Avant dernier album du vivant du roi
Bob, un retour aux sources des fondamentaux.
Les aventures de Bob en Afrique
Moi
qui étais au Bourget le jeudi 3 juillet 1980,
au dernier concert français du pape du reggae, il fallait que je parle de
l’homme au dreadlocks les plus connues au monde. 50.000 personnes sous un ciel
menaçant, assis dans l’herbe parmi les vapeurs de ganja. Trois semaines plus tôt,
un autre pape, mais sans guitare celui-là, passera au même endroit et fera
moins d’entrées. Coluche aura cette
phrase : « Le pape au Bourget : 22 000 personnes
gratuites ! Bob Marley : 47 000 payantes ! Je me demande si le reggae n’est pas en
train de prendre le pas sur la liturgie». Toutes les générations confondues malgré les
embouteillages et les trombes d’eau qui s’étaient abattues sur la région
parisienne en ce début d’été, se déplaceront au plus grand rassemblement en
France depuis mai 68, et ce dernier tiendra ses engagements.
En 1978 l’album «Kaya» ne fut pas ce que l’on attendait d’un Marley militant, un son trop lisse et pas assez «Roots» et trop commercial, le contraste
avec «Exodus» surprit
beaucoup et fut très critiqué. Après la tournée Kaya tour qui donnera le très bon live «Babylone By Bus» principalement
enregistré au Pavillon de Paris en juin 1978,
Bob Marley va entreprendre un rêve qui le bouleversera,
il va partir pour l’Éthiopie. De retour en Jamaïque, il décide de réaliser un
album entièrement tourné vers l’Afrique. Enregistré et mixé au Tuff Gong Studio
de Kingston, le retour aux sources d’un reggae comme sur «Exodus» est indéniable. Ce sera l’album le plus
engagé politiquement en faveur de l’Afrique et du tiers-monde, avec des
textes mémorables et d’excellentes mélodie même si aucun titre ne fera un tube.
Sur la compilation «Legend», aucun morceau
de «Survival» n’apparait. C’est un album pour les fans
de reggae purs et durs, pas pour ceux qui cherchent des disques remplis de tubes,
un grand disque.
Son titre original devait être «Black Survival», Bob Marley fait son «Black Power» en prenant la défense de la communauté noire. La pochette représente les 49 drapeaux des nations africaines et une représentation de la disposition des esclaves dans les cales des bateaux qui les transportaient.
«so much trouble in the world» Une chanson
contestataire de notre monde devenu fou «Trop de désordres dans le
monde…Décollant à bord de leurs vaisseaux spatiaux à des millions de kilomètres de la réalité,
aucune attention pour toi, aucune attention pour moi…» une grande chanson servi par les Wailers au top et les I-Threes en grande
forme. «Zimbabwe» un titre qui parle évidemment de l’ancienne
Rhodésie du sud qui en 1979
deviendra le Zimbabwe-Rhodésie et qui gagnera son indépendance et son nom
définitif de Zimbabwe en 1980. La
chanson qui est un cri de révolte et de liberté deviendra l’hymne des rebelles.
Les Wailers seront invités à chanter lors de la cérémonie d’indépendance
du Zimbabwe en avril 1980. «Top Rankin’» (Meilleur respect) avec un beau soutien des cuivres, un titre
ou Bob prêche dans son église, le premier ver
résume la chanson à elle seule «They don’t want to see unite, cause all they
want us to do is, keep on fussing and fighting» (Ils ne veulent
pas voir l’unité, car tout ce qu’ils nous veulent est continuer à tirer et se
battre).
«Babylon System» Sûrement le meilleur titre de l’album et mon
préféré de surcroît. Un rythme un peu plus lent mais aux notes plus dans le ton
majeur. Le système Babylonien est le
cheval de bataille rasta. Babylone est la ville de tous les vices, tout comme Sodome
et Gomorrhe dans la Genèse. Et Marley ne se refait
pas, il dénonce l’ordre établi de la vie capitaliste et citadine. «Survival» La chanson-titre avec ses cuivres puissants et
la basse d’Aston «Familyman» Barrett. Une bataille entre les pauvres et les riches
et la liberté pour le peuple africain.
«Africa Unite» La chanson qui proclame la solidarité panafricaine,
plus nette et plus précise, tu ne peux pas faire mieux «Afrique
unis-toi. Unis-toi pour le bénéfice de ton peuple». «One Drop» qui musicalement ressemble beaucoup à «Is This Love» que l’on trouvait sur l’album «Kaya». Sûrement la chanson la plus engagée de
l’album même si Jah est toujours omniprésent. «Ride Natty Ride» Un petit reggae sympa qui aurait
pu être le hit de l’album avec son accompagnement d’harmonica façon Little Stevie Wonder.
«Ambush in The
Night» Encore un
titre engagé. Bob Marley a toujours ouvert sa gueule et personne n’aurait pu le faire taire. «Embuscade dans
la nuit» évoque la tentative
d’assassinat dont il fut victime le 3 décembre 1976. Avec une éraflure a la poitrine et une balle dans le bras, il
assurera, deux jours plus tard, un grand concert gratuit à Kingston. «Wake up and live» (Réveille-toi et vis) Un beau final, un morceau qui est un résumé
de tout l’album avec des cuivres brillants, des I-Threes inoubliables et
des Wailers au maximum de leurs formes.
49 drapeaux sur
la pochette alors que le continent africain comporte 54 pays, 4 n’apparaissent
pas comme le Cap Vert, les Comores, la Lybie et l’Afrique du Sud (Où il fût
censuré), mais en regardant de plus prêt, il manque aussi l’Érythrée, le Soudan
du Sud et la Namibie qui n’était pas à l’époque des pays souverains. Au total,
sans compter les trois derniers, 49 + 4 = 53, un pays a disparu ! Il y a
aussi une erreur sur cette couverture, le drapeau de la Tanzanie est montré à l’envers.
La tournée Survival Tour sera la plus longue et pour la première fois Bob Marley & The Wailers passeront par
le Japon et l’Océanie, mais pas par l’Europe, se concentrant majoritairement
sur les État-Unis.
La suite, tout
le monde la connaît, ce sera «Unprising» avec des hits comme «Could You Be Loved» et la version
acoustique de «Redemption Song» et la dernière tournée en 1980 qui battit tous les records. Il
disparaît le 11 mai 1981 et laissera
le reggae orphelin.
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