- B’jour Sonia.
- Salut Nema. Oh ! C’est quoi ça,
cette petite peluche accrochée à ton sac ?
- Un petit âne gris, je l’ai appelé
Balthazar. Chouette, non ?
- Un âne chouette ? Grand amour
pour les animaux* à ce que je vois. Pourquoi Balthazar ?
- Parce que c’est le nom de l’âne dans
un film dont le tournage est raconté dans un beau roman…
* Nema a évoqué un chien qui parlait dans
sa première chronique « Le chien, la neige, un pied »
Anne Wiazemsky (1947-2017) |
Avoir
18 ans en 1965 et être la petite fille de François Mauriac (Catholique conservateur, Académicien
et prix Nobel de littérature, fin décodeur de la vie politique de son temps et
auteur entre autres du Désert de l’amour, de Thérèse
Desqueyroux…)
ce n’est pas forcément simple. La lycéenne d’alors va être amenée à rencontrer
un autre « grand monstre sacré » : le réalisateur Robert Bresson.
La
jeune fille fraiche et candide est attirée par le 7ème art, attirée
et emmenée tambour battant par une jeune actrice qui la guide et lui fait
rencontrer celui qui va être son mentor tout au long du roman. Se tisse alors
un jeu de découverte de l’un et l’autre, de séduction/admiration autour de l’œuvre
en train d’être créée (le film Au hasard, Balthazar). Mais
l’héroïne quelque peu incitée par des amis un peu plus âgés qu’elle, a envie de
découvrir l’amour physique (« c’est la nature » comme disait Pauline Lafont
dans l’Eté en pente
douce… mais ne nous égarons pas). La rencontre avec l’homme pour
passer à l’âge adulte, pour devenir une femme, elle l’organise avec une rigueur
et une désinvolture très avant-gardiste pour cette époque et dans une famille
bourgeoise du 16ème arrondissement de Paris. Pour entrer dans
l’atmosphère familial, il faut ajouter qu’Anne
est une lycéenne, élève d’une institution privée catholique, Sainte Marie, et
que si elle a obtenu de son grand-père et de sa mère (le père d’Anne est décédé
quelques années plus tôt) l’autorisation de participer au tournage du film
c’est parce que ce tournage doit se faire pendant les vacances scolaire de
l’été 1965. La mère d’Anne est un personnage important de ce roman, personnage
touchant, élevé dans un cadre très bourgeois et conventionnel et en même temps
empli d’amour pour sa fille. Qui n’est pas une fille très facile à élever…
Autre
atmosphère, celle du tournage du film à Guyancourt dans les Yvelines. Le
charisme et l’exigence d’un Robert Bresson (qui a pratiquement l’âge du
grand-père de l’héroïne) emplissent les scènes de tournage et les nombreuses
répétitions avant les prises de vue. Le souci de la lumière et de l’éclairage
pour rendre au plus près de leurs émotions ces gros plans sur les visages des
interprètes, sont un des signes de la patte de maître Robert Bresson. Ce travail du
détail, cette recherche de la perfection donnent parfois à penser que c’est
quand même un peu un tyran. Mais le résultat est là, certes dans un noir et
blanc un peu désuet mais poignant. (Bande annonce du film en fin d'article.)
Et
vous avez-vu ? Il y a un âne.
Et cela n’a pas été simple de le faire jouer correctement. Un âne ça ne fait pas forcément ce qu’on lui
demande même quand on est un grand réalisateur…
Robert Bresson, un grand
réalisateur : Journal
d’un curé de campagne, Un condamné à mort s’est échappé, Mouchette…
Mais je laisse le soin à un autre rédacteur du Déblocnot’ de vous en parler à
l’occasion…
J’ai
été très triste de découvrir qu’Anne Wiazemsky venait de mourir à 70 ans, quand
j’ai terminé la lecture de ce roman. Certes et comme elle l’a indiqué dans son
récit, elle était la petite fille de François Mauriac, mais pas que. Elle a fait
une carrière d’actrice, de réalisatrice et d’écrivain. Elle a eu des
convictions de femme libre et elle les a défendues. Dans Jeune fille, son style élégant et fluide nous entraîne avec
légèreté dans cet apprentissage de sa vie de jeune adulte, de jeune femme, de
jeune artiste. Les mots peignent par petites touches successives les sentiments
des principaux protagonistes mieux que ne le saurait faire une impression en
noir et blanc sur une pellicule.
Bonne
lecture…
Folio (Gallimard) : 224 pages
Autre
chronique à lire : l’Été en pente douce
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