Dring
dring !
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- Oui ? C’est à quel sujet
?
- Bonjour, c’est Nema…
- Bonjour, moi c’est
Sonia. Vous venez pour ?...
- Pigiste. Je viens pour
piger.
- Euh… Nema, Nema vous
êtes une fille ? C’est quoi ce nom bizarre ?
- Nema, féminin de Nemo.
- Ah ! Oui… le petit
poisson clown !
- Mais non. Nemo,
capitaine Nemo, 20.000 lieues sous les mers, Jules Vernes, capito ?
- Si vous le dites…
« Neve, cane, piede », tel est le titre
en italien du roman de Claudio Morandini
dont je vais vous parler. Curieusement l’ordre des mots dans la traduction
française n’est pas celui de l’italien : « le chien, la neige, un
pied ».
Le
chien ?
Pas celui auquel on s’attend habituellement dans un roman qui se passe en
montagne. Un vrai personnage, qui choisit son maître, Adelmo Farandola, qui parle,
raisonne, pense. Bon, c’est un chien
donc il pense surtout à manger. Mais vous verrez au fil des pages la relation
entre le chien et son maître évolue : une complicité, une affection qui
petit à petit, plus les jours passent, vont constituer comme l’épine dorsale du
roman.
Adelmo Farandola n’est pas
quelqu’un de facile à comprendre. Adelmo a choisi de vivre comme un ermite, seul
dans cette petite vallée qui est son domaine, son univers. Quelques rares
descentes au village pour y chercher l’essentiel pour vivre dans la
montagne. Quelques mots échangés et Adelmo
repart. Un garde-chasse qui passe parfois, qui intrigue, irrite Adelmo.
Des touristes au loin qui ne sont pas les bienvenus. Finalement très peu de
personnages pour ce huis-clos dans la montagne. Mais le passé est là, pesant,
sournois, qui hante la pauvre tête d’Adelmo.
Ce
coin de montagne, on s’y croirait. Au fil des pages, on s’approprie son
paysage, ses recoins, ses chemins, ses cachettes. C’est un décor, nature
sauvage, écrin pour un conte pas ordinaire.
La
neige.
Elle arrive après s’être annoncée dans de lourds nuages inquiétants. Elle va
envelopper le chalet, dissimuler la vallée, étouffer la nature. Manteau blanc
épais froid qui oblige à rester enfermé, à penser ou à repenser au passé, à son
enfance, à avant quand il y avait des vaches… La neige craque, grince,
pèse : elle est un monstre vivant capable de se déchaîner. La neige est comme le personnage qui permet une
transition entre deux actes d’un
drame qu’on ne voit pas venir. Au
deuxième acte, lentement doucement la neige va fondre, disparaître petit à
petit.
Et il y aura le pied dévoilé sournoisement par la fonte de la neige… D’abord son odeur : pas celle d’un animal. Mais qu’est- ce que ce pied ? À qui appartient-il ?
Ce
n’est pas tant l’intrigue qui fait que j’ai beaucoup aimé ce roman que
l’ambiance, l’originalité et la poésie qu’on trouve dans cette histoire dont
peu importe la fin. Et surtout l’écriture. Claudio Morandini a un style certain,
un style de grand écrivain. Écrivain reconnu en Italie, et qui a d’ailleurs
reçu pour ce roman le prix Arturo Elsa Morante en 2016. Au passage, merci à la
traductrice Laura Brignon. C’est un
plaisir particulier que de savourer mot après mot l’immersion dans cette
histoire étrange, dans ce paysage désolé, de passer l’hiver aux côtés d’Adelmo
Farandola, déroutant mais attachant.
A
noter que Claudio Morandini est originaire d’Aoste, la plus petite région
d’Italie, qui a des frontières avec la France et la Suisse et un parc national
Gran Paradiso avec de somptueuses montagnes et vallées.
Anacharsis - 140 pages
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