- Sonia, j’ai pas le temps
de rester bavarder à cause de la neige. Tiens voici ma clé USB avec ma
chronique.
- J’espère un texte
ensoleillé et chaud car j’en ai marre de l’hiver !
- Heu… Pas vraiment.
J’emmène nos lecteurs en Finlande avec cette belle histoire, intitulée
« Nouvelle grammaire finnoise », autour de la langue et des racines
de chacun d’entre nous…
Helsinki vers 1940 |
Nous
sommes en 1943, au large de Trieste. C’est la guerre. Sampo Karjalainen (tel est le nom qui est
attribué par le Dr Friari à un homme
grièvement blessé à la tête, à bord du navire hôpital allemand le Tübingen) se
réveille difficilement du coma, totalement amnésique et sans voix. Le Dr Friari est finlandais d’origine et en
trouvant le nom de Sampo Karjalainen sur la
veste de marin de son malade, ainsi qu‘un mouchoir brodé aux initiales de SK dans la
poche, il est persuadé que l’homme est finlandais. (Le « Sampo
» est un objet magique dans les légendes finlandaises). Il utilise donc sa
propre langue maternelle le finnois avec son patient, alors que les infirmières et les autres
personnes à bord parlent allemand. Le Dr
Friari pense qu’en entendant sa langue
maternelle, en replongeant le plus loin possible dans son être, Sampo va refaire surface et renaître.
Langage des signes, langage des sons, géographie sommaire des régions
européennes, dénomination d’objets du quotidien etc. tout est bon pour le
Docteur qui en profite pour lui-même revenir à ses racines. Mais Sampo ne se souvient de rien, il cherche,
cherche au plus profond de lui-même : mais rien qu’un vide sidéral,
douloureux.
Canonnière (le bateau de Sampo ?) |
Très
difficile pour Sampo de sortir de cette
forme de huis-clos dans sa tête : ses réflexions tournent en boucle.
Heureusement, le pasteur Olof Koskela,
aumônier de l’hôpital, lui donne des leçons de grammaire et de vocabulaire.
Mais pas seulement, il en fait également son public pour des sermons ou des
évocations d’idées autour de la religion et surtout autour des racines de la
culture finlandaise, culture assez peu connue, coincée entre la Scandinavie et
ses fameux Vikings et le monde Slavo-russe. Nombreuses sont les allusions au Kalevala,
cette épopée écrite au XIXème siècle à partir des poésies populaires
anciennes.
Diego Marani |
La
construction du roman est originale. Même si on sait dès le début que le
malheureux Sampo Karjalainen n’est pas
finlandais mais italien, il y a une forme de suspens qui tient en haleine
jusqu’à la dernière page. Ce roman mêle
le récit à la première personne du Dr Friari,
les notes prises par Sampo
dans son cahier/journal d’apprentissage de la langue, et les lettres d’Ilma
à Sampo (qui est peut-être plus soignante
qu’aimante). Mais bien qu’essentiellement à la première personne, le récit
comporte également de belles descriptions, notamment de la ville d’Helsinski à l’époque… Et puis il y a les mots, les expressions, les
allers-retours entre des termes finnois et leur traduction, les allusions aux
légendes véhiculées par des bardes tout au long des siècles et reprises dans le
Kalevala.
Un peu difficile pour un français de mémoriser des mots issus de cette culture
si loin de nous, mais peu importe.
L’auteur,
Diego Marani, est né en Italie en 1959, à Ferrare. Il est journaliste et écrivain mais également traducteur
au Conseil de l’Union Européenne. Ceci explique sans doute la précision
apportée dans cette « étude grammaticale ».
Bonne lecture !
175 pages. Traduit de l’italien par Danièle Valin, Rivages
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