendu
et compris par Minier ? C'est possible puisque Sœurs ne comporte que
460 pages et, oui, le livre gagne en rythme, surtout avec son intrigue pour le
moins alambiquée, ce qui n'est pas une critique négative, car un roman dont
l'assassin se révèle à la page 40, ben c'est un peu rasoir… D'ailleurs les 600 pages
de N'éteins pas la
lumière m'avaient conduit à écrire un papier sans doute aussi un
peu longuet.
Bernard Minier a travaillé dans les douanes jusqu'à la
cinquantaine passée avant de se découvrir un talent pour la plume et montrer une
imagination féconde. Besoin de se rattraper par de gros volumes et d'imiter la
concurrence française ou américaine dans le thriller copieux ? Possible !
- Msieur Claude, vous
aussi vous divergez, attention aux digressions…
- Hein ? Heu oui Sonia,
revenons à nos sœurs ; des vraies, pas vraiment des nones en plus…
L'originalité
de ce nouveau roman est d'en exclure le tueur en série Julian Hirtmann, démon récurrent, et de dérouler la trame en trois
époques, en remontant le temps jusqu'au début de Servaz comme flic.
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Tableau de 1963 de Margaret Keane (née en 1927) Ambre ? |
1988 : en forme de prologue : Ambre 16 ans et sa sœur Aurore 15 ans ont rendez-vous nuitamment
au fond d'une sombre forêt. Ok, c'est marqué sur la couverture, ça flingue mon
suspens. Elles n'ont pas froid aux yeux les adolescentes blondes et filiformes.
Erik Lang, un trentenaire va les
rejoindre tel le grand méchant loup. Un loup avide de chair tendre ? Non, les
gamines sont des admiratrices des polars, hyper violents et complaisants dans
la description de scènes sordides de ce romancier à succès, des romans vénéneux
qui se vendent comme des petits pains. Elles lisent sa prose sous les draps
depuis l'âge de douze ans… Jusque-là, rien de bien méchant, simulacre de
flirte, délire de fans, on roucoule pour jouer les grandes et on rentre faire
dodo…
Margaret Keane (1962) Alice ? |
Et
en fin de compte, pour justifier la suite du roman : pas de coupable déterminé,
le suspect principal prenant la poudre d'escampette d'une manière, disons assez
définitive… Affaire classée sans suite. Léo Kowalski
prendra sa retraite et Martin Servaz
ira dans les années 2000 taquiner du Serial Killer…
2018
: Bernard Minier aurait-il une dent contre
les communiantes. On retrouve Amalia
épouse Lang assassinée, mordue par une douzaine de serpents parmi les plus venimeux
de la planète qu'élevaient en toute illégalité son cher Erik dans des terrariums. (Drôles d'e bestioles de compagnie.) Pourtant ces animaux sont peu agressifs.
La victime était shootée aux médicaments psychotropes et antalgiques, et était maigre
comme un clou. Et surtout, elle portait non pas une chemise de nuit, mais – ah,
vous avez deviné – une aube de communiante. Là, il est mal le Erik Lang. Amalia : une ancienne looser photographe "arrachée" à un squat par Erik fasciné par ses photos de reptiles ?! Seconde
enquête qui va plonger Servaz dans
ses vieux souvenirs, les anciens démons d'une enquête ratée 25 ans avant… On retrouve son
groupe habituel : Espérandieu, l'adjoint scrupuleux à défaut d'être très perspicace,
Samira Cheung, l'informaticienne sino-marocaine
soi-disant laide à faire peur, gothique mais avec un corps de rêve (Bernard Minier ne s'égare pourtant jamais dans la romance et la
bagatelle superflues qui polluent bien des polars). Nouvelle enquête, nouveaux suspects pittoresques et inquiétants comme Remy Mandel, un fan tendance dure de Lang qui n'a pas la lumière
dans toutes les pièces a priori, mais s'est procuré sans scrupule (volé) le
dernier manuscrit en cours de Lang. Minier, comme à son habitude, nous ballade dans les
suppositions les plus vraisemblables ou farfelues…
Le
coup de théâtre des derniers chapitres est très habile, pas foncièrement innovent,
mais sacrément inattendu… Curieux cette manie de Bernard
Minier d'éviter les frais de justice en envoyant directement en
enfer son ou ses coupables, ou même des innocents les mains pleines pour
reprendre une expression populaire…
Le
style ne fait pas d'ombre à Hugo ou à Flaubert, mais le récit est bien structuré
à défaut de nous proposer la richesse narrative d'un Lemaître. On le sait. Cela dit, Bernard Minier nous impose quelques
extraits de la prose de Erik Lang, médiocre et gorgée de voyeurisme, gratuitement sadique, le roman de gare dans l'acception la plus péjorative
de l'expression 😁.
XO : 470 pages.
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