mercredi 6 juin 2018

BOHEMIAN SUPERMARKET "Greatest Hits" (2018)



       Bohemian Supermarket ??? C'est d'abord Jessy Chancerel, un enseignant dans le supérieur qui n'a pas rompu le cordon ombilical avec la musique. Cet amateur de Fuzz en tous genres, avec une préférence pour celles qui crachent, officiait déjà depuis 2003 dans un trio baptisé Ad'Lib. Jusqu'au jour où sa passion grandissante pour les Belges de Triggerfinger prit le dessus. Il fonde alors en 2011 un power trio Vichyssois plus en phase avec ses attentes. Il s'entoure d'Alain Chamarro, un guitariste reconverti à la basse, puis après deux batteurs successifs, le trio se stabilise en 2016 avec le Lozérien fan de Ian PaiceFrédéric Garcia aux fûts (débauché de Loto Punk). Chamarro et Garcia font aussi office de choristes dans une tonalité assez gutturale, et collent souvent comme une ombre au chant de Jessy. Parallèlement, Fred Garcia continue son aventure au sein du tribute-band d'AC/Dçu, non pas en qualité de batteur mais en tant que chanteur-hurleur.
   

   Bohemian Supermarket est une entité que l'on pourrait directement affilier à la mouvance Stoner ou Desert-rock, la guitare de Chancerel, sombre et dégoulinante de fuzz épaisse en étant la principale raison. Et la basse de Chamarro n'est pas en reste.

Cependant, à bien écouter, volontairement ou pur fruit du hasard, d'autres influences et sensibilités se heurtent et fusionnent dans une chambre magmatique avant de jaillir hors du cratère sous forme de bombes volcaniques. Outre donc le Stoner qui s'impose comme la base, des minéraux issus du Heavy-Metal, du Punk, du Rock Gothique et du Rock alternatif.

       Plutôt que d'attendre que ça leur tombe tout cru dans la main, ces Auvergnats ont préféré prendre le taureau par les cornes et ont en conséquence réalisé tous seuls, de bout en bout - enregistrement et mixage compris - un premier Ep. Alors forcément ça sonne cru - et c'est rien de le dire- mais c'est totalement conforme à ce qu'ils développent sur scène. Pas de tricherie. Juste l'exception d'un petit orgue à la fin de la première salve, et que l'on aurait aimé entendre un peu plus.

     "More Than Beer" : chanson d'amour ... ben oui, j't'aime plus que la bière ... si ça ce n'est pas une grande déclaration ! Il faudrait que l'heureuse élue concernée soit de marbre pour se montrer insensible à cette proclamation sortie qui vient du fond du cœur. Cependant, attention, l'échelle de valeur peut varier selon les individus. Certains mettraient la voiture en pole position, d'autres leur précieux argent, tandis que d'autres encore placeraient sur un piédestal leur précieux instrument de musique. Haaa ... l'éternel dilemme de l'échelle des valeurs. Pourtant la musique de cette pièce n'a rien de mélancolique ou de sentimental. Derrière un fond martial, elle a une dimension psychédélique où auraient fusionné les Western de Sergio Leone - les accords de guitare finis au vibrato façon Chris Isaak avec l'épaisseur et l'aspérité de Muse - avec un Queen of the Stone Age. Vibrato non pas de Stratocaster mais d'une Grestch White Falcon (Y aurait-il, derrière ce choix singulier dans le petit monde du Stoner, l'influence de Billy Duffy ?)
On note des nappes d'orgue venues renforcer le dernier mouvement, donnant un petit côté vintage bluesy agréable .
     "Blind Twisted Man" semble avoir récupéré le célèbre "Give It Away" des Red Hot Chili Peppers pour le passer au hachoir électrique en le mariant à du Rage Against The Machine, pour en faire un pâté - auvergnat - qui tient au corps. Et copieusement arrosé de Gentiane. L'aspect funky n'est plus qu'un film transparent terni par des couplets sombres et désespérés et une basse apocalyptique.

     Dans une ambiance aussi calme qu'éthérée, dans le style de Queens Of The Stone Age et de Clutch - en fait c'est plutôt du lourd ! - "My Girlfriend" est une autre chanson d'amour. Des romantiques, ces Auvergnats. Une chanson dédiée à la compagne de Jessy, dans laquelle risquent de se retrouver tellement de musiciens (les amateurs autant que les pros).
Jessy et ses acolytes déclament avec une moue boudeuse et dépitée : "My girlfriend hates my tee-shirt, and I don't care ! My girlfriend hates my guitar and I don't care !". Apparemment c'est du vécu. La passion du musicien n'est pas toujours comprise par le conjoint et les proches. Avant le dernier couplet final, s'immisce un break psychédélique gluant et toxique : c'est le désarroi, l'abîme qui ronge l'âme devant l'ineffable et meurtrissante incompréhension. 

"Too Short, Too Late" met particulièrement en avant le travail de la section rythmique qui, comme dans tout bon power trio digne de ce nom, n'est pas là pour faire de la figuration. Surtout que les deux lascars sont pour ainsi dire de vieux flibustiers.

     Sur "Baby", en dépit d'un fond Funk (version lourd, évidemment), les percussions s'apparentent à une fanfare brésilienne sous hallucinogène tapant le bœuf avec Pantera. La basse, qui ne se laisse jamais impressionner par ses compères, rugit comme un béhémoth. Parfois, dans ce cas-là, la guitare envoie quelques licks "dance" en sonnant à la fois moderne et abrasive, à la manière d'un Andrew Stockdale de Wolfmother

       En cinq pièce corrosives, et en un peu plus de vint-et-une minutes, "Greatest Hits" crée un univers à l'ambiance sombre, comme percluse de désillusions, où se mêlent des éléments que l'on retrouve chez des groupes aussi divers que Triggerfinger, Queen of the Stone Age, Fu ManchuRed Fang, Iggy Pop, Black SabbathRed Hot Chili Pepper, Clutch, avec parfois une pincée de l'univers gothique de Bauhaus.

       Par ailleurs, on salue les clips bricolés à la maison qui tentent de proposer autre chose que les sempiternels codes rabâchés du Rock - bagnoles, guitares, jolies filles en pâmoison, look biker - avec l'attitude "parade de paon" ou "j'suis trop viril, j'suis un dur de dur". L'idée des Playmobils est d'autant plus bonne qu'elle est antagoniste aux images d’Épinal consacrées généralement au Stoner et Metôl en tous genres. Apparemment, le trio a adopté les célèbres figurines Allemandes comme mascottes.  



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