- Ah un petit nouveau
M'sieur Claude… Vous en trouvez toujours… C'est curieux, je ne suis pas experte
en classique, mais le nom du compositeur me dit quelque chose…
- En effet Sonia, Benjamin
Britten est un grand compositeur britannique du XXème siècle à côté de Vaughan
Williams et d'Elgar…
- C'est bizarre, avec plus
de 300 chroniques "classique", vous n'en avez jamais parlé, vous
n'aimez pas sa musique ? C'est trop moderne ?
- Non pas du tout, mais
j'avoue avoir du mal à pénétrer le sens de sa musique, d'autant qu'il est très
connu comme auteur d'opéras, ce qui n'est pas mon style favori…
- Moui, je vois. Simple
Symphony ? Une œuvrette avec un nom pareil ?
- Une symphonie pour
cordes écrite dans ses jeunes années, un joli pastiche hérité de la musique
baroque… Excellent moment en cette période estivale…
Peter Pears et Benjamin Britten (à droite) en 1943 |
Les
musicologues considèrent Benjamin Britten
comme le compositeur anglais le plus important depuis Henry
Purcell (1659-1695). Haendel
a marqué d'une empreinte éternelle la musique britannique, mais n'oublions pas
qu'il était allemand de naissance. Curieusement, nous avons rencontré d'autres
grands compositeurs british dans ce blog sauf Britten
: Ralph Vaughan
Williams, Edward Elgar,
Arnold Bax et Gustav
Holst, ce dernier essentiellement connu pour sa suite exubérante
Les Planètes. Sans doute un rendez-vous
manqué, car en écrivant ces lignes, j'écoute son War
Requiem considéré comme l'une des œuvres pacifistes majeures du
XXème siècle. À l'écoute, je ne suis pas surpris que Britten soit devenu un ami proche de Dmitri Chostakovitch auquel est d'ailleurs
dédié ce requiem. Il est fort
possible qu'en écrivant ce billet, et donc en m'intéressant tant à l'homme qu'à
son œuvre, je fasse des découvertes. Comme le dit Sonia… toujours du nouveau à
explorer. À suivre.
Benjamin Britten est né en 1913 dans le Sufolk. Son père est un personnage un peu extravagant qui
interdit l'usage du gramophone et des premières radios chez lui ! Amish
intégriste ? Non pas du tout, il incite sa famille à jouer de la musique plutôt
que l'écouter dans les conditions sonores pour le moins précaires de l'époque.
Quand on voit de nos jours les gamins se déformer l'audition à coup de MP3 ou
pire sur des iphone ou autres, l'idée est pertinente… J'invite toujours mes
lecteurs à utiliser un casque ou des enceintes additionnelles pour PC pour
écouter les Vidéos Youtube en limitant la casse, d'autant qu'il s'agit
uniquement de découvrir une œuvre et un style d'interprétation… Bref !
Revenons
au gamin dont la mère joue du piano et chante, elle sera son premier professeur
; avec talent à l'évidence puisque Benjamin
écrit ses premières petites compositions vers cinq six ans. Son institutrice,
également pianiste, complète le travail maternel quand son jeune élève a huit
ans. À 11 ans, il étudie l'alto, puis à 14 il suit les cours de Frank Bridge.
L'altiste et compositeur déjà âgé s'intéresse aux travaux sur l'atonalité de l'École
de Vienne. Le jeune adolescent va faire de même. À 16 ans, il compose la
Sinfonietta pour dix instruments nettement influencé par Schoenberg. Ce n'est
pas du goût des enseignants dans cette Angleterre très attachée au
postromantisme. On lui refusera le départ pour Vienne et les cours avec Alban
Berg, compositeur jugé "néfaste". Ah les anglais…
Les ruines de la cathédrale de Coventry Le War Requiem sera créé dans l'église reconstruite |
De
1939 à 1942, Benjamin
Britten, objecteur de conscience, se réfugie aux USA.
L'Angleterre le lui reprochera bien plus cette initiative que son
homosexualité. Malgré cela, la reconnaissance envers le talent du compositeur est
telle que sa carrière ne sera jamais entravée. Il sera même anobli en 1973. La création en 1961 du War Requiem, symbiose
entre la tradition chrétienne et des poèmes connaîtra un succès planétaire, une
œuvre très souvent jouée et dont on possède un enregistrement incontournable
dirigé par le compositeur. Dmitri
Chostakovitch n'aura qu'admiration pour cette partition et dédicacera
à Britten sa 14ème symphonie.
