mardi 30 mai 2017

DARCY "Tigre" (2016)



Premier album pour ce groupe qui nous vient de Rennes et pourrait bien connaitre un destin national à l'instar d'Etienne Daho, Niagara, Marquis de Sade, les plus connus à avoir émergé de la capitale bretonne. Mais plus que de ces derniers leur musique ramène aux grandes heures du punk et du  hard alternatif français des années 80-90, celle des Trust, Parabellum,  Béruriers noirs, Oberkampf. Autres références qui s'imposent, celles de Mass Hysteria, No one is innocent, Luke ou Noir désir, celui de "Tostaky"; vous mettez tout ça dans un shaker, secouez bien et il pourrait en ressortir nos Darcy qui vous l'aurez compris avec les noms sus nommés ne font pas dans la dentelle...

Composé des cousins Tollemer, Clément (drums)  et Irvin (chant, textes), Vincent Cosson (guitare) et Bernard-marie Canevet (basse), le combo rennais entend bien  mettre un bon coup de pied au cul d'une scène rock  de plus en plus aseptisée et politiquement correct destiné aux midinettes et/ou aux bobos.  et revenir à l'essence révoltée du rock . Irvin le rappelle d'ailleurs le rock n'a pas vocation à divertir mais à  remuer les consciences. L'écriture est  brute de décoffrage, violente, viscérale, sans aucune autocensure ; sans doute certains objecteront que ce n'est pas de la grande littérature, peut être mais elle transpire tant de rage immédiate à l'image du félin pas commode de la pochette, de colère explosive et de spontanéité qu'on pardonnera certaines maladresses ou naïvetés.


Ils se sont fait remarquer par 2 clips,  "la Marine" en Avril dernier en compagnie de Kemar, le chanteur de No one is innocent, charge contre le FN ("le mal se répand éternelle connasse/si elle aime la flamme alors comme Jeanne d'Arc il faudra la cramer/ dédiabolisée mais elle n'a pas changé de nom") "Aujourd'hui le FN s'est tellement banalisé qu'on ne peut plus alerter les gens en les tapotant du bout des doigts, il faut y aller au marteau" ; explique Irvin qui cite dans le texte  le "Porcherie" des Bérus (et son fameux refrain "la jeunesse emmerde le front national"). Deuxième polémique avec le clip de "Paris" fin 2016, où une interpellation musclée tourne au roulage de pelles torrides entre policiers et jeunes de banlieue , provoc' et clin d'oeil au "j'ai embrassé un flic" de Renaud et aux policiers qui manifestaient pour être mieux aimés, "on leur a donné de l'amour, à notre façon" dixit Irvin .  Décidément ces petits gars commencent à m'être sympathiques.

Premier coup de poing dans la tronche avec "Armaggedon", chanson d'amour, enfin à leur façon encore ("elle est canon comme une plaque d'égout toute neuve"), speed punk rock propre au headbanging, ça dépote sévère! "20 ans" charge la jeunesse désabusée qui "ne rêve plus à 20 ans" et "170" reprend en partie le texte de "la Marine" non présent sur l'album, puis "Bile jaune" tire sur tout ce qui bouge "aux armes les prolétaires/ au poteau les actionnaires/ c'est le chant de la colère",
colère encore avec "Justice" et son refrain qui résume tout ("justice, nous demandons justice!"), "Alcool" et "Mitraillette" puis "Paris" déjà évoqué, un tube alternatif en puissance.

Après ce déluge de décibels et de guitares acérées, survient "Fangio" en mode acoustique ( genre"le vent nous portera" de Noir Déz) ; hommage aux ouvriers de PSA à Rennes  victimes des délocalisations et autres suppressions de postes, superbe titre émouvant, dur, âpre,  digne de ce que pouvait écrire un  François Béranger. dans la même veine acoustique "Qui a besoin de poésie", empli des parfums de l'enfance et de nostalgie d'une époque qui a disparue ("maintenant les fermes sont des usines")  et "C'est ici", hommage vibrant à la ville de Rennes ("c'est ici que je suis né c’est ici que je finirai").

Voila un album qui m'a plutôt convaincu (plus que le dernier Luke par exemple) mais attention, je suis bien conscient qu'il ne plaira pas à tout le monde vu la dureté des textes et musiques mais vouloir plaire à tout le monde n'est ce pas se compromettre? (bac de philo, vous avez 3 heures).  Mais derrière cette colère, cette rage même, se cache aussi un grand cœur comme le prouvent les 3 derniers titres. Et puis ça fait du bien d'entendre des gars qui ont des choses à dire et qui n'ont pas pour unique ambition de passer sur  les ondes poubelles pour remplir le tiroir caisse. Darcy le chaînon manquant entre Noir Dez et les Bérus ? A suivre en tous cas.

ROCKIN-JL


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