lundi 22 janvier 2018

MR GWYN d’Alessandro Baricco (2014) - par Nema M.




- Un peu de thé Nema ? De la tarte aux noisettes du Piémont ?
- Merci Sonia. Quelle délicieuse idée ce mariage thé anglais et gâteau italien ! J’apporte justement une chronique sur un roman qui se passe à Londres, mais dont l’auteur, Alessandro Baricco, est Turinois.
- Et c’est quel genre, ce roman ? Tueur en série dans les brumes londoniennes ? 
- Mais pas du tout Sonia. C’est l’histoire d’un écrivain, Mr Gwyn, qui décide d’arrêter d’écrire mais qui va écrire quand même…

Alessandro Baricco
Mr Gwyn est le héros de l’histoire. Il est écrivain. Son prénom est Jasper, Gaspard en anglais, un prénom signifiant « celui qui vient voir ». Coïncidence ou choix délibéré de l’auteur pour ce prénom ? Jasper va aller voir ce qui se cache derrière les gens, ce qui se révèle dans leurs mouvements, leurs attitudes, leurs silences pour écrire leurs portraits. Écrire des portraits, en voilà une idée ! Un portrait c’est un tableau, c’est une photo, c’est la ressemblance avec la personne qui pose. Au début de l’histoire, Jasper Gwyn, romancier à succès fatigué, se retrouve curieusement mal dans sa peau suite à sa décision de ne plus écrire des romans. Mais il rencontre une charmante vieille dame qui le met au défi de changer de métier, de devenir un copiste d’un genre particulier : il doit réussir à faire des portraits avec des mots. Façon de renouer avec l’écriture, avec une incursion dans la sensibilité humaine, un focus dans le personnage qui n’est plus de fiction mais un être réel et vivant, plutôt que dans le contexte, l’intrigue  ou le décor comme dans un roman traditionnel. Et ce qu’il y a d’intéressant c’est qu’il va effectivement voir, regarder, observer ses modèles, dans un atelier baigné d’une lumière enfantine et finir pas écrire des portraits.

Deux personnages dans ce roman suivent ce pauvre Jasper dans les méandres de sa recherche d’un nouveau métier. Difficile à comprendre ce métier bizarre de copiste des gens, d’écriture de portraits. Tom Bruce Shepperd, l’agent et ami de Jasper, a du mal à admettre la décision initiale d’arrêter d’écrire. Pour lui un écrivain a ça dans la peau et tôt ou tard Jasper va retourner au clavier (sous-entendu d’ordinateur, mais on ne dit plus retourner à sa plume, ça fait ringard). Cet ami fidèle ne peut pas ne pas garder contact avec Jasper. Et c’est lui, Tom, qui introduit ce deuxième personnage très important dans cette histoire : Rebecca.  Tout d’abord agent de liaison ente Tom et Jasper, elle devient ensuite le révélateur ! Vous savez, ce produit qui permettait, lorsqu’on développait sur papier une photo issue d’une pellicule argentique en noir et blanc, de voir apparaître petit à petit, dans la chambre obscure baignée d’une sombre lumière rouge, l’image tant attendue. Pour poursuivre ce parallèle avec la chambre noire, l’atelier de Jasper Gwyn est baigné d’une lumière spéciale, très spéciale. Rebecca va être le révélateur du premier portrait écrit. Mais chut ! Je n’en dirai pas plus.

Mr Gwyn est un roman qui nous promène dans différents lieux. Un petit hôtel en Espagne (juste pour quelques jours de vacances). Et surtout des laveries (ambiance tambours qui tournent et magazines feuilletés pour passer le temps), une galerie de tableaux (juste pour une petite visite et un temps de réflexion sur quelques peintures), la boutique d’un artisan d’un genre très particulier et un atelier pour recevoir les modèles : l’atelier de Jasper Gwyn, avec tout un aménagement original.
Côté musique, que trouvons-nous dans ce livre ? Alessandro Baricco est musicologue en plus d’être écrivain, alors il s’amuse un peu. Jasper Gwyn contacte un ami compositeur David Barber (clin d’œil à Samuel Barber ?). Ce musicien original a, entre autres, un griffon vendéen appelé Martha Argerich (donner à un chien le nom de cette fougueuse pianiste, un hommage ?). Et il va composer une œuvre d’une très très grande durée (60 heures) et d’un genre très très novateur sur la commande de Jasper. Pas une succession de bruits, plutôt des sons, pas de mélodie, non plutôt une ambiance sonore. A vous de l’entendre en lisant.
Alessandro Baricco est un écrivain italien, contemporain (né en 1958), auteur de nombreux romans, d’essais, de pièces de théâtre. Je trouve son style fluide et plaisant (merci à la traductrice Lise Caillat). Beaucoup d’idées originales dans chacune de ses œuvres. 
Bonne lecture !

224 pages - Folio

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