Pierre Lemaître, |
César de l'adaptation pour Au revoir Là-Haut XXXXX |
Bref résumé
du premier opus : Madeleine Péricourt est la sœur d'Edouard Péricourt, le fils artiste méprisé par
son père, et brisé à jamais dans les tranchées de la Grande Guerre, le visage
arraché par la mitraille. Une gueule cassée ayant perdu son identité qui organisera avec un ancien
camarade de combat, Albert, un trafic de vente de monuments jamais
livrés à la gloire du martyr des poilus, une délicieuse arnaque dans laquelle son
père Marcel
Péricourt, banquier, politicien et notable se laissera berner… Pendant
que Madeleine
court après le corps de son frère Edouard soi-disant mort, elle fera
connaissance du salaud absolu en la personne du lieutenant Henri d'Aulnay-Pradelle, un
officier d'une race déclinante, peu regardant sur la survie de ses hommes si la
promotion est à la clé. Un arriviste abject qui ferra fortune en mettant ses talents de tricheurs au service de la recherche des cadavres qui gorgent le sol des
zones de combats, mais en carottant sur la taille des cercueils et en grugeant
les familles sur l'authenticité des défunts. Ce personnage que l'on pourrait
imaginer balzacien jaillit plutôt d'une roman horrifique de Graham Masterton. Il sera confondu par l'intègre et pittoresque Joseph Merlin (un fonctionnaire
négligé de sa personne mais, chose incroyable pour la faune qui l'entoure,
totalement intègre) et finira au trou (au sens figuré) après avoir épousé Madeleine
dont il aura un fils, Paul.
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Action pétrole roumain |
Madeleine hérite de la banque à une époque,
comme le précise Pierre Lemaître dans l’émission La grande librairie, où une femme
n'a même pas le droit de faire un chèque sans l'aval de son mari. Succession scandaleuse dans cette société de pouvoir masculin. Et puis Madeleine
et la finance, ça fait deux pour parler trivialement. Les vautours au grand
complet vont prendre leur envol. Dresser une liste à la Prévert de ses braves
faux amis et parents au sens moral exsangue permet de parler de ce livre sans
raconter outre mesure l'histoire riche en rebondissements. Un roman qui m'a
passionné comme il aurait enchanté Claude Chabrol dans une adaptation mais revue et corrigé par les
délires d'un Fellini. Petit tour du bestiaire humain si
cher à Lemaître. Donc, sont présents au départ :
Charles Péricourt ressort furax de l'étude du notaire
après lecture du testament. Ce frère du patriarche Marcel et oncle de Madeleine hérite
de la portion congrue : un petit capital, une misère. Son seul moyen
d'existence passé : l'appellation d'origine contrôlée Péricourt et le fric du frangin
décédé. Charles,
le parasite, le rémora sur le ventre d'un requin. Il a épousé Hortense,
une bourgeoise hypocondriaque qui lui a donné deux jumelles. Des laiderons édentées
difficiles à marier sans une dote conséquente alors que l'héritage s'envole. (Quand j'évoque Fellini.) Un
parlementaire qui va se lancer dans la chasse à l'évasion fiscale. On sait ce
ça donne de nos jours ces velléités, fort risquées…
Gustave Joubert : le fondé de pouvoir et le bras droit de feu Marcel.
La fidélité et la compétence pour faire tourner la boutique. Un allié
indéfectible de Madeleine
? Et bien non ! Jaloux car sans ADN Péricourt, il monte un plan financier
auquel l'héritière va faire confiance et finir ruinée. Une histoire d'actions des
pétroles roumains vs pétroles irakiens. Et quand j'écris ruinée, un euphémisme… Il fait équipe avec Charles Péricourt pour abuser Madeleine.
André Dupré : un cumulard et encore un
parasite. Il cumule les fonctions d'amant de Madeleine (il faut bien que le
corps exulte chantait Brel) et de précepteur du petit Paul.
Un bon éducateur ? Pas vraiment, des talents pédagogiques très douteux, entre la
brutalité et l'ignominie. Il essaye de percer dans la presse pourrie de
l'époque, celle de l'extrême droite…
Le journal de Maurras |
Vladi : diminutif d'un nom polonais imprononçable. Bonne à tout
faire et aide-soignante de Paul. Venue de rien, ne parlant pas le français, elle
sera la mère courage choisie par Pierre Lemaître. L'un
des rares personnages que l'on n'a pas envie de gifler à la fin du premier
chapitre où il apparait. Vladi : l'humanité des âmes simples et la fidélité.
Paul : va noyer son chagrin dans
la musique classique et surtout l'opéra italien écouté sur un phonographe. Il
va tomber en extase tendance amoureuse pour Solange Gallinato, une diva italienne née à Dijon (si ma mémoire est
bonne). Un clone excentrique de la Castafiore. Elle poursuivra de ses
assiduités artistiques Paul qui va sillonner
l'Europe en fauteuil roulant pour l'entendre en récital. Personnage ubuesque ?
Non ! Fantasque ? Oui, mais avec un cœur d'or et même plus comme la fin du roman
le montrera.
Et bien entendu
Madeleine,
la femme bafouée, trahie, volée, trompée. Madeleine qui va refuser son exécution publique
et privée par les fauves de ce zoo humain pour reprendre l'expression de Desmond Moriss. La vengeance sera le nerf du roman. Totale, sans pitié ni remord. Madeleine ne refusera aucun moyen pour se faire justice, à elle-même et à Paul
: l'intimidation, le sabotage, le chantage, les pièges financiers, les faux-papiers,
et l'invention de preuves toutes aussi fausses… La facture sera lourde : entre
la déchéance et le cercueil, chacun aura son lot à la loterie du machiavélisme de
Madeleine.
Et je l'aime Madeleine.
Une femme moderne et justicière, en combat contre un échantillonnage putride de
la société en décomposition de la fin de la IIIème république, et de plus complaisante
avec les bruits de bottes outre-Rhin.
Pierre Lemaître et son humour corrosif, son sens du
détail historique documenté, ne cache pas son admiration pour Balzac, Dumas, Zola et un
soupçon de Mauriac à mon avis. Le récit est intense, rythmé par les péripéties tortueuses d'une
tragi-comédie pathétique. De nombreux personnages secondaires, hauts en couleur,
prêteront mains fortes à Madeleine. Une belle langue sans chichi, mais ça on le savait déjà depuis longtemps au Deblocnot'. (Index).
Le meilleur
livre lu depuis début 2018 en ce qui me concerne. Juste une interrogation. Dans
un dernier chapitre Pierre Lemaître nous raconte le devenir des
personnages jusqu'à nos jours une fois le règlement de compte accompli. Que sera donc l'intrigue du volume 3 ? Patience…
Interview lors d'une émission culturelle (Si, ça existe... Pourquoi, vous aviez des doutes ?)
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