Le printemps (1478-1482) |
- Bizarre M'sieur Claude… Vous
avez mis la photo du CD à la fin au bénéfice de ce tableau avec des jolies fées
en tenue légère qui batifolent…
- Le printemps vu par
Boticelli Sonia, le premier des trois tableaux illustrés musicalement par Ottorino
Respighi très inspiré par ce peintre de la Renaissance…
- Ah oui, l'auteur des
Fontaines de Rome, Pins de Rome, etc. des suites symphoniques assez célèbres et
dont vous avez déjà parlé, tout comme de l'Orpheus chamber orchestra…
- Oui mais ici, Respighi
met en jeu un petit orchestre très coloré, une suite parmi d'autres moins
connues que celle que vous citez, pas assez jouée en France, hélas…
- En regardant les trois tableaux,
la femme est très présente au centre du tableau, très belle au demeurant… La Naissance de Vénus est aussi connu que la Joconde…
- Bien vu Sonia, une
musique toute en féminité, voire sensuelle… J'essaye de vous imaginer nue dans
une coquille Saint-Jacques géante, hi hi…
- Très drôle, je vais
aller dénoncer vos fantasmes à Mme Toon, moi !!! Tss Tss.
- Nooon Vénus, heuu pardon, Sonia, pas çaaa !
L'adoration des mages (vers 1475) |
Je
vois bien rarement Respighi inscrit aux
programmes des concerts de la Capitale. Une programmation qui tourne en rond
hormis quelques incursions dans l'univers contemporain, le fonds de commerce
reste : Strauss, Brahms, Liszt,
etc. Que des noms qui attirent les foules et des œuvres jouées pratiquement
chaque saison… J'exagère sans doute, mais les compositeurs dont le patronyme
n'évoque pas immédiatement un terrain connu sont cruellement absents. C'est le
cas d'Ottorino Respighi, élève de Rimski-Korsakov, qui composa, à une époque
où l'Italie ne vivait qu'à l'heure des opéras de Verdi, de Puccini et de quelques autres ; le règne sans partage du bel Canto.
Nous
avons déjà lu trois articles dédiés à ce grand orchestrateur, notamment l'un
consacré aux suites les plus connues : Les
fontaines de Rome et les Pins de Rome, deux fresques flamboyantes
pour très grand orchestre. Difficile de rester insensible à la majesté du
maelstrom de la marche sur Rome évoquée dans les
pins de la voie Appienne. L'orchestre requis fait songer aux
effectifs démesurés d'un Richard Strauss
ou d'un Mahler. Deux suites à la
discographie pharaonique. Une biographie détaillée du compositeur italien est à
lire dans la chronique commentant ces deux suites (Clic).
Autre
compositeur que Respighi admirait : Claude Debussy. Et l'on pourra
s'interroger sur l'orchestration de ce triptyque de
Botticelli, instrumentation nettement plus intimiste avec
laquelle Respighi obtient les
couleurs diaphanes qu'affectionnait le musicien français. Les opéras de Respighi sont un peu oubliés. Ce n'est pas
du tout le cas des nombreuses suites pour orchestre qu'il a composées. Suites
auxquelles s'ajoutent une symphonie et quelques concertos certes plus mineurs.
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La Naissance de Vénus (1484-1485) |
Respighi aimait lui aussi s'adonner à la contemplation
d'œuvres d'art pour inspirer ses partitions. Les fontaines "rococo"
de Rome, les pins de diverses espèces qui peuplent la ville éternelle, les
vitraux des églises (s'attachant à leur sens sacré et à la polychromie), les chants
des oiseaux (comme Messiaen) et ici une
sélection de trois tableaux du maître de la renaissance : Boticcelli (1445-1510).
Sonia
est observatrice. Elle a remarqué que dans les trois œuvres majeures retenues
par Respighi, la femme, disons la féminité,
est au centre du tableau. Trois thématiques chères au peintre sont mises en
opposition : l'allégorie
dans "Le printemps", Vénus, très entourée de grâces, puis le sacré
biblique
dans "L'adoration des mages", enfin
la mythologie
dans le célébrissime "Naissance de
Vénus". Pour le premier et le troisième tableau, le corps de la
femme est magnifié dans sa beauté par la nudité, naturelle pour "Naissance de
Vénus" et plus que suggérée dans "Le printemps". (Pas la Vierge,
ça va de soi…) D'où une grande cohérence stylistique dans la construction de la
suite, une caractéristique de l'art du compositeur.
Petit
détail, si cet article n'est pas implicitement dédié à Botticcelli, il faut noter que le personnage le plus à droite dans "L'adoration des
mages" est un autoportrait de l'artiste.