Il y a un point commun entre les deux ouvrages puisque le compositeur russe y
mettra en musique une dizaine de poèmes humanistes de poètes européens : Garcia Lorca, Apollinaire, Küchelbecker
et Rilke, les textes conservant
leurs langues de rédaction ou étant traduits en russe, au choix. Les censeurs de
Khrouchtchev feront la sourde oreille…
Excellent
pianiste, Britten nous a légué de
nombreux disques dont certains à quatre mains avec Sviatoslav
Richter (La célèbre fantaisie de Schubert). Il était
aussi un ami proche de Rostropovitch
avec qui il gravera de très beaux disques.
Compositeur
prolifique, usant d'un langage très personnel, Benjamin
Britten a laissé une œuvre abondante dans tous les genres qui
reste à redécouvrir. Pas toujours facile car très intériorisée, rejetant tout
apparat. Britten est mort en 1976.
Son compagnon Peter Pears est inhumé à ses
côtés depuis 1986.
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
Pour
la première chronique sur ce compositeur que je connais si mal, j'ai choisi la Simple Symphony,
une œuvre pour cordes de jeunesse. Benjamin Britten
l'a composée entre ses vingt et vingt et un ans dans la station balnéaire de Lowestoft.
Le jeune homme va utiliser des petites pièces pour piano écrites pendant
l'adolescence. Il l'a dédiée à Mrs Audrey
Alston qui fut son professeur d'alto et qui le présenta à Frank Bridge.
Mrs Audrey Alston |
L'ouvrage
sera créé en mars 1934. Il existe
une gravure par Britten himself dirigeant
the English Chamber Orchestra. Je vous propose
une vivifiante interprétation due à l'Orpheus Chamber
Orchestra souvent écouté dans le blog. Un ensemble qui réunit
des professeurs et des solistes des grands orchestres de la cote Est US. Je me demande
pourquoi leurs disques toujours au top sont si rares à se maintenir au
catalogue ? Une réédition globale de leurs enregistrements pour DG serait à
envisager. Une belle grosse boîte comme on en trouve à la pelle de nos jours.
(Et là, ce serait justifié.)
Britten a-t-il été influencé par les charmes de l'époque
baroque et les danses de cours en vogue à l'époque élisabéthaine ou de Haendel ? À lire les sous-titres
des quatre mouvements et les tempos indiqués, on peut le penser.
Le jeune Benjamin et Frank Bridge |
2 - Playful Pizzicato : (allegro) : [V1-3:23] peut-on
parler de scherzo ? Oui, une structure tripartite avec un trio en forme de
chansonnette. Voici une facétieuse course poursuite de pizzicati, une technique qui
ne ménage pas les instruments (voir le scherzo de la symphonie N°4 de Tchaïkovski). [V1-4:22]
Place à une chanson amusante, une comptine enfantine. Il s'agit de la musique
d'une chanson composée en 1924 pour illustrer un texte de Rudyard Kipling extrait du livre de la jungle, The
Road Song of the "Bandar-Log".
L'alacrité de ce mouvement affiche clairement le "swing" débridé du baroque vénitien immortalisé par
Vivaldi.
3 - Sentimental Sarabande (Poco lento) :
[V2-0:0] Le mouvement le plus long de cette symphonie d'une vingtaine de
minutes. Britten intègre des éléments
d'une suite pour piano de 1925. La
sarabande est une danse lente et majestueuse. Qui n'a pas dans l'oreille celle
de la de la Suite
n°11 en ré mineur de Haendel
qui offre son climat inexorablement dramatique dans Barry Lyndon de Kubrick.
Le mouvement s'ouvre sur une longue plainte bouleversante. Même si on sent
l'admiration de Britten pour la forme
classique, l'écriture est de son temps. Henry Purcell s'entend en filigrane avec la pathétique musique
pour les funérailles de la reine Mary. Il est surprenant de rencontrer une
telle gravité dans la musique d'un homme aussi jeune. Le sentiment d'une
écriture monothématique est contredit par de subtiles transitions. [V2-7:10] Dans
les dernières mesures, un rai de lumière vient percer la sombre nébulosité.
4 - Frolicsome Finale
(Prestissimo)
: La frénésie vaillamment concertante du final tranche très nettement avec
l'obscurité de la Sarabande. On pense ici aux facéties d'un Haydn
du courant préromantique sturm und drang
(tempête et passion). Je ne l'ai pas précisé, mais l'habituelle vivacité
interprétative de L'Orpheus Chamber Orchestra
est au diapason de la fougue juvénile de cette partition.
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