Eugen-Ovidiu Chirovici |
Pour
ceux qui ont vu Jacky Brown de Quentin Tarantino, le cinéaste avait
employé ce procédé pour nous montrer sous trois angles (regards) divergents la
scène de remise d'une grosse somme d'argent déposée dans une cabine d'essayage
dans laquelle l'héroïne essayait un tailleur pantalon (juste un parallèle)…
J'ai
découvert Eugen-Ovidiu Chirovici sur
le conseil de ma chère Maggy qui semblait assez emballée par ce bouquin. Le romancier roumain est né en 1964 en Transylvanie (rien à voir avec
Dracula). Diplômé en économie, il s'est révélé des talents d'écrivain en 1991, d'abord dans sa langue
maternelle, avec Le
Massacre. Jeux de miroirs
est son 11ème roman et le premier dans la langue de Shakespeare.
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Partie 1 "Peter Katz"
:
2016 : Peter Katz est éditeur. Des
manuscrits, il en reçoit à la pelle, les apprentis écrivains étant fort
nombreux à défaut d'être talentueux. De la pelle à la poubelle, le chemin est
souvent rapide. Après le Martin Luther King Day, le 15 janvier, il épluche ses
mails et déniche un message qui l'intrigue d'autant que celui-ci est accompagné du
début d'un livre (une soixantaine de pages). Il s'agit d'un récit à la première
personne, autobiographique limite confession, de la plume d'un certain Richard Flynn. L'ouvrage complet sera envoyé si l'éditeur est intéressé. Un témoignage étrange à la première personne. Résumons :
Les sombres passages de Princeton |
En 1987, Flynn intègre la
faculté de Princeton pour préparer un diplôme en histoire. Il partage
l'appartement d'une étudiante plus âgée, Laura
Baines. Laura, après des études de mathématiques vise un nouveau diplôme en
psycho et suit les cours d'un professeur réputé, Joseph Wieder. Le Mentor d'une étudiante admiratrice, une évidence pour
Richard. Maîtresse ? Mystère. Le psy est un vieux célibataire en pleine forme
physique, un coureur de jupons hyperactif de surcroit. Laura présente Richard au Pr Wieder qui l'engage pour classer sa
bibliothèque. Dans son manuscrit, Richard détaille sa propre liaison avec Laura. Il
l'affirme intense mais la bluette se terminera en cul de sac… Wieder est retrouvé mort, roué de
coup. L'affaire ne sera jamais élucidée. Flynn précise que Derek Simmons, un ancien criminel déclaré irresponsable par Wieder et
lui servant d'homme à tout faire, aurait pu être le suspect idéal, mais avait
un alibi… Le Pr Wieder,était expert auprès des tribunaux… et n'avait pas que des potes !
Peter Katz tente de contacter
Richard Flynn pour lui proposer de
lire la suite. Mais ce dernier meurt d'un cancer et le manuscrit complet est
introuvable, si tant est qu'il existe car même la compagne de son auteur n'en a
aucune trace…
Partie 2 "John Keller" : Peter Katz se passionne pour l'affaire et propose à un ami journaliste,
John Keller,
soit de chercher les clés du mystère de la mort du Pr Wieder, soit d'écrire une fin plus ou moins crédible en vue
d'une publication grand public, quitte à prendre certaines libertés avec la
réalité. John
Keller agit en journaliste, interviewe, capitalise des témoignages
plus ou moins cohérents, n'a pas la possibilité d’accéder aux documents de
l'enquête. Il abandonnera ses scénarios chimériques d'autant que Laura devenue
une brillante spécialiste des sciences cognitives (ses travaux ont-ils été pompés sur
l'héritage secret de Wieder ?)
menace de poursuite en cas de diffamation. Pas devenue commode la Laura…
Partie 3 " Roy Freeman" : Roy
Freeman est flic à la retraite. Il est contacté par Matt, un ancien collègue qui avait enquêté en 1987. Ce dernier
avait été approché par Keller et du coup voit son passé et son échec resurgirent.
L'auteur nous entraîne vers une nouvelle trame plus policière. Après les
élucubrations courageuses mais vaines de Keller,
Freeman va tout reprendre en mode
flic : éplucher des dossiers vieux de trente ans, interroger les protagonistes
et non pas les interviewer, ce n'est pas la même chose… D'analyste de notes de téléphones
jaunies en as de détection des mensonges, Roy
Freeman démontera l'incroyable Cluedo, la valse du ou des coupables… Mais
si longtemps après, où sont les certitudes absolues ?
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La
première partie pourra déconcerter sur le plan stylistique. Tout à fait normal
à la lecture du manuscrit de Richard
Flynn qui maîtrise l'orthographe et la grammaire, mais n'a aucune chance
pour le Nobel. Le récit à la première personne et chronologique des deux autres
parties affiche un style serré et palpitant, sans temps mort avec une belle construction logique
évitant de se perdre dans le dédale des suppositions. La psychologie des
personnages est fouillée, toute en ambigüité. Le mensonge s'insinue partout
comme une vermine.
Un
bon polar, un plan original en forme de trilogie, une interrogation sur
la validité de nos souvenirs. On ressort de cette lecture avec des doutes
marqués sur la valeur des témoignages, surtout quand le temps les a fantasmés.
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