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Autoportrait de Botticceli dans l'adoration des mages |
Respighi compose cette charmeuse petite suite en 1927. L'orchestration est très chambriste
comme si le compositeur recherchait une légèreté en accord avec la finesse du
trait de pinceau des tableaux de la renaissance. L'orchestre comprend :
1
flûte, 1 hautbois, 1 clarinette, 1 basson, 1 cor, 1 trompette, triangle,
glockenspiel (vibraphone), célesta, piano, harpe et quelques cordes
(Partition).
L'œuvre est
dédiée à une pianiste et mécène américaine Elizabeth
Sprague Coolidge (1864-1953). Cette dame organisera la création à Vienne en
1927 sous la direction du
compositeur.
1 – Le Printemps : Respighi
connaissait parfaitement la genèse du tableau. L'homme possédait une érudition hors
du commun, parlait douze langues et se délassait en lisant des traités de…
physique théorique ! (Il y a des gens comme ça.) Sur le tableau, de droite à
gauche, huit personnages : Zéphire,
Dieu des vents, Chloris, nymphe de
la verdure et des fleurs, au premier plan, car déesse du printemps, Vénus au centre, on ne la présente
plus, déesse de l'amour et de la fertilité, au-dessus, son fils Cupidon, trois grâces et
enfin Mercure qui fait signe aux
nuages résiduels de l'hiver de partir. Les visages seraient ceux de membres de
la famille Médicis.
Illustrant
d'emblée la réjouissance de cette réunion de famille mythologique, Respighi fait papillonner des trilles des
violons, de la flûte et de la clarinette. Un cor intervient suivi de la
trompette via une thématique allègre pour souligner l'impression de
chorégraphie donnée par la composition du tableau. Respighi
fait se succéder plusieurs épisodes colorés pour évoquer le tempérament des
personnages mis en scène. Pas des variations au sens propre mais une procession
de motifs aux tempi variés qui présentent un point commun : la vitalité. La
fraîcheur et l'exaltation du discours musical feront songer à l'époque de Vivaldi, celle des quatre saisons. Mais
dans un langage qui parfois fait penser à Stravinski
post Sacre du
printemps, la période des ballets mythologiques. Donc rien de
daté, même si les citations de musique ancienne sont légions dans la forme.
2 - L'adoration des mages : [5:37] Une marche tranquille de
prophète débute le second mouvement, le plus long. Basson, hautbois et flûte
vont se succéder pour annoncer l'arrivée des trois mages dans la crèche. Botticcelli aimait la lumière. La
crèche n'en est pas une : pas de grange et une sainte nuit, mais la clarté du jour pour illuminer cette
scène en forme d'écrin pour la Vierge, un groupe de personnages témoins habillés à la manière de la Renaissance. On
discernera trois parties distinctes. La procession des mages et le recueillement
des vieux sages seront symbolisés par des phrases méditatives aux cordes graves. Une
quiétude aux accents sacrés débute cette seconde pièce. [8:56] L'adoration se
traduit par un émerveillement devant le jeune Messie illustré par les
percussions les plus cristallines qui soient : triangle, vibraphone, célesta.
Un instant magique aux accents orientalisants comme les aimait Respighi. [8:56] Une troisième partie
évoque le temps de prière et de respect, sans le soupçon de crainte initiale : les trois bois symbolisant les mages reprennent leurs chants spirituels accompagnés par les
arpèges de harpe. Respighi démontre qu'un
orchestre de 120 musiciens, effectif à la mode au postromantisme, n'est pas
indispensable pour faire rayonner une musique de mille couleurs.
3 – La naissance de Vénus : [14:15] Le tableau est explicite : Vénus naît dans une coquille, d'une
beauté absolue dans sa nudité, le visage étant d'après les spécialistes celui d'une jeune
florentine, Simonetta Cattaneo Vespucci,
muse du peintre. Une grâce attend de couvrir d'un manteau la jeune déesse.
Zéphire chasse les nuages (c'est son job). Le mouvement décrit à merveille
cette naissance par un long crescendo à la fois épique et sensuel. Les violons imposent une mélodie tendre et charnelle à laquelle se mêlent avec élégance, un à un, les chants admiratifs des instruments de l'harmonie. Encore un
tempo lent. Les instruments, tel dans la symphonie des adieux de Haydn, se retirent un à un pour conclure l'ouvrage.
La
discographie de cette suite n'est hélas pas aussi abondante que celle du
triptyque romain. L'interprétation de l'Orpheus Chamber
Orchestra répond aux soucis habituels de cet ensemble : clarté
des couleurs, transparence des lignes mélodiques, timbres enchanteurs. Neville Marriner a gravé en son temps une
version tout en nuances, mais je ne trouve plus ce disque. Il existe de nombreux
couplages avec d'autres suites très imaginatives de Respighi.
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